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05/12/2019

Make Our Planet Great Again : où en est la France ?

Make Our Planet Great Again : où en est la France ?
 Clémence Alméras
Auteur
Chargée d’études - Énergie et développement durable

Le 1er juin 2017, le président américain Donald Trump annonçait sa volonté de faire sortir les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat. En réaction, Emmanuel Macron prenait alors la parole pour exprimer son regret face à une telle décision, une "faute pour l’avenir de notre planète". À cette occasion, il affirmait la vocation de la France de mener les combats liés à la lutte contre le changement climatique, combats qui impliquent l’humanité toute entière, concluant son discours par ce qui est depuis devenu le slogan international de la lutte pour le climat "Make Our Planet Great Again".

Presque deux ans et demi plus tard, alors que le 4 novembre dernier les États-Unis ont officiellement engagé leur retrait du traité international, qui ne sera effectif que dans un an, comment se positionne la France sur le sujet ? Le président Macron entend-il toujours faire de la France le leader de la lutte contre le changement climatique ? Au-delà, quelles initiatives son gouvernement a-t-il depuis porté, sur le sol national, à l’échelle européenne et mondiale ? Alors que se tient en ce moment la COP25 à Madrid, qui s’achèvera le 13 décembre, un point sur la situation.

Une action nationale en demi-teinte

Afin d’atteindre son objectif de neutralité carbone d’ici 2050, la France doit prendre des mesures concrètes et effectives pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) ainsi que pour optimiser sa consommation d’énergie.

Aujourd’hui, en France, les secteurs les plus émetteurs sont les transports (30 % des émissions), le bâtiment (près du quart des émissions), l’agriculture (19 % des émissions), l’industrie et la production d’électricité. Le gouvernement en a pris conscience, en témoignent la loi d’orientation des mobilités, dite LOM, ou encore son engagement à repenser les aides à la rénovation énergétique afin d’améliorer leur articulation - elles sont en effet nombreuses - et simplifier leur accès. Néanmoins, si l’on ne procède pas à de véritables changements de politiques et d’usages, la trajectoire actuelle ne pourra être améliorée. Selon le rapport L’environnement en France 2019 du Ministère de la Transition écologique et solidaire, les émissions de GES des transports et du résidentiel/tertiaire ne diminuent pas malgré des progrès technologiques en termes de mobilité ou l’amélioration certaine des performances énergétiques des bâtiments. Ils sont en effet compensés par la hausse des déplacements (le nombre de kilomètres parcourus par les véhicules routiers a crû de 42 % depuis 1990) et par l’augmentation de la surface des logements (+49 % depuis 1990).

Les populations d’insectes et d’oiseaux chutent, la qualité des sols s’appauvrit, ce qui a un impact direct sur notre alimentation et notre santé.

Afin d’agir sur ce dernier point, l’Institut Montaigne recommandait, dans son rapport de juillet 2019 intitulé Rénovation énergétique : chantier accessible à tous, d’encourager la massification des rénovations énergétiques en prêtant attention au parcours client. Il existe en effet beaucoup d’offres pour procéder à une rénovation énergétique des bâtiments, mais qui n’entraînent pas d’augmentation de la demande. Les obstacles organisationnels que peuvent rencontrer les maîtres d’ouvrage sont en effet nombreux alors qu’ils pourraient pourtant être facilement levés.

La protection de la biodiversité doit également être au cœur des préoccupations de la France, ce que semble confirmer la signature du protocole de Metz lors du G7 environnement qui s’est tenu en mai 2019. À l’occasion de la publication d’un rapport choc de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) le 6 mai dernier, Sir Robert Watson l’a rappelé : "la santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier". Pourtant, le rapport L’environnement en France 2019 estime que malgré la hausse du nombre de mécanismes de protection de la biodiversité en France, "la situation des écosystèmes terrestres, aquatiques et marins français demeure préoccupante". Les populations d’insectes et d’oiseaux chutent, la qualité des sols s’appauvrit, ce qui a un impact direct sur notre alimentation et notre santé.

La réutilisation des déchets et l’arrêt de certaines productions - le plastique notamment -, néfastes pour le climat, pour la biodiversité mais aussi pour notre santé, sont également des démarches nécessaires. Le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, porté par la secrétaire d’État auprès de la Ministre de la Transition écologique et solidaire, Brune Poirson, va ainsi dans le bon sens. Ce projet de loi, qui est en ce moment examiné à l’Assemblée nationale, œuvre notamment pour une généralisation du recyclage qui apparaît comme le levier le plus rapide à mettre en place. Il a effectivement un effet direct sur les émissions de GES puisque les produits recyclés - plastiques et non-plastiques - émettent moins de CO2 que les produits neufs. Néanmoins, une vraie sensibilisation des Français doit être systématisée et l’État doit continuer de travailler à la fois avec les collectivités territoriales, qui sont en charge du recyclage des déchets, et avec les industriels, principaux émetteurs de déchets.

Si ce bilan français est en demi-teinte, des initiatives inédites quoique incertaines sont à souligner, notamment la mise en place d’une convention citoyenne pour la transition écologique et climatique. Issue du Grand débat national et composée de 150 citoyens tirés au sort, elle a pour but de "mobiliser l’intelligence collective pour passer du consensus sur le diagnostic au compromis sur les solutions". Elle s’est déjà réunie à trois reprises, de nombreuses auditions d’experts (économistes, instituts de recherche, ONG, institutions, syndicats, entreprises) ayant eu lieu pour alimenter leurs réflexions.

Le gouvernement est attendu au tournant et devra montrer qu’il prend en compte les propositions de la convention citoyenne pour la transition écologique et climatique

La convention rendra ses conclusions en janvier 2020. Le gouvernement est attendu au tournant et devra montrer qu’il prend en compte les propositions de la convention, que cela se fasse via un référendum ou par un autre biais. Le risque est en effet de perdre la confiance des citoyens, un an et demi après le début de la contestation des gilets jaunes : contestation qui, rappelons-le, témoigne de l’incapacité de l’exécutif à faire accepter une hausse de la taxe carbone.

Quel leadership de la France à l’international ?

Après avoir annoncé leur volonté de se retirer de l’accord de Paris sur le climat en juin 2017, les États-Unis ont enclenché leur retrait de l’accord le 4 novembre dernier. Ce retrait, évidemment regrettable puisque les États-Unis sont le deuxième pays le plus émetteur de CO2 après la Chine, ne sera néanmoins effectif qu’au lendemain des élections américaines en novembre 2020. Il se pourrait donc, si Donald Trump n’est pas réélu à la tête du pays, que le prochain président américain demande de réintégrer l’accord. Il y a néanmoins urgence à agir si l’on veut pouvoir atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris, à savoir contenir l’élévation de la température moyenne de la planète en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels.

"Sur le climat, il n’y a pas de plan B car il n’y a pas de planète B" déclarait Emmanuel Macron en juin 2017 à la suite de la déclaration de Donald Trump. Quelle a été, depuis, son action aux niveaux à la fois européen et international ?

Il faut le reconnaître, la France est en effet, depuis la COP21 de décembre 2015, très présente sur la scène internationale. Le sommet du G7, qui eût cette année lieu à Biarritz, en est la preuve : centré autour des questions d’inégalités, il fut pourtant l’occasion pour le Président français de rappeler l’urgence d’agir pour la protection de l’environnement, alors que les images de la forêt amazonienne en feu faisaient le tour de la planète. C’est à la suite des efforts français que le G7 a annoncé débloquer 20 millions de dollars pour venir en aide aux pays concernés. Emmanuel Macron a par ailleurs accueilli le Premier ministre indien Narendra Modi, quelques jours avant et pendant le sommet à Biarritz, prenant ses homologues du G7 par surprise. Ce fut notamment l’occasion pour eux de discuter de protection de la biodiversité et d’émissions de GES. En effet l’Inde, quatrième émetteur de CO2 après la Chine, les États-Unis, l’Union européenne et avant la Russie, fait face à de nombreux défis. Bien que le pays veuille investir massivement dans les énergies renouvelables, le charbon représente toujours une grande part du mix énergétique indien et les infrastructures nécessaires sont encore à construire.Emmanuel Macron ne s’est pas arrêté là. Le 6 novembre, lors d’une visite d’État en Chine, le Président français a signé l’Appel de Pékin sur la conservation de la biodiversité et le changement climatique avec son homologue Xi Jinping. Ils y réaffirment leur "ferme soutien" à l’accord de Paris et "leur forte détermination à améliorer la coopération internationale sur les changements climatiques pour assurer une mise en œuvre de l’accord totale et efficace".

Sans céder à un optimisme béat, on note toutefois une prise de conscience de plus en plus nette de la part des pays les plus émetteurs.

Un signal fort, deux jours après l’annonce par les États-Unis que leur retrait de l’accord de Paris était enclenché. Alors que la Russie a annoncé, peu avant le Sommet des Nations Unies sur le Climat en septembre, ratifier à son tour l’accord de Paris, et sans céder à un optimisme béat, on note toutefois une prise de conscience de plus en plus nette de la part des pays les plus émetteurs. Néanmoins, plus que des actions sporadiques, et parfois tardives - comme ce fut le cas pour la forêt amazonienne qui brûlait déjà depuis un certain temps, et qui est un problème récurrent - un changement radical doit être enclenché.

Comme l’indique la dernière édition du World Energy Outlook, publié chaque année par l’Agence internationale de l’énergie (IEA), nous ne pourrons atteindre les 1,5°C sans baisser radicalement la courbe des émissions de CO2 et autres GES. Or, cela ne pourra se faire que si les gouvernements mettent en place des politiques nationales encore plus ambitieuses que celles déjà existantes, qui ont le mérite d’avoir été mises en place mais ne permettent pas de baisser la courbe des émissions.

Quelles pistes ? Pour la France, l’effort doit, d’une part, être européen, ce dont semble avoir conscience Emmanuel Macron. Dans sa tribune diffusée dans les 28 pays membres de l’Union européenne en mars, il a repris la proposition de l’économiste Pierre Larrouturou et du climatologue Jean Jouzel de créer une banque européenne du climat qui serait alimentée par des fonds spécifiques prélevés sur les bénéfices des grandes entreprises pour financer la transition écologique. Il reste à voir si la nouvelle Commission, qui a pris ses fonctions le 1er décembre, sera prête à pousser la mise en place d’un tel mécanisme.

D’autre part, la France mais aussi le reste des pays développés doivent également intensifier leur soutien aux pays émergents en matière d’énergies peu émettrices et notamment sur le continent africain où 650 millions d’Africains sont aujourd’hui dépourvus d’accès à l’électricité. C’est ce que l’Institut Montaigne promouvait dans sa note de février 2019 Énergie solaire en Afrique : un avenir rayonnant ?. En effet, si réduire les émissions de CO2 en France (1,2 % des émissions mondiales) est évidemment nécessaire, la priorité absolue d’une politique climatique globale devrait également viser à éviter les émissions futures considérables qui résulteraient de la seule adoption massive de moyens de production thermiques pour alimenter les 2,5 milliards d’habitants qui vivront en Afrique en 2050. Endiguer la hausse globale des émissions de CO2 devra donc se faire via la mise en place de technologies décarbonées sur le continent africain. Cette analyse est confirmée par le travail de l’IEA qui, dans son Africa Energy Outlook 2019, affirme que le continent africain sera un moteur essentiel des marchés énergétiques mondiaux, de par l’augmentation de sa population et la baisse de l’usage traditionnel de biomasse. Point d’attention majeur pour les gouvernements africains et les États dits développés (actions de développement, présence de leurs entreprises) : la gouvernance des villes africaines.

Emmanuel Macron s’est affiché comme le leader de la protection de la biodiversité et du réchauffement climatique mais sans réel effet à ce jour, notamment s’agissant de ses relations avec Donald Trump et de son ambition nationale dont on peine à identifier les moyens mis en œuvre pour l’atteindre (c’était d’ailleurs l’écueil souligné dans le rapport de l’Institut Montaigne Pour réussir la transition énergétique de juin 2019). Par ailleurs, au-delà d’efforts nationaux - qui demeurent essentiels -, c’est aussi une politique climatique européenne qui doit être clairement dessinée et un mouvement mondial qui doit être initié.



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