AccueilExpressions par MontaigneLes leçons que peut tirer l’Union Européenne du BrexitL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.11/01/2021Les leçons que peut tirer l’Union Européenne du Brexit Société Vie démocratique États-Unis et amériques Union EuropéenneImprimerPARTAGERAuteur Georgina Wright Directrice adjointe des Études internationales, Experte résidente Le Brexit laissera des traces des deux côtés de la Manche. Nous n’oublierons pas les éternels rebondissements au Parlement britannique, le post Instagram du président du Conseil européen, ni les négociations intenses de dernière minute qui ont finalement abouti à un accord, annoncé la veille de Noël. Quels que soient les mérites (ou les imperfections) de l’Accord de commerce et de coopération conclu entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE), le fait que les négociateurs l’aient finalisé en moins de 11 mois est une véritable prouesse. Cela prend généralement à L’UE entre un an et demi et 7 ans pour finaliser un accord commercial - et ce partenariat est bien plus qu’un simple accord commercial.Les deux parties ont des leçons à tirer. Le Royaume-Uni s’est vite rendu compte que la négociation en tant que membre de l’UE était très différente de celle avec l’UE en tant que tiers. Un accord sans tarifs douaniers ne rime pas avec absence de formalités douanières. Étant donné que de nombreuses règles communautaires continuent de s’appliquer en Irlande du Nord, et compte tenu du volume des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’UE, les britanniques ne pourront pas vraiment se détourner complètement de Bruxelles.L’UE aussi peut apprendre du Brexit. Le premier enseignement est que l’UE est plus performante lorsque ses États membres travaillent ensemble. Le second est qu’elle a absolument besoin d’organiser un débat plus nuancé et équilibré sur son avenir.L’unité fait la force de l’UELa seule constante dans les négociations du Brexit - à part Michel Barnier - était le front commun affiché par l’UE, à la fois sur son message et sur sa stratégie. Ceci n’est pas une surprise. L’UE demeure, après tout, un négociateur redoutable qui approche chaque négociation commerciale avec la même stratégie : constituer une équipe solide qui doit rester en contact continu avec les États membres et le Parlement européen. Cette approche était d’autant plus pertinente ici que le temps disponible pour les négociations du Brexit était limité. Il fallait ainsi que l’UE puisse agir rapidement.La seule constante dans les négociations du Brexit était le front commun affiché par l’UE, à la fois sur son message et sur sa stratégie.L’UE peut aussi faire de cette unité un atout dans les négociations. Obtenir l’accord du Parlement européen, des 27 gouvernements (et parfois de leurs assemblées nationales et régionales) est un exercice qui demande un équilibre parfait, et où tout changement brusque de position peut faire capoter toutes les négociations. C’est pourquoi il est si difficile pour un pays tiers d’amener l’UE à s’écarter de sa position initiale sans faire d’importantes concessions en contrepartie.Pourtant, l’unité européenne est beaucoup plus difficile à maintenir en interne. Les négociations budgétaires donnent un aperçu des tensions qui existent entre les différentes institutions de l’UE. Chaque euro alloué à l’agriculture, par exemple, correspond à un euro en moins pour un autre poste budgétaire, par exemple la défense ou l’administration. Il est impossible de satisfaire tout le monde. Le Brexit montre toutefois que l’échange régulier d’informations tout au long du processus peut favoriser l’entente entre les différentes institutions européennes.Il faut un débat européen plus nuancéL’UE a également besoin de débattre plus franchement de son avenir. Il est trop souvent exprimé de manière binaire : soit on est pro-européen, soit on ne l’est pas. Ceci contribue à installer un débat conflictuel et réducteur, excluant systématiquement les nombreux européens qui ne se reconnaissent dans aucune de ces deux positions.Cette réflexion est en réalité déjà en cours. La Commission Juncker avait publié à l’occasion du 60e anniversaire de l’UE un livre blanc proposant cinq options pour l’intégration européenne, allant de l’attribution de plus de pouvoirs à l’UE à un recentrage sur le marché unique assorti d’une coopération flexible dans d’autres domaines, comme par exemple la politique étrangère. C’est un Parlement européen plus fragmenté, mais aussi plus divers, qui siège à Bruxelles depuis les élections européennes de 2019. Mais l’UE ne peut se permettre de confiner ces débats aux couloirs de Bruxelles et de Strasbourg si elle souhaite envisager sereinement son avenir.Elle doit mieux expliquer ses politiques, les compétences de chaque institution et comment les citoyens peuvent, s’ils le souhaitent, participer au processus démocratique européen. L’Union est loin d’être un ensemble homogène : la Commission rend des comptes à 27 gouvernements nationaux, qui ont certes des intérêts communs, mais aussi de nombreuses divergences. Guy Verhofstadt n’est pas le seul député européen et les petits États membres ont un poids considérable. Bien comprendre le fonctionnement de l’UE ne la rendra peut-être pas plus populaire - mais au moins cela pourrait aider certains à mieux comprendre l’impact qu’elle a sur leur vie et là où elle n’en a aucun (en effet, il existe encore de nombreux domaines, comme l’éducation, le tourisme et la santé, sur lesquels l’UE n’a qu’une influence très limitée).Le Brexit a été une décision historique dont les conséquences se feront sentir pour des années à venir. Il faudra du temps avant d’y voir plus clair, mais d’ici là, l’UE et le Royaume-Uni feraient bien de tirer les leçons de cette aventure ; ce qu’elle dit de leur relation, mais surtout d’eux-mêmes. Copyright : OLI SCARFF / AFPImprimerPARTAGERcontenus associés 02/06/2020 En pleine tempête coronavirus, le Royaume-Uni garde-t-il le cap ? Georgina Wright 05/01/2021 Faut-il une alliance globale des démocraties ? 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