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25/05/2016

Réformes du marché du travail au Portugal : les derniers seront-ils les premiers ?

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Réformes du marché du travail au Portugal : les derniers seront-ils les premiers ?
 Blanche Leridon
Auteur
Directrice Exécutive, éditoriale et Experte Résidente - Démocratie et Institutions


La réforme du Code du travail par ordonnances, premier chantier du quinquennat Macron, annonce des débats virulents, tant sur la forme que sur le fond. Avant la France, de nombreux pays européens se sont engagés sur cette voie. Comment ont-ils réformé leur marché du travail ? Quels sont les résultats ? Tour d'horizon dans six pays. Aujourd'hui : le Portugal.

Blanche Leridon, Chargée d'études à l'Institut Montaigne, se penche sur un pays particulièrement touché par la crise de 2008 et dont le marché du travail est marqué par une forte dualité.

Le marché du travail portugais avant les réformes

  • Un modèle déjà dégradé, dont la crise a exacerbé les faiblesses

Au Portugal, contrairement à ce que l’on a pu observer dans la majorité des Etats européens, la crise de 2008 n’a fait qu’amplifier un phénomène déjà à l’œuvre depuis le début des années 2000. La faiblesse du modèle productif portugais a entrainé, dès les années 2000, un ralentissement de la croissance et une hausse du taux de chômage. De 4,2 % en 2000, le taux de chômage a plus que doublé en 2007 (8,5 %), et a atteint un pic de 17,4 % au premier trimestre 2013.
Phénomènes indéniablement corrélés, on assiste à la même période à des destructions massives d’emplois, touchant principalement les secteurs de la construction, de l’industrie, de l’administration publique et des activités de commerce et de réparation. La dégradation du marché de l’emploi a touché les jeunes en priorité : de 21,4 % en 2007, le taux de chômage des jeunes passe à 34,7 % en 2014. Triste singularité du modèle portugais, le diplôme n’y a pas le rôle protecteur qu’il peut avoir dans la majorité des pays européens : en 2008, 26,9 % des jeunes diplômés sont au chômage, contre 16,2 % des non diplômés.
Enfin, la part du chômage de longue durée a considérablement progressé et concerne aujourd’hui la moitié des personnes au chômage, une persistance en partie due à la grande générosité du système d’assurance chômage portugais, selon l’OCDE. 

  • Marché du travail : une dualité au carré

A l’instar de nombreux pays, le marché du travail portugais se caractérise par une forte dualité. Y coexistent en effet des emplois permanents très protégés et des emplois temporaires plus précaires, manne importante de flexibilité pour les entreprises. A cet aspect de la dualité s’ajoute une spécificité propre au marché du travail portugais : la dualité entre les travailleurs salariés et les prestataires de service indépendants rémunérés par le biais des "recibos verde" qui désignent le système de rémunération réservé aux personnes employées en tant que prestataire indépendant. Près de 20 % des travailleurs portugais sont concernées. Les personnes employées sous ce régime n’ont droit ni aux congés payés ni aux primes d’ancienneté. S’ils sont tenus d’acquitter des cotisations retraite et maladie, leurs employeurs sont déchargés de toute cotisation. Cette forme d’emploi peut concerner l’ensemble des travailleurs et est particulièrement sollicitée aujourd’hui dans l’emploi public.

Les réformes du marché du travail

Dès 2009, des mesures conjoncturelles sont mises en place. Pour contrer la récession décrite plus haut, de premières mesures conjoncturelles ont été mises en place dès 2009. Ces mesures d’ajustement n’avaient pas vocation à perdurer et la grande majorité d’entre elles ont été supprimées en 2010. Ainsi, les charges sociales ont été réduites dans certains secteurs (TPE, seniors, bas salaires) ; le recours au chômage partiel a été étendu pour le textile, l’automobile et l’ameublement, et le droit aux allocations chômage a été prolongé de six mois. Une deuxième vague de mesures a été initié en 2012, elle visait quant à elle à augmenter le recours aux contrats à durée déterminée : le nombre de contrats maximum auquel peut recourir une entreprise et la durée de ceux-ci ont été revus à la hausse.

Les mesures structurelles mises en place après la crise

  • Assouplissement du régime de licenciement

En 2008, le Portugal figurait en tête de liste des pays les plus protecteurs en termes de législation du travail. Les modalités de licenciement individuel étaient parmi les plus stricts d’Europe. Les réformes de 2009 et 2013 ont considérablement assouplies ce régime, par quatre principaux biais : la simplification de la procédure de licenciement individuel, l’assouplissement des critères d’ordre de licenciement en cas d’extinction de poste, l’élargissement des motifs de licenciement pour inaptitude, et, enfin, la réduction progressive des indemnités de licenciement des salariés en CDI (passage de 20 à 12 jours pour les CDI et de 20 à 18 jours pour les CDD).

  • Baisse du coût du travail

Parallèlement, la recherche de gains de productivité au sein des entreprises est passée par une baisse du coût du travail : augmentation du nombre de jours travaillés sans compensation salariale, passage de 25 à 22 jours de congés payés annuels, suppression de quatre jours fériés sur treize, réduction de moitié des primes associées aux heures supplémentaires sont autant de mesure qui y ont participé.

  • Une assurance chômage moins généreuse

Afin d’inciter les chômeurs à retrouver un emploi rapidement, le système d’assurance chômage a été réformé en 2011 et 2013. De moins généreux, le système est cependant devenu plus universel, avec une augmentation significative du nombre de personnes couvertes. On a donc assisté simultanément à une réduction du plafond des allocations chômage (de 1 257€ à 1 048€) et de la durée d’indemnisation (de 38 à 18 mois) ; à la mise en place d’une dégressivité de 10 % des allocations au bout de six mois de chômage et à un élargissement substantielle de la couverture. La période minimale de cotisation est passée de 15 à 12 mois et la couverture a été étendue aux "recibos verde" lorsque 80 % de leur revenu annuel provient d’un employeur unique.

  • Service public de l’emploi, apprentissage, formation : des politiques actives renforcées

Dernier pendant de réforme : l’activation des politiques de l’emploi. Dans ce cadre, le service public de l’emploi a été consolidé dès 2012 : l’accompagnement des chômeurs a été renforcé et individualisé ; des formations généralistes ont été dispensées afin de consolider les compétences des demandeurs d’emploi, de nouvelles procédures ont été adoptées pour le recensement et la publication des offres d’emplois… Tous les dispositifs à l’attention des jeunes ont également été renforcés (système d’apprentissage, garantie jeune etc.). Enfin, un programme de formation "Reactivar" a été mis en place en avril 2015 pour les chômeurs de longue durée âgés de plus de 31 ans. Il consiste en un programme de stages de six mois et devrait concerner 12 000 personnes en 2016.

Quels résultats pour ces réformes ?

  • Malgré le sursaut, une situation toujours en deçà des moyennes européennes

Si l’on perçoit des signes d’amélioration depuis 2013, le Portugal affiche des performances toujours nettement inférieures aux moyennes européennes. Si l’emploi a augmenté de 5 % entre 2013 et 2015, le Portugal n’a récupéré que 24,6 % des 690 000 emplois détruits entre 2008 et 2013. Le taux de chômage, bien qu’il ait baissé de près de 5 points depuis 2013 (plus forte baisse enregistrée dans l’Union), s’élève toujours à 12,1 % (contre 8,8 % en moyenne dans l’UE 28). Enfin, le taux de chômage des jeunes, défi majeur pour le pays, reste très élevé, autour des 30 %.

  • Satisfaisant sur la formation et la productivité, peut mieux faire sur la dualité
Concernant le renforcement de la compétitivité et de la baisse du coût du travail : depuis 2010, on observe une diminution des coûts unitaires du travail au Portugal et une croissance simultanée de la productivité. La compétitivité du pays semble également rétablie puisque les exportations sont passées de 27,1 % à 40 % du PIBentre 2009 et 2015. En 2013, le Portugal enregistrait le premier surplus de ses comptes courants depuis 1995.
S’agissant des politiques actives de l’emploi, elles commencent à porter leurs fruits : on assiste en effet à une hausse importante du recours aux formations (344 000 en 2011, 467 000 en 2013) et le contrôle de la recherche effective d’emploi est de plus en plus rigoureux.

Bilan plus mitigé s’agissant maintenant de la réduction de la dualité du marché du travail. La part de travailleurs indépendants affiliés au régime des "recibos verdes" a diminué. De 21 % fin 2013 elle est passée à 17 % fin 2014. Cette tendance s’explique par un remplacement progressif de ces contrats par de l’emploi permanent, du fait de la nouvelle législation sur le licenciement. Cependant, le second aspect de la dualité reste préoccupant : si un nombre important d’emplois à durée indéterminée ont été créés, le recours à l’emploi temporaire reste élevé (plus de 20 % de l’emploi salarié).

Le 18 mai dernier, la Commission Européenne a publié des recommandations adressées à l’Etat portugais. Parmi celles-ci, figure le renforcement des incitations à l’embauche en CDI. Le gouvernement s’est ainsi fixé cet objectif de en diminuant les subventions octroyées pour la signature de CDD. La lutte contre la dualité est donc aujourd’hui bien engagée.

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