AccueilExpressions par MontaigneLes clés pour comprendre l'élection présidentielle américaineL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.04/11/2016Les clés pour comprendre l'élection présidentielle américaineImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne A quelques jours de l'élection présidentielle américaine, il est nécessaire de comprendre les mécanismes qui sous-tendent la désignation du prochain locataire de la Maison Blanche. En effet, la couverture médiatique des dérapages de Donald Trump ou l'affaire des e-mails de Hillary Clinton masquent l'importance d'un processus, issu d'un système démocratique vieux de plus de deux siècles. Le système bipartite, comprenant un collège électoral composé de grands électeurs, peut effectivement étonner les observateurs extérieurs.Le Collège électoral : un filtre fédéral du vote populaire Établi en 1787 par la Convention constitutionnelle, le modèle du collège électoral a été adopté afin de renforcer le poids des petits États face aux grands. Le nombre d’électeurs pour chaque État est identique au nombre de représentants (proportionnel à la population) et de sénateurs (deux par État) qui lui sont alloués au Congrès. La ville de Washington DC, n’étant pas un État et n’ayant donc ni représentant ni sénateur, se contente en revanche de trois électeurs. Le parti dont le candidat remporte la majorité des voix d’un État donné nomme tous ses grands électeurs, excepté dans le Maine et le Nebraska, ces derniers possédant leur propre système mixte. Pour gagner l’élection, un candidat à la présidentielle doit atteindre la majorité absolue de ces grands électeurs à travers la nation en obtenant un minimum de 270 des 538 membres du collège électoral. Dans le cas où aucun candidat n’atteint ce total, la Chambre des représentants est appelée à trancher pour choisir le vainqueur. La souveraineté territoriale précède ainsi la souveraineté populaire. Ce système, unique en son genre pour l’élection d’un président, a abouti à quatre reprises dans l’histoire des États-Unis à ce qu’un candidat remporte les élections sans avoir obtenu la majorité populaire. L’exemple le plus récent est l’élection de George W. Bush en 2000, qui avait obtenu un total de 271 grands électeurs mais 0,51% de voix en moins dans le scrutin populaire que son adversaire, le vice-président Al Gore. L’écart entre les deux résultats dans une telle élection peut relever de plusieurs facteurs : on note par exemple que la distribution du nombre d’électeurs pour chaque État, selon ce système de proportionnalité approximative, provient du recensement national qui n’a lieu que tous les dix ans dans un pays où la démographie évolue constamment. En outre, accorder deux grands électeurs à chaque État, quelle que soit la taille de leur population, peut également jouer un rôle, en contribuant à exagérer le poids de certains petits États. Pourtant, la logique des campagnes ne privilégie ni les États comptant la proportion la plus importante de grands électeurs par rapports aux résidents, ni les États en ayant simplement le plus grand nombre. Dans les faits, l’approche du winner-take-all (le vainqueur rafle tout), créée par le collège électoral, incite plutôt les candidats à focaliser leur attention sur les États où les résultats sont les moins prévisibles : les fameux swing states.Les Swing states, épicentres des campagnes Un swing state est un État américain où les deux partis politiques ont des niveaux similaires de soutien parmi les électeurs. Ils sont donc déterminants dans le résultat final de l’élection présidentielle. Aujourd’hui, les swing states sont : le Colorado, la Floride, l’Iowa, le Michigan, le Nevada, le New Hampshire, la Caroline du Nord, l’Ohio, la Pennsylvanie, la Virginie et le Wisconsin. En 2012, plus de la moitié des dépenses de campagnes des deux candidats s’était concentrée sur seulement trois de ces États : l’Ohio, la Virginie et la Floride, tandis que quarante États n’avaient reçu aucun des deux candidats pour une prise de parole en public.Le système bipartite et la tendance inévitable vers le centre Le jour de l’élection, fixé selon la règle le premier mardi qui suit le premier lundi de novembre tous les quatre ans, le choix des électeurs se réduit à deux partis principaux. Les petits partis, comme les libertariens ou les verts, n’ont quasiment aucune chance de remporter une élection présidentielle en raison du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour et du fort enracinement des deux partis principaux dans le paysage politique. Selon la "loi de Duverger", formulée par le politologue français Maurice Duverger, les pays qui fonctionnent avec un scrutin majoritaire uninominal à un tour sont prédisposés à un système bipartite. Le système du gagnant prenant toutes les voix contraint les candidats à faire plaisir aux électeurs du centre, plus susceptibles de basculer de droite à gauche comme de gauche à droite. On constate également que, d’une certaine manière, les primaires des deux partis sont comparables au premier tour dans un système à deux tours, tel qu’on le retrouve en France. Les candidats qui ne parviennent pas à se faire accepter, ni par la gauche, ni par la droite, sont alors éliminés. L’issue des primaires est alors un moment d’unification de forces disparates autour d’un candidat qui est parvenu à réunir une majorité relative parmi un large éventail d’électeurs. Par ailleurs, les deux partis, démocrates et républicains, ont jusqu’à présent témoigné d’une forte stabilité, agissant historiquement comme des coalitions de divers groupes, plutôt que des formations guidées par des idéologies constantes. Aujourd’hui, on peut positionner sur l’échiquier politique les élus du Parti démocrate au centre-gauche et ceux du Parti républicain au centre-droit. Cependant, ces deux groupes sont très résilients et ont su se transformer au fil du temps. En 1896, le Parti républicain abandonne son programme d’égalité et de réforme et s’aligne sur les intérêts des grandes entreprises. En 1932, le Parti démocrate élargit sa coalition pour absorber les travailleurs du Nord et les agriculteurs du Sud et de l’Ouest. C’est au cours des décennies suivantes qu’apparaît une consolidation des politiques progressistes au sein du parti, notamment pour les droits civils des noirs. En 1980, le Parti républicain de Ronald Reagan achève quant à lui son absorption des Démocrates blancs du Sud, désillusionnés par les mouvements sociaux des années 60 et 70, avec des propositions de conservatisme culturel et d’un rôle limité pour l’État.Le Terrain électoral d’aujourd’hui Si l’on en croit les sondages, une victoire de Hillary Clinton paraît probable : en effet, elle devance Donald Trump dans la majeure partie des swing states. Ces États représentent 146 voix dans le collège électoral. Même certains États auparavant considérés comme "sûrs" pour les Républicains risquent désormais de leur échapper, tels que l’Arizona, la Georgie et l’Utah.Hillary Clinton pourrait s’assurer d’une victoire avec près de 295 grands électeurs contre 243 pour Donald Trump. Cependant, une telle victoire ne garantirait pas une majorité démocrate au sein des deux chambres du Congrès, dont la composition sera déterminée par les élections législatives qui se déroulent en même temps. Certains prévoient une majorité modeste pour les démocrates au Sénat, dont un tiers des sièges sont en jeu tous les deux ans. Cependant, la probabilité que la Chambre des représentants reste sous la domination des républicains est plus forte, en raison du découpage électoral actuel, façonné en 2010 pour la plupart par eux-mêmes en faveur d'un contrôle territorial du Parti républicain (technique du gerrymandering).Par Jonathon Holler, coprésident du Youth Caucus des Democrats Abroad en France.ImprimerPARTAGER