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24/04/2023

Retour de Chine : quelle politique étrangère pour le second mandat du président Macron ?

Retour de Chine : quelle politique étrangère pour le second mandat du président Macron ?
 Michel Duclos
Auteur
Expert Résident, Conseiller spécial - Géopolitique et Diplomatie

Un an de présidence Macron 2, et de premiers sérieux revers en matière de politique étrangère. Dans ce papier, Michel Duclos revient sur certains écueils mais aussi sur les paris stratégiques qui motivaient initialement la (très décriée) visite du chef de l'État à Pékin, au-delà de la polémique suscitée par ses propos sur Taiwan. Sur la base de cette analyse, notre conseiller spécial formule trois propositions pour une approche européenne consolidée et l’introduction d’un véritable débat sur la Chine dans l’opinion publique française.

Nous ne reviendrons pas ici sur la polémique - ou simplement les vives réactions, souvent justifiées - qu’a déclenchée l’interview du président Macron à Politico et aux Échos à son retour de Chine. Au-delà des commentaires, et des commentaires sur les commentaires, quels étaient les présupposés ou les "sous-jacents" de la démarche du Président dans cette reprise du dialogue avec Pékin ? Sur la base de conversations avec l’entourage présidentiel, nous en avons identifié quatre principaux – sans prétendre à l’exhaustivité bien sûr - qui éclairent la séquence et, peut-être, donnent quelques clefs sur ce que pourrait être la suite de la politique étrangère du président dans son second mandat.

Quels sous-jacents derrière la visite à Pékin et à Canton ?

Le Président et ses collaborateurs mettent naturellement en avant l’objectif central qui constitue le commun dénominateur de la diplomatie macronienne, à savoir la recherche de l’autonomie stratégique européenne. Derrière cette orientation générale, quatre points nous paraissent devoir être mis en relief : le choix d’un engagement "sélectif" avec la Chine, le pari sur la possibilité d’un rôle positif de la Chine en Ukraine, une minimisation de la question de Taiwan et, en fond de tableau, certains des "irritants" actuels de la relation euro-américaine (IRA et autres).

Le choix d’un engagement "sélectif" avec la Chine

Un des conseillers du Président évoque le choix d’engager la Chine, en parlant d’un "engagement à nos conditions". Il faut entendre par là que Paris reste fidèle à tout l’arsenal défensif mis en place, souvent sur suggestion française, au niveau européen pour contrer les aspects inacceptables des offensives chinoises en matière économique. La France continuera à pousser à la fermeté là où c’est nécessaire. La présence de la présidente de la Commission européenne, Mme Von der Leyen aux côtés du président pour une partie de la visite aurait dû étayer ce point – même si en réalité, le déroulement des événements, tel qu’orchestré par la partie chinoise, a pour le moins affaibli la démonstration.

Sur cette base, que le Président, nous indique-t-on, a rappelée très clairement à son homologue chinois, l’"engagement à la française" porte sur trois axes de travail : le développement des relations entre la Chine et l’UE (et l’intensification des relations d’affaires franco-chinoises), la coopération sur les enjeux globaux et la question ukrainienne. Sur les enjeux globaux, l’Élysée estime que la Chine a fait un pas important lors de la COP 15 sur la biodiversité de Montréal (conformément aux intentions qu’elle avait affichées dans la déclaration commune franco-chinoise lors de la précédente rencontre Xi-Macron en 2019). Dans leurs entretiens, le président de la République a pressé Mr. Xi sur toute une série de sujets, tels le rôle que devrait jouer la Chine à la COP 28 d’Abou Dhabi (contribution financière au Fonds vert et à la transition dans les pays du Sud), le relèvement de l’ambition chinoise en matière de décarbonation et bien entendu une participation positive et de haut niveau des Chinois au sommet de juin sur un "nouveau pacte financier international". Mr. Xi se serait engagé sur ce dernier point.

La question que suscite cette présentation chez tout observateur instruit par l’expérience va un peu de soi : ne recommençons-nous pas, vis-à-vis de la direction chinoise telle qu’elle est aujourd’hui, la même erreur que vis-à-vis du régime russe à partir de 2019 (sollicitations trop appuyées et attentes excessives) ?

Pour les conseillers du président, les contextes sont différents : M. Macron a pensé ne pas pouvoir faire l’impasse sur une tentative de dialogue avec Moscou ; mais Poutine était un aventurier belliqueux depuis des années, au moins depuis la Géorgie (2008) et un "spoiler" du système international au moins depuis 2011 (Syrie) ; son économie tient un créneau non négligeable en matière énergétique mais n’est pas un moteur de l’économie mondiale. Il en va très différemment de la Chine. Avec 20 % de la population mondiale et le deuxième PIB de la planète, au touche à touche avec celui des États-Unis, elle est incontournable. Le découplage est impossible, comme le prouve le niveau record des échanges sino-américains cette année. De surcroît, l’attitude de la Chine vis-à-vis du système international reste ambigüe : non-respect de certaines règles (les prêts chinois hors critères du FMI ou d’autres accords), tentatives de constituer un réseau de structures parallèles (Asian Infrastructure Investment Bank, Banque de développement des BRICS), noyautage de l’intérieur de certaines institutions onusiennes mais aussi attitude coopérative sur la gestion de crises n’affectant pas directement les intérêts chinois et participation - certes distancée - à certaines actions sur les enjeux globaux. Une forme de "pick and choose" en quelque sorte.

Pour le président Macron, l’engagement avec la Chine doit notamment viser à tirer la Chine du côté de la coopération internationale, en lui proposant un "cadre commun" qui permette de concilier ses tropismes avec le système tel qu’il existe (cas types : les rééchelonnements de dettes de pays en développement alors que la Chine n’est pas membre du Club de Paris, ou encore un engagement plus clair dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat).

Le pari sur la possibilité d’un rôle positif de la Chine en Ukraine

C’était l’aspect le plus hasardeux de la visite. Selon l’entourage du président, Mr. Xi a indiqué à M. Macron que "l’Ukraine n’était pas sa guerre". Le Président aurait obtenu de son homologue chinois une confirmation que la Chine ne livrait pas d’armes à la Russie. Le communiqué commun franco-chinois comporte sur ce terrain ce que l’Élysée considère comme des "gains", c’est-à-dire des points sur lesquels Pékin se distancie de Moscou : condamnation des tirs sur les civils ou des enlèvements d’enfants, rappels sur le non-recours aux armes nucléaires, préoccupation partagée sur la centrale de Zaporijia (note : ce type de langage ne constitue pas une première côté chinois).

Dans ce contexte, nos sources confirment que les deux dirigeants se sont mis d’accord sur une collaboration en vue de "l’élaboration d’une négociation en vue d’une sortie de crise". Comment concilier cela avec le soutien répété de la France, notamment au sein du G7, aux buts de guerre de l’Ukraine (récupération de tout le territoire national, départ de toutes les troupes russes) ? Il est précisé du côté français qu’il s’agit d’obtenir une "sortie de crise qui soit conforme aux intérêts fondamentaux de l’Ukraine et conforme au droit international". Notons que jusqu’à présent, c’est loin d’être la vision de la Chine. Wang Yi, le "ministre des affaires étrangères" du Parti Communiste Chinois, et Emmanuel Bonne, le conseiller diplomatique du président Macron, resteront en contact pour se mettre d’accord d’ici l’été sur "les paramètres d’une négociation conforme au droit international". Le calcul est donc que la Chine reste dans un premier temps en dehors du conflit, puis qu’elle contribue à mettre un terme à celui-ci.

Là aussi, au lendemain des démonstrations d’amitié renouvelées entre Xi et Poutine lors de la visite du premier à Moscou, l’observateur sceptique s’interroge : tout cela n’est-il pas trop beau pour être vrai ? Ne peut-on exclure que Xi ait fait le choix stratégique qu’une poursuite ou un enlisement du conflit sert davantage les intérêts chinois que sa résolution dans les prochains mois ? La France ne prend-elle pas le risque de légitimer le narratif de "la Chine puissance de paix" alors qu’au mieux, celle-ci se contente de voir venir ? L’entourage du président répond à cela que les Chinois gardent en effet, sans doute sur la guerre en Ukraine plusieurs fers au feu. Il est possible qu’ils privilégient, ou en viennent à privilégier, la prolongation du conflit. Cela dépendra beaucoup du rapport de force sur le terrain : "Mr. Xi prendra Mr. Zelenski au téléphone si les forces ukrainiennes parviennent sur la mer d’Azov". En cas de succès de la contre-offensive ukrainienne, une fenêtre d’opportunité pourrait s’ouvrir pour une négociation. Dans cette hypothèse, le rôle de la France, nous dit-on, sera de pousser Pékin à adopter une attitude constructive.

Une sous-estimation de la question de Taiwan ?

Nous ne revenons pas ici sur les formules étranges prêtées au président Macron sur le thème "Taiwan ne serait pas notre crise" puisqu’il les a dans une certaine mesure corrigées dans sa conférence de presse à Amsterdam en rappelant que "la position de la France n’a pas changé". Le Président pense-t-il vraiment, comme l’implique l’une de ses réponses à Politico, que les Américains sont largement responsables des tensions autour de Taiwan ? Même si les Chinois "sur-réagissent" aux provocations américaines ?

Les collaborateurs de l’Élysée mettent en avant plusieurs lignes de défense. D’abord, la France est le pays européen qui fait le plus pour la sécurité dans l’Indopacifique. Le fait que la frégate Prairial croisait dans le détroit de Taiwan au moment même des dernières grandes manœuvres chinoises autour de l'île en témoigne. Il y a aussi une empreinte française dans la défense de Taiwan compte-tenu du suivi des contrats sur les frégates et les mirages. Ensuite, nous-indique-t-on, c’est un fait qu’il y a aux États-Unis une forme d’hystérisation du débat sur le sujet de Taiwan. Le Président Macron constate que le Président Biden lui avait indiqué, dans une conversation avant la visite, que pour sa part, il ne souhaitait pas l’escalade. Xi a fait part au président français à son tour, confirment ses collaborateurs, qu’il partageait cette préoccupation. Selon un de nos interlocuteurs, les Chinois parlent en fait assez rarement de Taiwan (en public, "une fois par an" s’agissant de Xi) ; l’immense build-up militaire chinois n’est que la prolongation d’un effort qui vient de loin. Toutes les dates avancées pour une attaque chinoise de l'île (2025, 2027, voire 2024) sont artificielles. D’autant plus que les responsables chinois se rendent certainement compte que Taiwan – avec l’aide de ses alliés - offrirait une résistance encore plus robuste que l’Ukraine à une agression. La conclusion est qu’il est urgent de calmer le jeu, sinon, la course aux armements s’accélérant dans la région, nous serons dans une "prophétie auto-réalisatrice".

Laissons parler de nouveau un observateur perplexe : l’Élysée paraît sous-estimer  la tournure agressive imprimée par Xi à la politique chinoise depuis plusieurs années et la capacité de mensonge de ses dirigeants ; ou encore l’impact qu’aurait une invasion de Taiwan par la Chine – ou simplement une mise au pas de l'île par les autorités de Pékin - sur la puissance américaine et les équilibres dans le monde ; pas de prise en compte non plus de l’asymétrie entre le dessein révisionniste, par la force s’il le faut, de Pékin, et l’attitude (maladroite sans doute par moment) de défense du statu quo par Washington. Il est d’ailleurs caractéristique que les comptes-rendus nationaux de la conversation Biden-Macron du 20 avril ne concordent pas tout à fait : le communiqué français mentionne seulement la "coopération nécessaire pour  soutenir le droit international, y compris la liberté de navigation, dans l’ensemble de la région Indopacifique" ; le communiqué américain indique plus précisément que les deux présidents "ont réaffirmé l’importance de maintenir la paix et la stabilité dans le détroit de Taiwan".

Sur le point-clef de la volonté des deux dirigeants, américains et chinois, de rétablir une certaine stabilité dans leur relation, notamment sur ce sujet, les semaines à venir fourniront un test : les deux parties peuvent considérer que l’affaire des ballons espions chinois, puis celle de la rencontre en Californie de la présidente Tsai Ing-wen et du leader du Congrès, Mr. McCarthy étant closes, une visite du Secrétaire d’État Blinken à Pékin redevient possible. Si ce n’est pas le cas, l’hypothèse d’une convergence d’intention Biden-Xi deviendra plus difficile à tenir.

Les griefs à l’égard des États-Unis

En arrière-plan des déclarations du président sur son refus du "suivisme" à l’égard des États-Unis, l’Élysée note que les récents sujets d’irritation avec Washington constituent un facteur : l’IRA bien sûr, mais aussi les contraintes imposées par l’administration américaine à la société néerlandaise ASML (stratégique comme l’on sait dans l’écosystème des semi-conducteurs). Plus généralement, vue de Paris, la politique américaine de contrôle aux exportations à l’égard de la Chine comporte souvent des arrière-pensées commerciales tendant, sous prétexte de sécurité nationale, à nuire aux intérêts de concurrents européens.

Perspectives et éléments de proposition
Le style du Président : une communication de confrontation ?

La répétition des "propos présidentiels suscitant la polémique" (depuis la "mort cérébrale de l’OTAN" jusqu’à "ne pas humilier ou écraser la Russie" et maintenant "ne pas suivre sur Taiwan le rythme américain" et les "surréactions chinoises"), interroge. Il est permis de se demander si le Président lui-même ne considère pas que la polémique présente des avantages : la provocation entraine des réactions excessives de la part d’acteurs de toute façon déterminés à contrer le dessein de l’"autonomie stratégique européenne" (des Polonais aux Républicains américains) ; ces réactions contribuent fortement à conforter l’image d’un Macron défenseur d’une Europe qui deviendrait, grâce à l’autonomie stratégique, "un pôle entre la Chine et les États-Unis". Plus prosaïquement, qui avait entendu parler d’une politique spécifique de la France à l’égard de la Chine avant le coup d’éclat de l’après visite à Xi ?

Dans cet ordre d’idée, il n’est pas impossible que l’approche d’Emmanuel Macron ait évolué au fil du temps. Les deux premières années de son premier mandat avaient été marquées par une volonté d’ouverture à l’égard de nos partenaires européens, notamment allemands. L’heure était à la conciliation – et à la séduction vis-à-vis de Mr. Trump (avec une once de provocation comme lors de l’épisode du retrait américain de l’Accord de Paris). Le silence assourdissant répondant à son discours de la Sorbonne l’a peut-être convaincu de la nécessité de recourir à un style de communication plus "musclé" - de surcroît plus proche de son tempérament naturel. D’où, par exemple, la fameuse interview à The Economist de novembre 2019. Il peut considérer que les avancées qu’il a obtenues en Europe – au moment de la pandémie puis en réponse à la guerre en Ukraine – sont en partie dues à une "communication de confrontation".

Dans la conjoncture actuelle, l’Élysée paraît tenté dans sa politique européenne de procéder par coups de boutoir plutôt que par la persuasion (avec des exceptions certes : le discours à la Haye du 11 avril. L’épisode de la visite à Pékin et Canton en fournit une illustration : si l’on en croit Michaela Wiegel dans la FAZ, les ambassadeurs des États européens à Paris ont été choqués par la tonalité "dure" du briefing que leur a fait le conseiller diplomatique du président – imperméable aux doutes ou réserves exprimés par ses interlocuteurs.

Ajoutons deux remarques. S’agissant de la réaction aux États-Unis, le président Biden n’a pas manqué de minimiser tout désaccord conformément à sa ligne de rassembleur de la communauté atlantique. La Maison Blanche n’en a pas moins fait savoir à notre ambassade qu’elle jugeait les propos du Président "décevants" et "unhelpful". Au total, la tendance française à s’isoler en Europe ne présente pas, vue de Washington, que des inconvénients. Enfin, ce qui choque une grande partie des cercles européens et américains est, au contraire, généralement bien reçu dans le "Sud global" : c’était vrai du dialogue avec la Russie, il y a toute chance que cela soit le cas aussi de l’engagement avec la Chine. Préoccupé de renouer avec ces États un lien de confiance (cf. sommet de Paris de juin sur un "nouveau partenariat financier international"), c’est un élément qui peut compter dans l’esprit de Mr. Macron.

Quelle politique étrangère pour le second quinquennat ?

Si l’on file la comparaison avec le premier quinquennat, le président français peut faire le pari que les événements à venir lui donneront raison et lui permettront d’engranger de nouvelles avancées : par exemple, le sommet de juin sur un nouveau partenariat financier international pourrait être un succès diplomatique équivalent à celui du G7 de Biarritz en août 2019 ; l’ouverture d’une éventuelle négociation sur l’Ukraine après l’été pourrait aussi fournir à la France l’occasion de participer en bonne place à un "moment diplomatique" historique ; le président peut considérer que, dans un tel scénario, sa "petite musique" maintenue sur la Russie et ses ouvertures à la Chine, jointes à un contact correct avec Mr. Biden, renforceraient sa main.

Dans cette hypothèse, il est possible que la diplomatie française retrouve sur le terrain européen la capacité d'entraînement - de "leadership" - que lui a fait perdre, dans une mesure importante, le dialogue trop longtemps maintenu avec Mr. Poutine. Précisons que ces remarques sont purement spéculatives. D’autres commentateurs estiment que c’est l’arrivée d’un républicain - voire de Trump lui-même - à la Maison Blanche en 2024 qui redonnerait véritablement de l’espace à la politique de "l’autonomie stratégique européenne". Quoiqu’il en soit, on peut imaginer d’autres scénarios et notamment que M. Macron soit rattrapé par la diagonale Ukraine-Taiwan : conflit persistant en Ukraine, sans cessez-le-feu ni négociation, auquel viendrait s’ajouter une attitude de plus en plus agressive de la Chine (une stratégie de strangulation) sur Taiwan.

Propositions

Les analyses qui précèdent peuvent conduire, s’agissant de la Chine, à trois types de propositions.

1/ Une approche européenne consolidée : les réactions à la visite présidentielle ont révélé une espèce de cacophonie dans les positions des Européens (y compris à l’intérieur de certains pays comme en Allemagne, où le ton de la ministre des Affaires étrangères diffère sensiblement de celui du Chancelier). Un des risques actuels est celui d’un affaiblissement de la Commission (et de sa présidente) alors que ses positions sur les questions économiques et commerciales correspondent aux nôtres.
On peut cependant considérer que le président Macron a permis, à sa manière, d’ouvrir un débat nécessaire. À noter d’ailleurs que lors de l’un des derniers Conseils européens, la France avait suggéré la réitération d’une position commune. Les Allemands avaient bloqué. Nous pourrions faire la proposition d’unetask-force Commission-SEAE-États membres pour structurer le débat en vue d’une actualisation de la "stratégie à l’égard de la Chine" qui date de 2019. Celle-ci devait de toute façon être revue l’année prochaine.

2/ Des messages à Washington via les think-tanks : vis-à-vis des États-Unis, les diplomates continueront à faire valoir jour après jour que, sur le fond, l’Amérique n’a pas en Indopacifique de meilleur allié que la France. Le dialogue officiel, avec ses hauts et ses bas, se poursuivra. Il est peu probable que la coopération effective, notamment militaire, souffre vraiment de quelques jours de crispation. En revanche, les rancœurs réciproques sur des sujets comme les régimes de contrôle des exportations, vont continuer à tendre l’atmosphère, malgré les canaux existant pour en traiter. C’est peut-être un domaine dans lequel les contacts de think-tanks à thinks tanks peuvent jouer un rôle au moins de sensibilisation.

3/ Ouvrir un débat devant l’opinion française : c’est peut-être la leçon la plus importante à tirer de cette séquence ; il est plus que temps qu’un vrai débat s’ouvre dans l’opinion publique en France même, informé par une contribution des experts (les analyses des sinologues français étant d’ailleurs à la fois de haut niveau et remarquablement convergentes).

Le risque de l’actuelle communication de l’Élysée est de réduire la question chinoise à l’alternative : "être suivistes ou non vis-à-vis des Américains". C’est une simplification dangereuse d’un problème très complexe, qui demandera dans les prochaines années des ajustements fréquents et parfois des décisions difficiles. Les Européens peuvent avoir des intérêts distincts de ceux des Américains mais il convient absolument d’avoir un diagnostic exact de la montée en puissance de la Chine, de l’évolution de son régime, des risques qui en résultent, etc. Une fois la poussière de l’épisode actuel retombée, les autorités de notre pays devraient veiller à une information équilibrée du public. Il appartient aux think-tanks et autres sources d’expertise, de contribuer à la formation d’une opinion publique éduquée.

 

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