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08/01/2018

Quelles perspectives pour les relations franco-chinoises ?

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Quelles perspectives pour les relations franco-chinoises ?

Emmanuel Macron, qui a choisi la Chine pour démarrer son année à l’international, arrive à Pékin auréolé d’une position qui n’était pas celle de son prédécesseur. Largement élu en mai par 66 % des Français et doté d’une forte majorité parlementaire, le chef de l’État a su asseoir son pouvoir et son autorité, ce qui compte aux yeux des dirigeants chinois, sidérés de voir Angela Merkel et Theresa May fragilisées bien qu’elles aient gagné les élections législatives dans leurs pays.

La relation franco-chinoise diffère toutefois de celles entretenues avec l’Allemagne et le Royaume-Uni.  L’Allemagne est en effet le premier partenaire commercial de la Chine en Europe, le Royaume-Uni a, de son côté, de fortes chances de devenir à terme une plaque-tournante pour la finance chinoise - une fois le Brexit "finalisé". Chiffres à l’appui, la France n’est pas considérée comme une puissance économique aussi importante que l’Allemagne par la Chine, même si beaucoup de ses entreprises se sont fait un nom sur le marché chinois : des industriels comme Suez, Schneider Electric, Veolia, Seb, EDF ou Michelin aux marques de luxe Vuitton ou Hermès, en passant par L’Oréal ou par les distributeurs Carrefour ou Auchan.

"Depuis le 19ème congrès du Parti communiste chinois, l’affirmation de la Chine en tant que puissance globale ne fait plus aucun doute".

Pour sa deuxième rencontre avec Xi Jinping (la première ayant eu lieu à l’occasion du G20 en juillet 2017), Emmanuel Macron arrive muni d’exemples et d’arguments affûtés au cours de l’histoire récente. Depuis 1964, année de la reconnaissance de la République populaire de Chine par le gouvernement de Charles de Gaulle, Pékin et Paris ont connu des moments de tension (comme sous François Mitterrand ou Nicolas Sarkozy), de complicité (comme sous Jacques Chirac) ou de relations neutres comme ce fut le cas pendant le quinquennat de François Hollande. C’est d’ailleurs lors des dernières années qu’un rééquilibrage s’est amorcé au profit d’autres partenaires d’Asie-Pacifique tels que l’Inde, la Corée du sud, l’Asie du Sud-Est. Ce qui n’a pas échappé à la Chine. Aujourd’hui, la France est le seul pays européen à posséder une présence militaire à la fois dans l’Océan indien et dans le Pacifique. Détentrice du deuxième domaine maritime mondial, la France travaille également en étroite coopération avec les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande – autres puissances maritimes régionales – à travers le groupe de coordination quadripartite sur la sécurité maritime dans le Pacifique.

Ces réalités sont importantes pour comprendre la relation complexe entre la France et la Chine. Certes, les deux pays sont membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, ils partagent des objectifs communs sur le climat, mais l’un est membre de l’Alliance atlantique et d’une Union européenne plus volontaire qu’auparavant sur les questions de sécurité, et l’autre cherche clairement à dominer l’Asie économiquement et stratégiquement. Et depuis le 19ème congrès du Parti communiste chinois, l’affirmation de la Chine en tant que puissance globale ne fait plus aucun doute. Le dossier nord-coréen – qui figurera en bonne place lors des discussions Macron-Xi – illustre le décalage entre les deux pays : la France défend une ligne ferme vis-à-vis du développement du programme nucléaire de Pyongyang, alors que la Chine continue d’évoquer la double suspension (programme nucléaire nord-coréen, et déploiement anti-missiles sud-coréen avec l’aide américaine).

"Emmanuel Macron avait évoqué, dans son programme présidentiel, la nécessité de collaborer avec Pékin sur les questions climatiques et environnementales, mais aussi de rééquilibrer les échanges commerciaux et les investissements, qui penchent – au niveau européen - largement en faveur de la Chine".

Sur le plan économique, un vrai déséquilibre existe aujourd’hui, comme l’ont rappelé à leurs interlocuteurs chinois les ministres Jean-Yves Le Drian et Bruno Le Maire, venus à Pékin l’un après l’autre en fin d’année dernière afin de préparer le voyage présidentiel. Il faut réduire le déficit commercial de 30 milliards d’euros, mais comment y arriver ? Les projets dans le nucléaire (construction d'une usine de retraitement des déchets radioactifs en Chine par EDF et Areva pour une entrée en service en 2030) ou l’aéronautique (achat d’avions Airbus) avancent un peu, de même que des secteurs où le savoir-faire français est reconnu comme l’agro-alimentaire, la santé voire les maisons de retraite. Mais il y a aussi le "soft-power" français : luxe, design, culture, francophonie, éducation… L’Hexagone a ainsi accueilli en 2016 pas moins de 1,8 million de touristes chinois, dans un secteur non négligeable pour l’économie, chaque touriste chinois dépensant en moyenne 3 500€ par voyage. Le nombre d’étudiants chinois en France a atteint 28 000, en net progrès, même si le décalage avec d’autres pays occidentaux (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne) reste grand.

Ministre de l’Économie de 2014 à 2016, Emmanuel Macron avait évoqué, dans son programme présidentiel, la nécessité de collaborer avec Pékin sur les questions climatiques et environnementales, mais aussi de rééquilibrer les échanges commerciaux et les investissements, qui penchent – au niveau européen - largement en faveur de la Chine. D’où l’initiative de la Commission européenne de mettre en place un filtrage – au moins symbolique – des investissements étrangers dans certains secteurs technologiques sensibles ou infrastructures. Une démarche initiée par l’Allemagne, la France et l’Italie, mais également soutenue par le Royaume-Uni et l’Espagne.

Malgré le choix symbolique de se rendre à Pékin comme première destination présidentielle en Asie, la volonté d’équilibrage à l’intérieur du continent demeure : en 2018, des déplacements devraient avoir lieu en Inde (pays qui a notamment acquis 36 avions Rafale pour un montant de 8,8 milliards de dollars), en Corée du sud (Jeux Olympiques d’hiver ?) et peut-être au Japon, sans pour autant négliger des pays du Sud-Est asiatique qui avaient reçu la visite de François Hollande pendant son mandat. A l’heure où la Chine promeut son projet "Belt and Road" jusqu’en Europe, au risque de susciter davantage de questions, la France met en avant l’idée d’une vraie réciprocité nécessaire à la préservation des intérêts de chacun. En ce début de quinquennat pour Emmanuel Macron, il s’agit d’une étape de choix pour la diplomatie française dans une région essentielle.

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