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04/03/2016

Mutualiser la gestion du risque maladie

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Mutualiser la gestion du risque maladie
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Comme le soulignait récemment le Prix Nobel d'Économie français Jean Tirole dans la note qu'il consacrait à la réforme de l'assurance maladie, la mixité actuelle de notre système assurantiel est à l'origine d'une inflation des coûts de gestion insoutenable à long terme. En 2014, leur montant aurait atteint près de 13 milliards d'euros, dont 7,2 milliards pour les organismes relevant de la sécurité sociale, et 6,2 milliards pour les organismes complémentaires. L'Institut Montaigne avait proposé un système mixte d'assurance-maladie, en organisant un financement des soins unifié sous la forme d'une concurrence régulée entre caisses d'assurance.

  • Introduire un système de concurrence régulé entre opérateurs
La délégation de la gestion du risque se ferait dans un cadre contractuel, sur la base d’un cahier des charges précis défini par l’État et éliminant toute sélection du risque. Les opérateurs sélectionnés seront à but non lucratifs : ils émaneront des caisses d’assurance maladie actuelles, des mutuelles d’assurance, des courtiers, aux côtés desquels pourront émerger de nouvelles formes d’institutions, à l’initiative de groupes de prestataires de soins (médecins, service hospitaliers, cliniques) ou sur des bases entièrement neuves (réseaux sociaux, communautés de santé supportées par des systèmes d’informations novateurs, etc.). Quant aux bénéficiaires de l’assurance maladie universelle, ils seront libres de choisir l’opérateur de leur choix, et d’en changer ensuite s’ils le souhaitent.

Il est essentiel que dans le cadre défini nationalement, ces nouveaux opérateurs bénéficient également d’une large autonomie et de nombreux degrés de liberté, de manière à favoriser l’émergence de dispositifs innovants au service de l’amélioration de la prise en charge des patients et de l’optimisation des coûts de gestion. C’est pourquoi la mise en concurrence de ces opérateurs devra être appréciée à l’aune de leur capacité à développer de nouvelles méthodes de gestion et d’appréciation du risque, à l’instar de la mise en réseau des acteurs médicaux.

  • Forfaitiser la prise en charge et élargir le panier de soins à partir des excédents dégagés par les opérateurs complémentaires
Ces opérateurs seraient financés à partir d’un forfait par adhérent en fonction de l’âge et du sexe, complété par un système de modulations élaboré à l’échelle nationale par la nouvelle Caisse nationale d’assurance maladie universelle (prise en charge des ALD, populations bénéficiant de la CMUC, etc.) et localement par ses nouvelles antennes régionales de manière à adapter au maximum l’offre de soins aux besoins de santé de chaque territoire. Une fraction des excédents d’une année (par exemple 1/3) pourrait également être provisionnée et répartie équitablement entre chacun des adhérents afin de pouvoir prendre en charge l’année suivante l’accès à des services non remboursés par l’assurance maladie universelle. Les opérateurs se réassureront de manière à éviter toute inflation des frais de gestion.

  • Favoriser l’émergence de réseaux de soins coordonnés
Les organismes complémentaires ne disposent actuellement d’aucune marge de manœuvre pour mettre en œuvre à des tarifs raisonnables de véritables réseaux de soins. Leur action reste aujourd’hui cantonnée à des domaines très spécifiques (dentaire, optique), et n’intègre encore que de façon diffuse les nouveaux modes de gestion personnalisée du patient permis par l’essor de l’e-santé.

De tels réseaux offriraient à leurs adhérents une véritable gestion de leur parcours de santé et une réelle orientation médicale à travers un système de santé qui reste aujourd’hui perçu comme labyrinthique pour un très grand nombre de patients. Ils amplifieraient la coordination de chacun des acteurs de la chaîne de soins et contribueraient à la démocratisation de l’accès aux soins en mettant à la disposition de leurs membres les informations de santé dont ne bénéficient aujourd’hui qu’une minorité d’assurés sociaux privilégié. Ces opérateurs seront à même de gérer un véritable parcours de soins digital, en dotant chaque adhérent d’un véritable dossier médical "portable".

  • Responsabiliser les acteurs médicaux en développant des mécanismes les incitant à l’efficacité
Disposant d’une assise régionale (environ quelques centaines de milliers d’adhérents), ces opérateurs seraient amenés à contractualiser avec les acteurs locaux de la santé via des mécanismes d’accréditation basés sur la qualité et l’efficacité de leurs prestations.

  • Développer l’accréditation des professionnels de santé et des services hospitaliers 
Ces nouveaux organismes seraient à même de négocier au mieux des prestations sur la base d’un rapport qualité/prix. Ils pourraient notamment revoir à la hausse la rémunération des médecins généralistes, en contrepartie de quoi ceux-ci s’engageraient par exemple à respecter les protocoles validés scientifiquement et à recourir aux génériques. Une différenciation des honoraires devrait également pouvoir être mise en place sur un territoire donné en fonction des spécialités médicales. Autre piste d’évolution : pouvoir conclure des contrats globaux avec des cabinets d’imagerie médicale ou des laboratoires d’analyse. En secteur hospitalier, une même différenciation pourrait s’opérer, en fonction cette fois de la qualité des soins prodigués par chacun des services, des taux d’infections nosocomiales, du taux d’hospitalisation à domicile, ou des différents services mis en place pour accompagner le patient dans sa prise en charge.




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