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30/08/2017

"Puisque la priorité est à l’école primaire, allons-y !", entretien avec Catherine Moisan

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Catherine Moisan, ancienne directrice de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) pour les ministères de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur, analyse les premières orientations du gouvernement et dresse un état des lieux de l'éducation en France.

C’est la première rentrée du quinquennat. Si le candidat Macron a fait de l’éducation une priorité tout au long de sa campagne, les premières décisions  vont-elles dans le bon sens ?
 
Cette première rentrée s’annonce mitigée. La diminution des effectifs par classe en REP+ va évidemment dans le bon sens. Mais l’abandon des cinq matinées de classe contredit la priorité affichée pour la réussite de tous les élèves à l’école. A-t-on oublié les travaux de scientifiques incontestables tels qu’Hubert Montagner, ou l’avis de l’académie de médecine ? La référence permanente aux résultats scientifiques n’est-elle qu’un leurre, disparaissant quand la mesure prise les contredit ?

Au-delà des premières mesures, je suis perplexe sur le projet éducatif dans son ensemble. Opposer "technologie" et "humanité" me semble d’un autre temps. Les archaïsmes sont résistants en matière d’éducation, où est le renouveau ? Je partage la critique de "l’égalitarisme" si cette notion renvoie à celle d’uniformité, qui n’a jamais garantie la justice sociale. Mais, dans un pays où le déterminisme social pèse plus qu’ailleurs sur la réussite scolaire, chaque décision devrait être mesurée à l’aune de ses effets sur la réduction ou l’augmentation de ce déterminisme.
 
On connaît l’importance des questions de formation, aussi bien pour les enseignants que pour l’encadrement du Ministère de l’Éducation nationale. Avez-vous le sentiment que ces deux leviers pourront être actionnés d’une manière ambitieuse dans les mois qui viennent ?
 
La formation, le recrutement, la mobilité, l’évaluation des enseignants, tout est à revoir. Oui, il faut développer la recherche sur les apprentissages et la didactique et irriguer la formation avec ces résultats. Mais ceci suppose un changement radical de méthode. Il faut mettre un terme à la logique de "top down" permanent, qui dicte au terrain ce qu’il doit faire. Il est temps d’appliquer le principe de confiance et de considérer les enseignants comme des professionnels. Mettons en œuvre de grands projets sur le modèle de "e-FRAN" (Espaces de formation, de recherche et d'animation numérique), permettant aux chercheurs, aux cadres et aux acteurs de terrain de travailler ensemble et de produire des ressources. N’éludons pas les grandes questions qui se posent sur la formation initiale et le recrutement. Faut-il un concours en plus du master ? La formation dans les ESPE (Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation) est-elle réellement professionnelle, basée sur une véritable alternance ? Si les établissements recrutent les enseignants, que se passe-t-il dans les écoles qui n’ont aucune autonomie ? Quel que soit le mode de recrutement, comment réduire les inégalités territoriales flagrantes en termes de recrutement et de stabilité des enseignants ? Ce dernier point est majeur, il conditionne l’efficacité de la diminution du nombre d’élèves par classe dans les REP d’Ile de France, où la proportion de contractuels et d’enseignants débutants est considérable.
 
Vous êtes agrégée de mathématiques et on sait à quel point les petits Français, comme toute une partie du corps enseignant, sont en délicatesse avec cette discipline. Selon vous, qu’est-ce qui doit être entrepris pour retrouver le niveau d’excellence de notre système éducatif en mathématiques ?
 
Les enquêtes internationales nous alertent, non pas sur l’excellence d’un petit nombre, mais sur la maîtrise par tous des outils mathématiques de base. L’enquête PISA 2012 (OCDE) a montré que la France était le champion du déterminisme social sur l’acquisition des mathématiques pour les élèves de 15 ans. TIMMS 2015 (IEA) montre que les élèves français en CM1 sont plus faibles en mathématiques que tous les autres jeunes Européens. Puisque la priorité est à l’école primaire, allons-y ! Plutôt que de ressasser les querelles stériles et dépassées sur les méthodes syllabique et globale, mettons en place un grand projet sur les mathématiques à l’école. Il faut réconcilier les futurs professeurs des écoles avec les mathématiques, ce qui suppose d’inclure les ESPE dans ce grand projet. Tirons les leçons des alertes récentes et inventons l’école du futur !

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