AccueilExpressions par Montaigne¿ Qué pasa en América Latina ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.03/05/2016¿ Qué pasa en América Latina ?ImprimerPARTAGERAuteur Victor Poirier Ancien directeur des publications L'Institut Montaigne anime tout au long de l'année un cycle d'échanges consacré aux économies émergentes. Retour sur les dernières discussions qui ont porté sur les perspectives du continent latino-américain, dont plusieurs pays traversent des périodes d'instabilité économique et politique.Pour la première fois depuis la crise des subprimes en 2009, l'Amérique latine était en récession en 2015, selon le FMI. Ce ralentissement économique, qui touche particulièrement le Brésil et le Venezuela, a renforcé la méfiance des investisseurs, toujours palpable depuis la « décennie perdue » des années 80. A ces difficultés s'ajoute une instabilité politique forte dont la procédure de destitution visant la présidente du Brésil Dilma Rousseff lundi dernier en est l'exemple le plus criant. L'Amérique Latine est-elle en si mauvaise posture ? Comment le Brésil, souvent présenté comme un modèle de réussite, fait-il face à ces bouleversements ? Comment la région peut-elle apprendre de ses erreurs et sortir renforcée de cette crise ? Décryptage.I- Un continent aux fortes divergences internesL’Amérique Latine, souvent appréhendée comme un ensemble homogène, est marquée par des divergences internes majeures, économiques mais aussi politiques. La prise en compte de cette hétérogénéité est cruciale pour comprendre les dynamiques à l’œuvre dans cette région. Certains pays dépendent avant tout de l’économie des Etats-Unis – l’Amérique centrale et le Mexique en particulier – et bénéficient donc de "spill-over effects" : ils tirent profit de la bonne santé de l’économie américaine. D’autres ont un modèle économique indexé sur la conjoncture internationale. C’est le cas du Venezuela, qui tire 95 % de ses revenus d’exportations de l’exploitation du pétrole, ainsi que du Brésil, également lourdement affecté par la chute du cours de l’or noir. Cette configuration – s’apparentant à une nouvelle Ligne de Tordesillas – est aussi corrélée à la proximité géographique avec les Etats-Unis : les pays qui en sont éloignés sont généralement plus prompts à des mesures protectionnistes ou enclins au développement du libre-échange latino-américain, comme l’illustre le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Venezuela). Autre grande différence, les systèmes politiques. La structuration des partis, la cohérence de l’offre politique ainsi que la capacité de faire la pédagogie de réformes viables sont des enjeux auxquels les pays latino-américains répondent différemment. Certains pays sont sur la voie de la stabilité – les réformes économiques argentines de Mauricio Macri, le potentiel accord de paix entre le gouvernement colombien et les FARC, la continuité dans le temps des politiques publiques au Pérou ou encore les tentatives de Maduro pour renforcer le lien entre pouvoir et citoyens au Venezuela – tandis que d’autres pâtissent toujours de problèmes de légitimité. Evo Morales en Bolivie, Michelle Bachelet au Chili ou Dilma Rousseff au Brésil ne répondent plus aux attentes de leurs populations. Véritable fléau historique en Amérique Latine, l’instabilité politique nuit à l’investissement.II- Le Brésil, symbole d’un continent "malade"Le Brésil est officiellement en récession – deux années consécutives de croissance négative – alors qu’il représente 40% du PIB total de la région. Affaibli par la chute du cours du pétrole et par des scandales de corruption – ainsi que par des facteurs externes, tels que la remontée des taux de la FED et le ralentissement chinois – le Brésil s’engouffre dans une crise qui vient de prendre un nouveau tournant. Le 17 avril 2016, les députés brésiliens ont voté pour la poursuite de la procédure de destitution de la présidente Dilma Rousseff, accusée de maquillage de comptes publics. Elle pourrait être la deuxième chef d’Etat brésilienne destituée en 31 ans de démocratie, après Fernando Collor de Mello en 1992. Une telle instabilité provoque une baisse des investissements qui, à son tour, crée de l’instabilité, et ainsi de suite… Le Brésil de 2016 est à l’image d’une grande partie de l’Amérique Latine : prometteur mais freiné par des faiblesses structurelles persistantes. En outre, la fragmentation du système brésilien – une douzaine de partis réunis au sein d’un guvernement – et la corruption endémique alimentent et accroissent l’instabilité du pays et la défiance des citoyens vis-à-vis de la classe politique.III-"A good crisis is often a good opportunity"Ce constat alarmant est complété par le dernier classement "Ease of Doing Business" de la Banque Mondiale : en matière d’écosystème pour les affaires, les pays d’Amérique Latine récoltent des résultats médiocres (Brésil 116ème, Argentine 121ème, Venezuela 186ème sur 189). Néanmoins, les prévisions du FMI pour les années à venir sont optimistes et des pistes pour une relance économique existent. Elles passent notamment dans un premier temps par une amélioration de la législation qui permettrait d’attirer les investissements et de diversifier le tissu d’entreprises. La crise qui couve actuellement dans la région peut être un véritable tournant à cet égard. La signature d’accords de libre-échange pourrait aussi permettre de faciliter les réformes structurelles internes, nécessaire à la reprise économique. A ce titre, les négociations entre l’Union Européenne et le Mercosur sont déterminantes, notamment pour permettre aux pays latino-américains d’émerger sur de nouveaux marchés. Une autre piste à ne pas négliger est celle du Partenariat Transatlantique (ou TTIP), actuellement en négociation entre l’UE et les Etats-Unis : pour en bénéficier, l’Amérique Latine doit prendre part à ces discussions qui la concerne particulièrement. La place des économies d’Amérique Latine dans la chaine de valeur pourrait en sortir renforcée, à condition de réaliser les investissements nécessaires en termes d’infrastructure, d’éducation et de transport qui permettront à l’Amérique Latine de concentrer plus d’activités à haute valeur ajoutée. Enfin, les discussions invitaient à relativiser la crise que traverse actuellement la région, régulièrement affectée par des excès d’optimisme – ou plus souvent de pessimisme. Sur le plan économique, l’Amérique Latine devrait apprendre de ses erreurs – et de ses dépendances – pour se replacer sur la chaine de valeur. Sur les plans social et politique, et (paradoxalement) à l’image du Brésil, la crise actuelle pourrait être l’occasion de réinventer des organisations politiques capables de conduire les réformes nécessaires et de prendre le train en marche de la révolution digitale.ImprimerPARTAGER