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24/05/2023

Les politiques de l'hydrogène vert dans le monde : la Chine, un géant qui attend son heure

Les politiques de l'hydrogène vert dans le monde : la Chine, un géant qui attend son heure
 Joseph Dellatte
Auteur
Expert Résident - Climat, énergie et environnement

L'Institut Montaigne a récemment lancé une nouvelle série d’analyses sur le rôle de l'hydrogène dans la décarbonation industrielle mondiale. À la suite de la publication de la note d’enjeux Politique de décarbonation industrielle : les multiples défis de l'hydrogène, et d'une analyse de la stratégie hydrogène du Japon, cet article complète cet éclairage comparatif à travers le cas de la Chine. La Chine est à la fois le plus grand producteur et le plus grand consommateur d'hydrogène au monde. La majeure partie de la production chinoise d’hydrogène est néanmoins issue de combustibles fossiles ou dérivée de processus industriels. Joseph Dellatte, Research Fellow Climat, Énergie et Environnement au sein du programme Asie de l’Institut Montaigne, analyse le rôle que l’hydrogène pourrait être amené à jouer dans la décarbonation de l'économie chinoise. Malgré la force de son industrie et des investissements colossaux dans ses capacités de production d'énergies renouvelables, la Chine ne dispose pas encore d'une stratégie globale en matière d'hydrogène vert qui lui permettrait d’accroître ses efforts de décarbonation – un manque qui s'explique en partie par une dépendance persistante aux technologies étrangères et par une stratégie délibérée de la part des autorités chinoises de ne pas précipiter la mise en œuvre d’un système d'approvisionnement en hydrogène vert.

Prédominance des combustibles fossiles, virage vert progressif et dépendances vis-à-vis de l'étranger

Premier producteur mondial dans de nombreux secteurs, la Chine l’est également en matière d'hydrogène, assurant à elle seule un tiers de la production mondiale. En 2020, la Chine a produit 33 millions de tonnes d'hydrogène, dont la majorité était issue d’énergies fossiles : 62 % de l’hydrogène produit provenait du charbon, tandis que 19 % provenait de la combustion de gaz naturel. En 2020, seul 1 % de la production chinoise d'hydrogène a été produit par électrolyse à partir d’énergies renouvelables, une proportion semblable à celle de la plupart des pays. La décarbonation de l’économie chinoise, et en particulier celle de son secteur industriel – qui représente 36 % de ses émissions de gaz à effet de serre – sera pourtant déterminante pour atteindre la neutralité carbone à l’échelle mondiale. L'hydrogène vert pourrait jouer un rôle clé dans la décarbonation de secteurs industriels actuellement dominés par la Chine, comme l'acier, les produits chimiques et le ciment. L'hydrogène, pour son rôle potentiel d’appoint dans le stockage des énergies renouvelables, est par ailleurs de plus en plus envisagé comme un instrument au service de la décarbonation du réseau électrique chinois. Le pays n’a toutefois pas encore dessiné une stratégie d'hydrogène vert qui soit cohérente.

Sans être une politique d'hydrogène vert, l’approche chinoise actuelle ne néglige pas pour autant le développement de l’hydrogène renouvelable. Grâce à un secteur des énergies renouvelables en plein essor – plus de 40 % de la capacité mondiale installée en 2022, une demande et une industrie de l’électrolyse croissantes – la Chine a de nombreuses cartes en main pour devenir un acteur de premier plan dans le secteur mondial de l'hydrogène renouvelable. Le gouvernement central chinois a fixé un objectif de production de 100 000 à 200 000 tonnes d'hydrogène renouvelable par an d'ici 2025 (une ambition relativement modeste par rapport aux objectifs européens fixés à 10 millions de tonnes en 2030, auxquels s’ajoutent 10 millions de tonnes importées). Selon la China Hydrogen Alliance, la part d'hydrogène produite à partir d’énergies renouvelables pourrait atteindre environ 15 % d'ici à 2030. À en croire les projections actuelles, l'hydrogène renouvelable pourrait représenter 80 % de l'approvisionnement en hydrogène de la Chine d'ici 2060 – soit l'horizon qu’a fixé la Chine pour atteindre la neutralité carbone – le reste étant assuré par les technologies de captage et de stockage du carbone (CSC). Cette estimation est à mettre en perspective avec le cas européen, l'UE prévoyant un approvisionnement en hydrogène totalement vert bien avant 2050.

Le prix de l'hydrogène vert est déterminé par quatre facteurs :

  • Le plus significatif est le coût des électrolyseurs (CAPEX - dépenses d’investissement). En moyenne, les électrolyseurs chinois sont moins chers que leurs équivalents européens, bien que le reste de l'installation soit plus coûteux.
  • Le second réside dans l'efficacité de l'électrolyseur. Les électrolyseurs PEM (membrane échangeuse de protons) européens sont plus performants que les électrolyseurs alcalins chinois.
  • Le troisième est la charge de l'électrolyseur, qui varie en fonction de la disponibilité de l'énergie renouvelable. La Chine excelle dans ce domaine par rapport à n’importe quel pays européen, grâce à une excellente synergie entre les énergies éolienne (~5500h/an) et solaire dans des régions décisives pour la décarbonation de son économie, comme la Mongolie-Intérieure.
  • Enfin, le dernier déterminant est le prix des installations renouvelables, nettement moins élevé en Chine que dans les pays européens.

  • Coût de l'hydrogène produit à partir de charbon en Chine : 1,2 $/kg. La prise en compte du captage et du stockage du carbone porte le coût de production jusque dans une fourchette estimée entre 2,48 et 2,9 $/kg environ.
  • Coût estimé des électrolyseurs alcalins en Chine≈ 333$/kW (contre ≈ 1200$/kW en Europe).
  • Coût de l'hydrogène produit à partir d’énergies renouvelables (éolienne, terrestre et solaire photovoltaïque) : en Chine, en fonction des estimations, le prix de l'hydrogène renouvelable varie entre 22,5 et 33,6 yuans/kg (environ 3,53 à 4,87 $/kg) dans la fourchette basse, mais est supérieure à 40 yuans/kg si l’on prend la moyenne des estimations réalisées ; selon la localisation de la production et les technologies employées, ce prix peut descendre jusqu'à 16 yuans/kg. En Europe, les prix les plus bas pour la production d'hydrogène vert varient entre 3,1 $/kg en Espagne et plus de 5 $/kg en Allemagne.

Acteur clé des technologies propres dans le monde, la Chine affiche pourtant un retard dans le développement de l'hydrogène vert par rapport aux pays européens, au Japon et aux États-Unis. Le pays déploie toutefois des investissements massifs dans ses capacités de production et se concentre sur le marché des électrolyseurs alcalins, qu'elle domine en abritant sur son territoire 50 % de la capacité de production mondiale. La Chine reste à la traîne en ce qui concerne les technologies de membrane échangeuse de protons (PEM), incontournables pour pallier l'intermittence des énergies renouvelables. Les acteurs européens maîtrisent pour l'instant la majorité de ces technologies, mais certains acteurs chinois, comme SPIC (voir Zoom 7), tentent aujourd’hui de développer ces savoir-faire.

La Chine reste par ailleurs dépendante de technologies importées pour certains éléments et aspects critiques comme les composants des piles à combustible, les stations à hydrogène (compresseurs) et le stockage de celui-ci (fibre de carbone, dont l’offre à l’échelle mondiale est quasi exclusivement dominée par des entreprises japonaises et coréennes). Ces technologies sont notamment fournies à la Chine par HydrogenPro (Norvège), Plastic Omnium et Faurecia (France), et Bosch (Allemagne) pour les technologies de stockage. En matière d'électrolyseurs, les sociétés John Cockerill (Belgique, technologie chinoise), Siemens (Allemagne) et Cummins (États-Unis) sont également présentes sur le marché chinois. Cette dépendance aux technologies étrangères est susceptible de ralentir le développement de l'hydrogène vert en Chine, en particulier si les tensions géopolitiques, croissantes, entraînaient de nouvelles mesures de restriction aux transferts de technologies, comme de potentielles restrictions américaines à l'exportation. Pris ensemble, ces défis expliquent en partie pourquoi la Chine est aujourd’hui plus lente que d’autres acteurs sur le front de l’hydrogène vert et a plutôt choisi de donner la priorité au développement des technologies qui lui font défaut.

Si la Chine met certes en œuvre des mesures et stratégies qui couvrent l’hydrogène vert, ce type d’hydrogène n’y est pas appréhendé en tant qu’outil essentiel à la décarbonation. À commencer par le très critiqué projet de loi chinois sur l'énergie, un texte législatif majeur en discussion depuis plusieurs années, qui n’établit pas de distinction entre les différents types d'hydrogène en fonction de leur mode de production. En outre, les politiques chinoises en matière d'hydrogène – locales comme nationales – ciblent principalement le secteur des transports, notamment les piles à combustible et les stations de ravitaillement, et dans une moindre mesure les projets liés à la production d'hydrogène vert, le stockage de l'hydrogène liquide et son acheminement, ainsi que son utilisation pour la décarbonation de l'industrie.

S’il existe déjà des pipelines d'hydrogène régionaux en Chine, ces derniers ne sont pas encore assez développés pour permettre de connecter les régions riches en énergies renouvelables (principalement dans l'ouest et le nord du pays) et les centres industriels situés sur la côte ; c’est l’un des défis majeurs de la politique chinoise de l’hydrogène.

Le lobby de l'industrie automobile, en particulier au niveau local, constitue le principal moteur de la politique d'hydrogène chinoise. Pour cette industrie, il est nécessaire d’investir en priorité dans les véhicules électriques et à pile à combustible afin d’assurer aux voitures chinoises le meilleur positionnement possible dans la future industrie automobile mondiale.

Par ailleurs, la Chine n'a pas encore réalisé de progrès tangibles en matière de décarbonation industrielle, ni dans le recours à l'hydrogène vert à cette fin – un point qui concerne particulièrement, et il s'agit d’une dimension cruciale, le transport d'hydrogène renouvelable à l'intérieur du pays. 

Une politique de l'hydrogène "aux caractéristiques chinoises"

L'industrie chinoise de l'hydrogène se caractérise, elle aussi, par sa dépendance vis-à-vis de capacités techniques et d’infrastructures étrangères. La stratégie hydrogène chinoise a été en conséquence conçue pour progresser de manière graduelle, à travers une approche partiellement décentralisée qui accorde aux gouvernements provinciaux une autorité considérable. Cette approche est destinée à permettre aux autorités locales de procéder à des expérimentations à travers des cas d'utilisation de l'hydrogène adaptés à leurs besoins spécifiques. Afin d'accélérer les avancées chinoises en matière d’hydrogène vert, les administrations centrales et locales ont mis en place des mesures de soutien pour favoriser l'émergence d'infrastructures d’hydrogène résilientes. Ces mesures insistent sur la “sécurité de l'hydrogène” : il s’agit, dans un premier temps, d’assurer l'approvisionnement et la maîtrise des technologies de base et, dans un second temps seulement, d’entamer la transition vers un hydrogène renouvelable (non plus produit à partir de combustibles fossiles).

Dès les premières phases du développement chinois de l’hydrogène, les gouvernements locaux ont joué un rôle crucial dans la conception de plans de développement adaptés à leurs spécificités régionales. Certaines provinces présentent aujourd’hui des politiques d’hydrogène vert plus avancées que la législation nationale. Quatre "groupes régionaux" (voir plus bas) ont été d’importants précurseurs au niveau provincial. Il s’agit notamment du Guangdong (situé dans la région du delta de la Rivière des Perles) et de la Mongolie-Intérieure. Ces provinces mettent majoritairement l’accent sur le recours à cette source d’énergie pour les véhicules à pile à combustible et sur les infrastructures qui y sont associées, à l’instar des stations de ravitaillement. Ces plans locaux de développement fixent des objectifs – plus ambitieux que les objectifs nationaux – pour l'accélération de la production d'hydrogène renouvelable et l'augmentation de la production d'hydrogène conventionnel dans le secteur chimique à partir de ressources locales en charbon ou en énergies renouvelables, dans la province du Hebei par exemple. Plusieurs gouvernements locaux sont également à l’initiative de fonds industriels fléchés sur des projets liés à l'hydrogène. Toutefois, comme c’est le cas à l’échelle nationale, ces objectifs ne sont pas corrélés à des objectifs de diminution des émissions de carbone ou de décarbonation industrielle : la priorité des provinces chinoises reste la production industrielle.

Au niveau national, la stratégie hydrogène chinoise fait partie intégrante des plans quinquennaux. Son élaboration et son déploiement sont principalement assurés par la Commission nationale du développement et de la réforme (NDRC), par le biais de l'Administration nationale de l'énergie. Mais d’autres institutions nationales et locales contribuent également à ce processus, la politique hydrogène de la Chine relevant d’abord et avant tout d’une question décentralisée.

  • La Commission nationale du développement et de la réforme (NDRC)
  • L'Administration nationale de l'énergie (NEA)
  • Le ministère de l'Industrie et des Technologies de l'information (MIIT), qui : 
    • Promeut et coordonne le développement et l'utilisation des véhicules à énergie nouvelle, y compris les véhicules électriques à pile à combustible (VPC) ;
    • et contribue à l’élaboration de normes techniques encadrant les infrastructures de l’hydrogène. 
  • Le ministère de la Science et de la Technologie (MOST), qui :
    • encourage l'innovation dans la technologie de l'hydrogène.
  • Le ministère du Logement et du Développement urbain et rural (MHURD), qui :
    • encadre les infrastructures de l’hydrogène d’un point de vue réglementaire.
  • L'administration de normalisation de Chine (Standardization Administration of China, SAC), qui : 
    • établit des normes techniques encadrant les infrastructures.
  • Le ministère des Transports (MoT), qui : 
    • favorise l'utilisation des VPC.
  • Le ministère des Finances (MoF), qui :
    • supervise la conception des régimes de subventions en soutien au développement de l’hydrogène ;
    • et octroie des subventions pour les VPC.
  • La Banque de développement de Chine (CDB), qui : 
    • fournit des financements pour les VPC.

Source

Hydrogène en Chine : point d’étape

En pratique, la politique chinoise de l’hydrogène consiste principalement à promouvoir les véhicules à pile à combustible et les infrastructures associées afin de les présenter comme alternative possible aux véhicules électriques à batterie. Depuis peu, les autorités chinoises semblent néanmoins reconnaître l’importance de l'hydrogène pour la décarbonation de secteurs industriels critiques, un changement d'orientation qui s’est traduit par l’entrée en vigueur de nouveaux textes législatifs dans le cadre du 14e Plan quinquennal (2021-2025).

En matière de politique énergétique, l'objectif ultime du gouvernement chinois est d'encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’assurer sa sécurité énergétique. Si les autorités reconnaissent le potentiel de l'hydrogène pour atteindre ces objectifs, cela ne s’est néanmoins pas encore traduit de manière concrète sur le plan politique. Nombre de documents soulignent le besoin pour la Chine de basculer à l'avenir vers un approvisionnement en hydrogène entièrement renouvelable, sans pour autant avancer d’objectifs spécifiques sur le volet de la demande.

  • Orientation pour l’industrie verte ("Green Industry Guidance", 2019) - conçue par la NDRC, le MIIT, le ministère des Ressources naturelles, le ministère de l'Environnement, le MHURD, la Banque populaire de Chine (PBC) et l'Administration nationale de l'énergie.
  • Catalogue des projets financés par obligations vertes(2021) - conçu par la NDRC, la PBC et la China Securities Regulatory Commission (CSRC) :
    • Définit les projets d'hydrogène éligibles à un soutien financier : installations de stockage d'hydrogène ; piles à combustible à hydrogène ; véhicules à pile à combustible à hydrogène ; mélange d'hydrogène gazeux dans les gazoducs ;
    • Type de soutien : prêts préférentiels, subventions, fonds industriels, traitement fiscal préférentiel, obligations vertes et incitations financières potentielles via le système d'échange de quotas d'émission.
  • Plan d'action politique 1+N sur la décarbonation (2022)  - soutient le développement industriel de l’hydrogène et prévoit de coordonner : 
    • le développement de l’ensemble de la filière hydrogène : "production, stockage, transmission et utilisation" ;
    • l'accélération de la recherche et du développement des technologies de l'hydrogène et de l'application de démonstration ; 
    • l’étude des applications possibles de l’hydrogène à grande échelle dans les secteurs de l'industrie, des transports, de la construction, entre autres.
  • Plan de développement industriel de l'hydrogène à moyen et long terme (2021-2035)  (2022) - conçu par la NDRC et l'Administration nationale de l'énergie, ce programme s’inscrit dans le plan d'action prévu par la politique 1+N et constitue la politique chinoise de référence en matière d'hydrogène. Ce plan encourage les investissements dans la production d'hydrogène et est ainsi le premier programme à reconnaître cette source d’énergie comme une technologie essentielle à la décarbonation de l'industrie.

Créée en 2018, la China Hydrogen Alliance est une plateforme de collaboration qui réunit acteurs institutionnels de premier plan et entreprises publiques susceptibles de traiter la question de l'hydrogène. En 2020, elle a publié un document non officiel intitulé Standard and Evaluation of Low-carbon Hydrogen, Clean Hydrogen, and Renewable Hydrogen ("Suivi et évaluation de l'hydrogène à faible teneur en carbone, de l'hydrogène propre et de l'hydrogène renouvelable"). On estime que ce document, qui établit des normes encadrant la production d’hydrogène, sera amené à orienter les projets hydrogène chinois futurs, car il fait office de benchmark pour le secteur industriel. Aucune norme chinoise n'impose aujourd’hui de règle quant au processus de production d’hydrogène, l’hydrogène pouvant dès lors être produit à partir de tout type de source d’énergie. Ce document, à l'instar de l'approche américaine, propose une qualification des types d'hydrogène en fonction de leur processus de production et de leurs émissions de CO2 :
- Hydrogène à faible teneur en carbone : ≤ 14,51 kg d'émissions de CO2 par kilogramme d'hydrogène, ce qui est supérieur à l'estimation moyenne de l'hydrogène produit à partir de gaz (environ 9 kg pour le gaz, 22 kg pour le charbon).
- Hydrogène renouvelable : ≤ 4,9 kg d'émissions de CO2 par kilogramme d'hydrogène, maximum 3,4 kg d'émissions de CO2 par kilogramme d'hydrogène selon la norme européenne.

Le Plan de développement industriel de l'hydrogène à moyen et long terme (2021-2035) constitue à ce jour la stratégie chinoise la plus aboutie en matière d'hydrogène. Si le plan ne se limite pas à l'hydrogène vert, son volet “offre” définit des objectifs plutôt modestes de production d'hydrogène renouvelable (100 000 à 200 000 tonnes par an) d'ici 2025. Le plan précise également que le développement de l'économie de l'hydrogène chinoise ne doit pas entraîner une augmentation des émissions de carbone du pays. Cette stratégie cherche à améliorer l’efficacité de la production chinoise d'hydrogène à partir de sources d'énergie renouvelables, ainsi qu’à réduire la dépendance du pays aux importations en améliorant la productivité des équipements de production chinois d'ici 2030, grâce à des "prix de l'électricité favorables" et à la mise en place de normes techniques. Le plan reconnaît par ailleurs l’importance des technologies de stockage de l'hydrogène pour la décarbonation du réseau chinois. Il reconnaît aussi que ces technologies représentent un défi qui pourrait constituer un frein au développement de l'hydrogène en Chine. Enfin, le plan prévoit la mise en place d’un système multifonctionnel d'applications pour l’hydrogène d'ici 2035.

Sur le plan de la demande, la politique chinoise cherche à encourager l'achat de véhicules à pile à combustible. Elle fixe donc des objectifs sur ce front, pour les véhicules lourds dans un premier temps, puis pour les véhicules de passagers (50 000 véhicules à pile à combustible d'ici 2025). Le Plan national pour le développement de l'hydrogène est également le premier à miser sur l'hydrogène pour la décarbonation de secteurs industriels comme ceux de l'acier et la chimie. Ce plan encourage ainsi l'utilisation de l'hydrogène renouvelable comme source de chaleur industrielle pour remplacer les combustibles fossiles dans la production d'ammoniac et de méthanol, tout comme dans le secteur des raffineries. Cette initiative, pilotée par la Commission nationale du développement et de la réforme et par l'Administration nationale de l'énergie, souhaite encourager le couplage entre l'industrie charbonnière et chimique et le développement de l'hydrogène vert, tout en incitant à l’utilisation de l'hydrogène renouvelable comme matière première dans la production chimique. Enfin, le Plan de mise en œuvre de la réduction des émissions de carbone dans l'industrie (2022) souligne le potentiel de l'hydrogène pour la décarbonation du secteur du ciment.

En somme, bien que les textes officiels chinois reconnaissent l'importance de l'hydrogène vert, la stratégie qu’ils dessinent manque encore d'objectifs clairs alliant développement de l'hydrogène vert, décarbonation industrielle et atteinte du pic d'émissions de carbone. Il n’en demeure pas moins que la Chine a commencé à introduire l'hydrogène dans certains processus industriels, comme dans la production d'acier fin 2022.

Financement et soutien

L’ampleur des fonds publics chinois (entreprises d’Etat comprises) alloués à des projets d’hydrogène demeure relativement opaque. Selon un cabinet de conseil chinois, environ 71,2 milliards de yuans (10,33 milliards de dollars) seraient investis chaque année dans des projets de cette nature. Bien qu'une part importante du financement de l'hydrogène vert soit destinée aux véhicules à énergie nouvelle et aux technologies des piles à combustible, d’autres projets en bénéficient également, comme la production d'hydrogène propre, les stations de ravitaillement, les installations de stockage et le mélange d'hydrogène gazeux dans les gazoducs. Un ensemble d’instruments de financement de projets d’hydrogène vert est également prévu aux échelles nationale et locale.

Le fait est qu’il n'existe pas en Chine de système de financement multiniveaux qui permette de favoriser l'hydrogène vert par rapport à l'hydrogène carboné.

L'industrie de l'hydrogène chinoise est confrontée à plusieurs défis qui ont trait à des enjeux de commercialisation, de rentabilité, de coût de production et de chaîne d’approvisionnement. Les projets sont principalement financés par le biais de fonds propres, ce qui limite les investissements dans l'industrie et peut entraîner une inadéquation entre l’offre et la demande en hydrogène. Par ailleurs, le développement des technologies de l'hydrogène vert et de ses domaines d'application ne figure pas parmi les projets listés dans le catalogue des projets financés par obligations vertes et le catalogue d’orientation pour l’industrie verte, limitant ainsi le soutien financier disponible (voir ci-dessous) et les canaux de financement de l'industrie de l’hydrogène.

  • Prêts préférentiels 
  • Subventions :
    • Pour l'achat de VEN (2021) : 30 % de réduction pour un usage privé ; 20 % pour un usage public, directement versé au consommateur.
    • La politique de “double crédit” pour les VEN (y compris les VPC) : permet aux constructeurs automobiles qui dépassent leurs objectifs de production de VEN d'obtenir des crédits qui peuvent être utilisés pour compenser tout manquement aux objectifs de consommation de carburant de leur flotte automobile.
    • Pour les stations de ravitaillement : "système de récompense" versé par les gouvernements municipaux 
  • Fonds industriels : nationaux et locaux, destinés à être rentables.
  • Traitement fiscal préférentiel - exemple : les propriétaires de VEN sont exonérés de taxes sur la propriété et l'achat de véhicules.
  • Obligations vertes : par des entreprises ou des institutions financières, sur la base du taux obligataire traditionnel.
  • Réduction du prix de l'électricité produite à partir d’énergie renouvelable (au niveau local) : au niveau provincial pour la production d'hydrogène vert.
  • Fonds industriels locaux : en Chine, les fonds industriels concentrent financements publics et privés pour soutenir l’investissement dans les industries émergentes stratégiques. Ces fonds visent à générer des retours sur investissement tout en encourageant les acteurs privés à contribuer au développement de l'hydrogène comme le font les gouvernements locaux.
  • Incitations financières potentielles via le système d'échange de quotas d'émission (SEQE) : 
    • Par l'extension du marché du carbone : étendre le SEQE à la consommation de carburant dans le secteur des transports (en soutenant les VEN, y compris les VPC) ou à certains secteurs industriels comme les raffineries, les industries pétrochimiques, sidérurgiques, papetières et cimentières, en rendant le recours aux combustibles fossiles plus coûteux. Ce n’est pas le scénario retenu à ce jour.
    • A travers des compensations utilisant le Chinese Certified Emission Reduction scheme ("système de réduction d’émissions certifiées de Chine", CCER).

Source : Plan national pour le développement de l'hydrogène et de trois autres politiques lancées en 2019, 2020, 2021

Les défis d'une distribution inégale des énergies renouvelables

La politique chinoise de l'hydrogène vert se retrouve confrontée aux mêmes difficultés que la transition énergétique du pays dans son ensemble, avec une offre et une demande géographiquement séparées : l'offre se situe dans l'ouest et le nord de la Chine et la demande dans les régions côtières et le sud du pays. La stratégie nationale entend donc développer le commerce d’hydrogène inter-provinces, et le gouvernement table sur la construction de nouveaux gazoducs pour améliorer le réseau, aujourd’hui limité, des infrastructures existantes. Le gouvernement chinois cherche également à développer des technologies de stockage "chinoises" (maisons), en mettant l’accent sur la forme gazeuse et la R&D à long terme pour la forme liquide. C’est aux gouvernements provinciaux qu’il reviendra toutefois de relever concrètement ces défis, dont celui du commerce intérieur de l'hydrogène vert, qui risque de provoquer une course aux subventions nationales entre provinces.

En effet, le développement de l'hydrogène en Chine reste avant tout une question locale, et se concentre autour de quatre grands pôles (alliance de villes) situés dans des régions fortement industrialisées et dotées d'un grand potentiel en production d’énergies renouvelables : la région Hebei, Beijing, le delta du fleuve Yangtze/Shanghai, le delta de la rivière des Perles et le Henan. Il convient d'ajouter la province de Mongolie-Intérieure, une région particulièrement pourvue en ressources renouvelables, et qui prend les devants en matière de développement de l'hydrogène vert. Les projets ayant vu le jour dans d'autres régions du pays sont, quant à eux, en premier lieu soutenus par d'importantes entreprises publiques chinoises.

Un développement organisé

Au-delà des investissements publics locaux et nationaux, la politique chinoise de l'hydrogène octroie aux entreprises publiques, aux entreprises privées et aux entreprises étrangères des rôles spécifiques bien définis. Les entreprises publiques assurent une place centrale dans les projets d'hydrogène à grande échelle et à forte intensité en capital. Dépendantes des subventions, elles s'appuient sur les actifs pétroliers et gaziers existants pour investir dans les projets qui ne sont pas toujours rentables. Elles s’attellent principalement à la construction de stations de ravitaillement en hydrogène et de pipelines. Les entreprises privées participent quant à elles à la conception de la chaîne de valeur de l'hydrogène vert et investissent dans les projets d'hydrogène à moindre intensité en capital, à l’image de la fabrication d'équipements (électrolyseurs) ou de la R&D autour de technologies spécifiques (innovation en matière de stockage et de transport). Elles jouent également un rôle central dans la R&D pour le développement de l'hydrogène liquide. 

  • Sinopec : cette entreprise d’Etat produit actuellement 14 % de l'hydrogène chinois, principalement à partir de sous-produits industriels. Elle s’est récemment lancée dans la production d'hydrogène vert dans des provinces à grande capacité de production d’énergies renouvelables comme le Xinjiang et la Mongolie-Intérieure (où elle a construit la plus grande usine d'hydrogène vert au monde à ce jour), avec de potentielles applications dans l'industrie chimique. Par ailleurs, Sinopec investit dans des stations de ravitaillement des pôles industriels et prévoit d'investir dans des installations de stockage.
  • State Power Investment Corporation(SPIC) : produisant de l’hydrogène vert à partir d'électricité renouvelable, l’entreprise a tissé de nombreux partenariats autour du développement d’électrolyseurs, avec Siemens par exemple. Elle mélange également le gaz à l'hydrogène (blending) et encourage l'utilisation de VPC dans les régions industrielles.
  • China National Petroleum Corporation (CNPC) : exploitant stratégiquement la majorité des pipelines chinois, l'entreprise entend jouer un rôle important dans l’acheminement de l'hydrogène depuis les provinces productrices vers les provinces consommatrices (par l'intermédiaire de sa filiale PipeChina – voir ci-dessous). Elle investit actuellement dans la recherche et le développement ainsi que dans de nouveaux projets.
  • China National Oil & Gas Piping Network Company  (PipeChina) : créée en 2020 et détenue à hauteur de 30 % par la CNPC, cette société possède et exploite des pipelines. Avec comme projets la construction de pipelines d'hydrogène et le mélange de gaz et d'hydrogène, PipeChina s’apprête à contribuer de manière significative au développement de l'infrastructure de transport de l'hydrogène.

Source

La Chine compte plusieurs leaders mondiaux parmi les entreprises du secteur de l'hydrogène vert, comme LONGi (équipement hydrogène), ALLY HI-TECH (producteur d'hydrogène) et Ningxia Baofeng Energy (l'entreprise chimique responsable du plus grand projet d'hydrogène vert au monde) – et certaines d’entre elles possèdent une capacité d'investissement largement supérieure à celle de leurs concurrentes occidentales. Néanmoins, du fait des dépendances chinoises en matière de technologie, le gouvernement accorde un rôle tout aussi stratégique aux entreprises étrangères. Celles-ci sont encouragées à produire en Chine des technologies et des équipements d’hydrogène, et bénéficient pour ce faire d'un "traitement préférentiel". Bien entendu, il s'agit de joint-ventures avec des entreprises chinoises, une stratégie qui reflète la nécessité, pour le pays, de renforcer ses propres capacités et avancées technologiques. Parmi les entreprises étrangères impliquées dans l'économie de l'hydrogène chinoise se trouvent notamment Toyota, Hyundai et Bosch pour les VPC, ainsi qu’Air Liquide, Siemens et Ballard pour le traitement de l'hydrogène.

La Chine et la géopolitique de l'hydrogène

Les considérations géopolitiques ne semblent que peu motiver la stratégie hydrogène chinoise aujourd’hui. Forte d’un haut potentiel renouvelable et d’une demande industrielle suffisante, la Chine bénéficie d’une certaine indépendance par rapport au marché international naissant, et la question d’une importation et d’une exportation de son hydrogène n’est pas au cœur des débats nationaux. Si l’épineuse question de ses dépendances technologiques n’était pas posée, la Chine pourrait être quasi autonome dans le secteur de l'hydrogène. Réduire sa dépendance aux technologies étrangères serait une occasion pour le pays de réduire du même coup sa dépendance énergétique, tout en acquérant des avantages technologiques considérables. Bien que la Chine reconnaisse progressivement l'importance de l'hydrogène pour sa décarbonation industrielle et les avantages technologiques qu’il peut présenter, il est évident que ses efforts en faveur d’un développement rapide de ce vecteur d’énergie sont aujourd’hui moins soutenus que ceux déployés par d'autres pays développés comme l'UE, le Japon ou les États-Unis.

La politique chinoise de l’hydrogène s’appuie néanmoins sur trois volets internationaux :

  • En premier lieu, l’établissement des conditions nécessaires pour combler le fossé technologique chinois en incitant les entreprises étrangères, attirées par la demande importante du pays et des promesses importantes de profit, à produire ces technologies en Chine.
  • Le second volet repose sur la contribution de la Chine à l'élaboration de normes techniques internationales, notamment celles relatives aux piles à combustible.
  • Le troisième volet vise à faire de la Chine un producteur de technologies de l'hydrogène bon marché à destination du futur marché de l'hydrogène. La Chine pourrait fournir des électrolyseurs à moindre coût aux pays souhaitant devenir des hubs d’hydrogène – comme l'Australie et les pays du Golfe –, ainsi qu'aux pays importateurs pour leur production nationale. À cet égard, la Chine est en concurrence directe avec les fabricants européens d'électrolyseurs et pourrait largement bénéficier du développement de l'hydrogène en tant que “nouvelle commodité” échangée sur le marché mondial.

Le gouvernement chinois a l'intention de promouvoir les technologies chinoises à l'exportation, à commencer par les piles à combustible, notamment dans le cadre de ses Nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative) – même si la portée de cette initiative reste à ce jour relativement modeste.

L'Europe et la stratégie chinoise de l’hydrogène

En matière d’hydrogène, l’UE et la Chine ont adopté des approches sensiblement différentes.

En premier lieu, contrairement à l'UE, la Chine ne s’est pas fixé d'objectifs en matière de décarbonation industrielle. Le fait qu’elle vise la neutralité carbone d’ici 2060 (contre 2050 pour l'UE) contribue à lui attribuer un positionnement nettement distinct sur le futur marché de l'hydrogène vert. Même si le coût de fabrication des électrolyseurs est plus élevé sur le sol européen, l'Europe a une petite marge d’avance d’un point de vue technologique. Le caractère limité des ressources renouvelables européennes rend toutefois inévitable l’importation d’une partie des besoins européens en hydrogène sans carbone. Sans accès à un approvisionnement bon marché provenant de pays aux ressources renouvelables plus abondantes, l'UE ne pourrait que difficilement rester compétitive. De son côté, la Chine a déjà considérablement réduit le coût de ses électrolyseurs de première génération par rapport à ses concurrents occidentaux et s’efforce activement de réduire son fossé technologique. En tardant à se fixer un pic d’émissions industrielles, le pays s’accorde ainsi plus de temps pour rattraper son retard technologique. Enfin, contrairement à l'UE, la Chine dispose de suffisamment de capacités de production propres pour couvrir ses besoins en hydrogène vert sans avoir à en importer. Son principal défi est plutôt d'ordre intérieur : relier les régions productrices aux régions consommatrices.

L'UE dispose d'une véritable stratégie de l'hydrogène vert, qui s’articule autour d’une politique de décarbonation industrielle claire, d’objectifs quantitatifs stricts et de plages horaires pour assurer la sécurité du réseau. Ce n’est pas le cas de la Chine. Les politiques chinoises ne comprennent aucune règle contraignante pour la production d'hydrogène vert, ni d’objectifs quantitatifs concrets ou de structure réglementaire rigoureuse sur la teneur en carbone de l'hydrogène vert et à faibles émissions. La Chine semble plutôt avoir pris le parti d’attendre patiemment, avec deux ambitions : apprendre des autres et tirer les leçons des expériences japonaises et européennes, et attendre que ses propres acteurs technologiques soient en mesure d’être compétitifs sur le marché mondial et d’offrir des technologies de niveau équivalent.

L'hydrogène renouvelable constituera pour la Chine l’un des grands enjeux des prochaines années ; le pays entend peser de tout son poids sur le marché mondial de l'hydrogène. Au vu de la taille et du potentiel de son propre marché, le pays ne peut pas se permettre d’accepter qu’il continue d’être dominé par des technologies étrangères. Son retard dans la mise en œuvre d'objectifs contraignants en matière de production d'hydrogène renouvelable n’est qu’une façon d’attendre l’avènement du moment opportun. Pour l’heure, plutôt que briguer le titre de fournisseur mondial du marché d’hydrogène, la Chine cherche à acquérir les technologies dont elle manque à l’étranger afin de réduire considérablement ses coûts pour, à terme, dominer le marché et garantir son indépendance énergétique.

Pour le moment, la compétition reste ouverte sur les marchés du transport, de la liquéfaction, du stockage et de la distribution de l'hydrogène. La Chine pourrait toutefois bientôt faire contrepoids sur le marché des électrolyseurs, avec des répercussions pour les acteurs européens et plus généralement pour la politique européenne de l'hydrogène. La Chine étant particulièrement efficace en matière de réduction des coûts grâce aux économies d'échelle auxquelles elle parvient sous l’effet d’une demande intérieure et mondiale croissante, les fabricants chinois pourraient être amenés à jouer un rôle important dans la réduction mondiale des coûts de production de l'hydrogène vert – une évolution qui pourrait se révéler défavorable pour les acteurs européens, qui devraient faire face à une concurrence accrue, en particulier sur les marchés tiers. Les acteurs chinois du secteur de l'hydrogène seront toutefois confrontés à des obstacles similaires à ceux de leurs concurrents japonais et européens en matière de construction de projets d'électrolyseurs à grande échelle, qui exigent une expertise et la maîtrise de processus d'intégration complexes. Par conséquent, la coopération internationale demeurera incontournable, même pour la Chine, et plus particulièrement dans les domaines permettant des synergies avec d'autres pays.

 

Pour cette analyse, l'auteur s’est notamment appuyé sur le rapport "China's emerging hydrogen economy" ​​du Research Institute for Sustainability et le rapport "China's hydrogen development : A tale of three cities" de l’Oxford Institute for Energy Studies. L'auteur remercie également Mickaël Naouri (Air Liquide China) pour sa relecture.

 

Copyright Image : Alex HALADA / AFP

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