AccueilExpressions par MontaigneMobilité étudiante : la France séduit toujours, mais pour combien de temps ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.24/03/2016Mobilité étudiante : la France séduit toujours, mais pour combien de temps ?ImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Malgré une compétition internationale accrue, la France attire toujours les étudiants internationaux. C'est ce que révèle le bilan publié en ce début 2016 par Campus France, qui s'appuie sur les derniers chiffres fournis par l'UNESCO et le ministère de l'Éducation nationale. Avec près de 300 000 étudiants étrangers accueillis en 2014-2015 ? soit 4,4 % de plus qu'en 2010 ?, la France demeure la 3ème destination mondiale des étudiants en mobilité, après les États-Unis (975 000) et le Royaume-Uni (440 000).Á l'heure où l'enseignement supérieur dispose de ressources contraintes, comment s'assurer que la France conserve son rang ? Décryptage.Des atouts considérablesPremier pays européen pour l’accueil des étudiants internationaux jusqu’au milieu des années 1990, la France a développé une tradition d’accueil confortée par la présence d’établissements de grande renommée, une production scientifique reconnue et internationale, ainsi qu’un réseau d’établissements à l’étranger particulièrement dense (à travers plus de 240 formations dans 26 pays, la France tient une place privilégiée pour les formations dites "délocalisées").Des ressources insuffisantesServices aux étudiants, moyens financiers… les ressources dévolues à l’internationalisation de l’enseignement supérieur ne sont pas à la mesure des succès internationaux enregistrés en matière de recherche. Une autonomie renforcée de nos universités permettrait d’adopter le mode de financement nécessaire à de telles formations. C’est l’une des propositions que nous formulons dans notre étude Université : pour une nouvelle ambition (avril 2015), où nous rappelons le défi que représente l’internationalisation pour les universités françaises. Pionnières en matière d’internationalisation, les business schools françaises n’en sont pourtant pas moins vulnérables. Dans notre rapport Business schools : rester des champions dans la compétition internationale (novembre 2014), nous dressons le constat des défis à relever pour ces fleurons de l’enseignement supérieur français et avançons des propositions afin qu’elles conservent leur place dans le concert mondial.Dès lors, la France n’échappe pas au risque de contraction des effectifs d’étudiants étrangers accueillis que subissent les grands pays d’accueil, depuis plusieurs années, sous l’effet de la concurrence accrue des pays émergents. Pour y porter remède, certains pays comme le Royaume-Uni et l’Allemagne ont développé des stratégies d’internationalisation. Retour sur les grands principes qui structurent ces deux modèles.L’efficacité du modèle britanniquePremière destination européenne – 10% des étudiants étrangers en mobilité – le Royaume-Uni envisage l’enseignement supérieur comme un marché de services. Conformément à cette approche, il poursuit une politique de tarification élevée afin de s’assurer de recettes importantes. Á cet égard, les frais de scolarité britanniques figurent parmi les plus élevés d’Europe, pour les étudiants britanniques et communautaires – jusque 9000 livres sterling par an – mais plus encore pour les étudiants non-communautaires– 18 000 livres sterling. Les frais de scolarité des étudiants internationaux représentent ainsi près de 30% du total des frais de scolarité reçus par les universités britanniques, alors qu’ils ne forment que 18% du corps étudiant. Portée par la très large diffusion de l’anglais et une offre de formation largement déployée à l’étranger, la stratégie britannique s’inscrit dans un objectif plus large de soft power, condition du rayonnement et de l’attractivité de son modèle. Elle s’est, en outre, accompagnée d’une forte réduction des dépenses publiques consacrées à l’enseignement supérieur, dont le budget diminuera d’environ 170 millions d’euros (soit 120 millions de livres sterling) d’ici à 2019-2020.Pourtant, les politiques migratoires restrictives mises en œuvre par le gouvernement actuel – régulations imposées aux universités, impossibilité de délivrer des visas de travail post-études – risquent d’entraver la compétitivité du système britannique, dont le financement dépend largement de la contribution des étudiants internationaux. Le modèle collaboratif allemandL’Allemagne poursuit, quant à elle, une dynamique de coopération universitaire. Alors que son économie requiert une main-d’œuvre qualifiée, le pays mise sur sa réputation d’excellence culturelle en pratiquant une politique d’immigration ouverte, notamment par l’assouplissement des lois visant à faciliter l’accès à l’emploi des jeunes diplômés internationaux. Tout en misant sur les bourses comme puissant facteur d’attractivité, l’Allemagne a progressivement mis fin aux frais de scolarité dans ses établissements. Au travers d’une sélection fondée sur des critères d’excellence, le modèle vise un recrutement qualitatif et ciblé. En témoigne la priorité donnée au recrutement d’étudiants en master et en doctorat dans les domaines scientifiques et techniques, dans un contexte où l’innovation constitue le cœur de la croissance allemande. Signe de l’attractivité du modèle allemand, la moitié des étudiants étrangers restent en Allemagne pour y travailler à l’issue de leurs études.Quelle stratégie d’internationalisation pour l’enseignement supérieur français ?Ces deux modèles mettent en exergue la nécessité d’apporter une réponse forte aux enjeux actuels d’une économie de la connaissance mondialisée. Une stratégie cohérente et soutenable d’internationalisation contribuerait à une attractivité durable de l’enseignement supérieur français. Elle permettrait en outre de retenir les diplômés internationaux formés sur notre sol, alors que la France peine à attirer les talents étrangers.Dans notre étude Université : pour une nouvelle ambition (avril 2015), nous plaidons pour donner la possibilité à nos universités de fixer des droits d’inscription plus élevés pour les étudiants non communautaires. Les ressources ainsi dégagées permettraient notamment d’améliorer l’accueil des étudiants internationaux et d’accompagner l’internationalisation des établissements. Par Grégoire Vanco pour l'Institut MontaigneImprimerPARTAGER