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12/07/2022

Le tandem italien : Sergio Mattarella et Mario Draghi

Le tandem italien : Sergio Mattarella et Mario Draghi
 Marc Lazar
Auteur
Expert Associé - Démocratie et Populisme, Italie

Forgé dans la tourmente d’une crise politique, sanitaire et économique, le tandem Mario Draghi / Sergio Mattarella a dirigé l'Italie de février 2021 à la fin du mois de juillet 2022, dans le respect scrupuleux des fonctions assignées par la Constitution à ces deux présidences, celle de la République et du Conseil des ministres. Le fin politique et l’économiste technicien ont œuvré de concert en espérant aller jusqu’aux élections du printemps 2023 pour parachever leur dessein commun. Certains partis politiques en ont décidé autrement le 20 juillet et des élections anticipées auront lieu le 25 septembre.  L'avenir du pays mais également celui de l'Union européenne dépendra en grande partie du résultat de ce scrutin. Pour ce nouvel épisode de notre série consacrée aux duos politiques et au partage du pouvoir, l'historien Marc Lazar retrace l'itinéraire de ce couple éphémère malgré son bilan.
 

Depuis le début de l'année 2021, lorsque l'on parlait de l'Italie, on évoquait immédiatement le nom de Mario Draghi. Et pour cause. Outre son immense notoriété acquise au fil d'une brillante carrière, le président du Conseil marquait de son sceau la politique de son pays où il jouissait d'une réelle popularité. En outre, en tant que président du Conseil, il siègeait au conseil européen des chefs d'État et de gouvernement où il faisait entendre la voix de l'Italie et il avançait des propositions pour accélérer le processus de construction de l'Union. Avec la guerre en Ukraine, il s'était affirmé de façon plus évidente encore comme l'un des principaux leaders européens. Le déplacement très symbolique et amplement médiatisé effectué avec le président de la République Emmanuel Macron et le chancelier Olaf Scholz à Kiev le 17 juin 2022 en fut l'illustration la plus manifeste. Or, si Mario Draghi occupait ce poste, c'était par la volonté d’un homme : le président de la République, Sergio Mattarella. En effet, le locataire du palais présidentiel du Quirinal, situé sur l’une des sept collines de la Ville éternelle, l’avait choisi et installé, huit cent mètres plus bas, au Palazzo Chigi, siège de la Présidence du Conseil. Mais cette disposition topographique ne marquait pas un rapport hiérarchique et distant entre les deux fonctions et les deux hommes. En fait, l'Italie était dirigée par un duo, ou mieux un tandem, même si la lumière des projecteurs médiatiques éclairait plus souvent Mario Draghi que Sergio Mattarella
 

La mise en place du duo 

La naissance de ce duo voulu, donc, par le résident de la République est le fruit d'une histoire qu'il faut reconstituer rapidement. Au printemps 2018 ont lieu les élections de la Chambre des députés et du Sénat. Il n’y a pas de majorité absolue au Parlement mais le Mouvement 5 étoiles, une formation populiste extrêmement disruptive, est le premier parti, avec près de 32,6 % des suffrages à la Chambre des députés. La situation semble bloquée : le Mouvement 5 étoiles décline toute proposition d'alliance, avant de se résoudre à signer un contrat de gouvernement avec la Ligue, parti populiste de droite radicale, allié à la coalition de centre droit. Désormais, les polémiques entre les deux partis semblent appartenir au passé. Le président du Conseil se nomme Giuseppe Conte, un professeur de droit proche du Mouvement 5 étoiles. Ce gouvernement de deux partis populistes suscite alors de vives polémiques. En 2019, il va même jusqu'à déclencher une crise diplomatique avec Paris. La France rappelle son ambassadeur suite à la rencontre à Montargis, non annoncée officiellement, entre Luigi Di Maio, vice-président du Conseil et membre du Mouvement 5 étoiles, et une délégation de gilets jaunes. Or la Ligue et le Mouvement 5 étoiles étaient non seulement en concurrence mais encore en désaccord sur de très nombreux sujets. Matteo Salvini, ministre de l'Intérieur et second vice-président du Conseil, bénéficiait d'une grande popularité, notamment pour ses prises de position très fermes contre les migrants, les immigrés, l'Islam et l'Union européenne. Aux élections européennes du printemps 2019, son parti recueille plus de 34 % des voix. Sur la base de ce succès et de sondages avantageux, Matteo Salvini tente d'ouvrir au mois d'août 2020 une crise politique pour obtenir la dissolution des Chambres et donc des élections anticipées, espérant les emporter. Giuseppe Conte résiste mais finit par présenter sa démission au président de la République Sergio Mattarella (déjà en poste depuis 2015) lequel refuse la dissolution des Chambres. Matteo Salvini est alors renvoyé à l’opposition. Pour éviter une dissolution anticipée des Chambres, Giuseppe Conte forme alors un second gouvernement avec une coalition fort différente puisqu’y participent le Mouvement 5 étoiles, le Parti démocrate (PD) de centre gauche, Italia Viva, le petit parti de Matteo Renzi qui avait rompu avec le PD, et Libres et égaux, une formation encore plus à gauche sur l’échiquier politique italien. Ces partis et leurs chefs divergent sur beaucoup de sujets mais tous veulent absolument éviter des élections anticipées. 

Le Président de la République, constatant l'incapacité des parlementaires à former une majorité pour soutenir un gouvernement, [...] fait finalement appel à Mario Draghi

Enfin, en janvier 2021, Matteo Renzi fait tomber ce gouvernement, démontrant de la sorte qu’il était le faiseur de roi et s’alarmant aussi de la relative popularité du Président du Conseil qui lui faisait de l'ombre, alors qu'il tente toujours de compter dans la compétition politique. Enfin, il estimait que celui-ci n'était pas à la hauteur des défis à impérativement relever dans la phase de progressive sortie de l’épidémie de Covid-19 : élaborer le plan de relance à soumettre à la Commission européenne. Le Président de la République, constatant l'incapacité des parlementaires à former une majorité pour soutenir un gouvernement, se décide à reprendre la main, cherche une solution et fait finalement appel à Mario Draghi. 

Comment le Président de la République en est-il venu à s’orienter vers ce choix ? Il l'a explicité très clairement lors d'une intervention solennelle le 2 février 2021. Du fait de l'épidémie de Covid-19 qui continuait de circuler et des sommes considérables d'argent versées par l’UE, plus de 191 milliards d’euros pour le plan de relance dont l'Italie est la principale bénéficiaire, il expliqua qu'il s’avérait impossible d’envisager une dissolution des Chambres, synonyme d’élections anticipées ouvrant une période d’instabilité et d'incertitude trop risquée pour l’Italie. Il souhaitait donc disposer d'un gouvernement large, "di alto profilo" (on pourrait traduire "de haute tenue"), rassemblant toutes les composantes politiques afin d’affronter au plus vite et le plus efficacement possible les questions les plus urgentes. C'était, selon lui, un impératif domestique, tant les Italiens attendaient des actes, et une nécessité au regard de l'Europe : il en allait de la crédibilité de l’Italie. En conséquence, il appela à la rescousse Mario Draghi dont le nom circulait depuis près d’un an dans le petit monde de la politique. Lequel composa un gouvernement d’union nationale, le seul parti qui a refusé d’y entrer étant Frères d’Italie, un parti de droite radicale. Une nouvelle fois dans l'histoire de la République, les responsables politiques confrontés à de grands périls font appel à un "sauveur" non politique, un technicien. Cela s'était produit dans le passé, par exemple avec Carlo Azeglio Ciampi, gouverneur de la Banque centrale d’Italie jusqu'en 1993, Président du Conseil de 1993 à 1994, enfin Président de la République de 1999 à 2006. Ou encore avec le professeur de la prestigieuse université Bocconi de Milan, Mario Monti, président du Conseil de 2011 à 2013. Mais avec deux différences notables. Contrairement à ses deux prédécesseurs, Mario Draghi n'a pas à déployer une redoutable politique d’austérité mais, à l'inverse, il se doit de bien dépenser des sommes massives d’argent. Par ailleurs, ce "technicien" non politique a acquis une certaine expérience du rapport avec les dirigeants politiques du fait des fonctions qu’il a occupées.

Un duo complémentaire 

Le duo que forment Mario Draghi avec Sergio Mattarella se fonde sur le respect scrupuleux des fonctions assignées par la Constitution à ces deux Présidences, celle de la République et celle du Conseil des ministres. Le premier, élu pour sept ans par les parlementaires et d'autres grands électeurs, est le chef de l'État. Il dispose du pouvoir de dissolution des Chambres, nomme le Président du Conseil et sur proposition de celui-ci, les ministres composant le gouvernement. Il co-signe les lois et les promulgue, nomme les hauts fonctionnaires de l'État, assure le commandement des forces armées, ou encore préside le Conseil supérieur de la magistrature. De son côté, le Président du Conseil dirige la politique générale du gouvernement et en est responsable. Il favorise et coordonne l’activité des ministres. Dans la pratique, depuis des décennies, la tendance est au renforcement du pouvoir exécutif par rapport au pouvoir législatif, et encore plus du Président du Conseil qui de facto pèse davantage que le Président de la République. 

Le couple Mattarella-Draghi s’avère fort différent, complémentaire et efficace. Sergio Mattarella est un Sicilien né en 1941. Professeur de droit constitutionnel, il a une longue expérience politique typiquement italienne. Tôt militant dans les associations catholiques de jeunesse, il rejoint vers 1980 la Démocratie chrétienne au sein de laquelle il a appartenu aux courants de gauche. 

Le couple Mattarella-Draghi s’avère fort différent, complémentaire et efficace. 

Après la fin de ce parti au début des années 1990, il sera toujours du côté des coalitions de centre gauche. Plusieurs fois ministre, il fut également juge à la Cour constitutionnelle avant de devenir Président de la République en 2015. 

Né à Rome en 1947, Mario Draghi est un économiste qui a réalisé un parcours brillant marqué par une forte expérience internationale. Il a réalisé son doctorat au MIT de Boston avant d’occuper des fonctions universitaires durant quelques années. Dix ans durant, de 1991 à 2001, il occupe la fonction essentielle de directeur général du Ministère du Trésor. Après un bref passage chez Goldman Sachs, il devient gouverneur de la Banque d’Italie de 2006 à 2011 puis Président de la Banque centrale européenne de 2011 à 2019, un long mandat où il excella, se faisant notamment remarquer durant la crise de la dette souveraine européenne pour avoir prononcé en 2012 le fameux "Whatever it takes" qui mit un terme presque immédiat aux spéculations alors en cours sur l'euro : il contribua ainsi à sauver la monnaie unique. Un politique, d’un côté, peu au fait des questions économiques ; un économiste de l'autre ne connaissant pas toutes les subtilités des jeux politiques mais habitué dans le cadre de ses fonctions à négocier avec les responsables politiques. Ces deux trajectoires différentes s’avèrent complémentaires et efficaces : les deux hommes en ont fait un atout et une force. Ainsi, lorsque des tensions s’accumulent au sein des partis présents dans l’exécutif, les deux Présidents dressent un front unique pour empêcher qu’elles ne dégénèrent en une crise menaçant l’existence du gouvernement. Car leur objectif commun est d'aller jusqu'à la fin de la législature au printemps prochain afin de bien engager le pays dans la voie des transformations qui leur paraissent indispensables à entreprendre, ce qu'approuvent également d’autres acteurs politiques, le Parti démocrate en premier lieu, ou encore la Commission européenne et les marchés financiers. De l'avis unanime des journalistes italiens qui les suivent de près, les deux Présidents ont tissé un rapport personnel solide fondé sur une confiance et une estime réciproques. Chacun a son style de travail, Mario Draghi parlant peu, ce qui irrite les chefs des partis ainsi que les journalistes, mais agissant en s'appuyant sur un petit groupe de collaborateurs, fidèles parmi les fidèles, choisis par ses soins, notamment pour toutes les questions économiques. De ce fait, Sergio Mattarella intervient davantage que le Président du Conseil mais toujours avec un style protocolaire, réservé, profond. 

Un duo tendu vers les mêmes objectifs, avec parfois quelques tensions

Ce tandem fonctionne parce que les deux présidents savent qu'ensemble ils tendent leurs efforts pour atteindre les mêmes buts. Il s'agit de combattre l'épidémie avec une politique généralisée de vaccination qui a été couronnée de succès, malgré les protestations des no-vax. Par ailleurs, il faut mettre en œuvre le plan de relance connu en Italie sous l’acronyme PNRR, plan national de résistance et de résilience, pour non seulement assurer la reprise de l’économie mais encore se projeter dans le futur. Cette tâche fondamentale relève de la responsabilité de Mario Draghi. Ses principaux chantiers prioritaires sont la numérisation du pays, l'incitation à l’innovation des entreprises, l’amélioration de leur compétitivité, le développement de la culture ; les mesures en faveur de la "révolution verte" et la transition écologique ; la mise en place d'infrastructures de transports permettant d’offrir une mobilité respectueuse de l’environnement et facilitant les flux de déplacements ; des investissements notables dans l'éducation et la recherche ; des politiques en faveur de l’inclusion et de la cohésion sociale ; un effort considérable en matière de santé publique. Par ailleurs, sont en cours des projets de modernisation de l’État, en particulier une ample réforme de l’administration publique avec aussi une action en profondeur pour la formation des fonctionnaires.  

Aussi bien Sergio Mattarella que Mario Draghi, chacun dans leurs fonctions respectives, entendent consolider la place et le rôle de l’Italie dans l’Union européenne. 

Parallèlement, aussi bien Sergio Mattarella que Mario Draghi, chacun dans leurs fonctions respectives, entendent consolider la place et le rôle de l’Italie dans l’Union européenne. Sergio Mattarella est connu pour être un pro-européen historique, constant et respecté. Mais le prestige, l’expérience et la réputation de Mario Draghi contribuent à faire de l'Italie un protagoniste de poids. En effet, il est fort écouté par ses homologues et impose le respect, y compris de la part des pays frugaux. 

Avec le président Macron, il œuvre pour une évolution des critères de Maastricht, pour concrétiser l'autonomie stratégique européenne, incluant la défense et la sécurité commune, ou encore pour promouvoir une politique coordonnée en matière de migrations.

Sergio Mattarella et Mario Draghi ont clairement condamné l'invasion de l'Ukraine par la Russie, décidé d’aider l'Ukraine, se sont ralliés, après un moment d’hésitation, aux sanctions prises contre Moscou malgré la forte dépendance de l’Italie au gaz russe, décidé d’augmenter les dépenses militaires et de fournir une aide logistique à l’Ukraine. Parallèlement, à la fin du mois de mai, l'Italie a proposé un plan de paix qui n’a pas fait long feu. Or la fermeté de l’exécutif se heurte à des critiques au sein même du gouvernement, venues de la Ligue, plutôt pro-russe, et d'une grande partie de Mouvement 5 étoiles sensible aux sirènes du pacifisme. En outre, l'opinion italienne condamne massivement l'agression russe et exprime une ample solidarité avec le peuple ukrainien, mais se montre bien plus réservée sur l'envoi d'armes aux troupes de Volodymyr Zelensky : elle aspire à la paix, comme en atteste un grand sondage réalisé au mois de juin en Europe et qui démontre que l’Italie est le pays abritant le plus important camp de la paix. Des manifestations ont eu lieu pour réclamer la fin du conflit et protester contre la politique du gouvernement. Ces attitudes attestent de la persistance d’une vieille et importante tradition pacifiste italienne qui comporte deux filons historiques, celui du catholicisme et celui du communisme. Une minorité très à gauche rejette la responsabilité principale du conflit sur les États-Unis et tend à mettre sur le même plan l'Ukraine et la Russie, accusées toutes les deux d’être à l'origine de la guerre. Les pacifistes jouent des peurs des Italiens que la guerre se prolonge et s’étende, et qu’en conséquence, la croissance ralentisse nettement, l'inflation s’envole et que le pouvoir d’achat se dégrade. 

Cependant, l'exécutif italien se démontre être plus que jamais pro-atlantiste. La preuve en a été administrée au mois de mai lors de la visite du président du Conseil à Washington DC et sa rencontre avec Joe Biden qui l’a présenté comme "un bon ami et un grand allié". 

L'un des derniers objectifs du gouvernement Draghi-Mattarella consiste à combattre les populismes en faisant appel au sens des responsabilités et de l’unité nationale. C’est pourquoi d’ailleurs Enrico Letta, qui était doyen de la Paris School of International Affairs (PSIA) à Sciences Po, a accepté de revenir dans son pays pour prendre en mains la direction du Parti démocrate et l’ériger en principal soutien à la politique du gouvernement Draghi. Mais les populismes sont à la fois présents dans le gouvernement et la majorité parlementaire. Ils sont visibles au sein de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles, mais aussi du côté de Fratelli d’Italia qui, à l'opposition, est en pleine croissance. Au sommet du G7 de la fin du mois de juin, Mario Draghi avait souligné que l’inflation et l'éventuelle dégradation de la situation sociale risquaient de profiter à ces partis, lesquels à leur tour mettraient en danger non seulement le futur de l'Italie mais celui de toute l'Union européenne.

Uni, le couple Mattarella-Draghi a néanmoins connu un moment de flottement, voire de tourments. Alors que le mandat du président Mattarella arrivait à échéance au début de l’année 2022 et qu’il avait annoncé urbi et orbi qu’il entendait y mettre fin, il était de notoriété publique que Mario Draghi caressait l’ambition de lui succéder, sans jamais pour autant s’être déclaré officiellement. Or, l'opération s’avéra impossible à réaliser pour diverses raisons et Sergio Mattarella se décida à accepter d’entamer un second mandat. Les journalistes italiens bien informés prétendent que Mario Draghi en fut marri et meurtri. Et que, depuis ce jour-là, les rapports entre les deux hommes seraient un peu moins chaleureux et légèrement plus distants. En outre, depuis le début de l’année, le Mouvement 5 étoiles, la Ligue et Forza Italia, de manière de plus en plus vive, comme, dans une moindre mesure et de façon plus diplomatique, le PD, avancent leurs propres propositions et marquent leurs différences en vue des prochaines élections afin de mobiliser leurs soutiens. Une sorte de guérilla politique s’installait.C’est dans ce contexte que le duo Draghi-Mattarella a été rudement mis à l’épreuve lors de la crise de gouvernement qui a éclaté au début de l’été. Et cela lui fut fatal. En effet, le 14 juillet, alors que devant les critiques du Mouvement 5 étoiles se durcissaient de plus en plus, Mario Draghi demanda la confiance au Sénat. Il l’obtint mais les sénateurs du Mouvement 5 étoiles ayant délibérément déserté l’hémicycle, le Président du Conseil considéra qu’il ne disposait plus d’une large majorité. Il présenta aussitôt sa démission au Président de la République qui la refusa lui demandant de retourner devant les Chambres cinq jours plus tard. Était-ce un simple jeu de rôle entre les deux hommes pour gagner du temps et espérer recomposer la majorité ou un désaccord de fond entre un homme politique expérimenté, rusé et habitué aux tractations, et un économiste un peu impulsif, habitué à décider et à agir, irrité par les agissements des dirigeants des partis déjà obnubilés par les élections ?

Impossible de le dire. Quoi qu’il en soit, le mercredi 20 juillet, le Président du Conseil se présenta devant le Sénat et prononça un discours très ferme.  Le Mouvement 5 étoiles, Forza Italia, la Ligue et Fratelli d’Italia ne participèrent pas au vote. Mario Draghi était donc condamné mais cela représente aussi une terrible défaite pour le Présidentde la République qui, jusqu’au dernier instant, n’a cessé d’intervenir pour sauver "son" Président du Conseil

Une terrible défaite pour le Président de la République qui, jusqu'au dernier instant, n'a cessé d'intervenir pour sauver "son" Président du Conseil.

Conclusion 

Le duo Draghi-Mattarella a donc duré un an, 5 mois et sept jours. Il a échoué à déployer tout son ambitieux programme de réformes. À l’avenir, les historiens dresseront le bilan complet de ce qui a été entrepris. Mario Draghi ne se lancera sans doute pas en politique. En revanche, le Parti démocrate et divers petits partis centristes se présenteront devant les électeurs en soutien loyal de son action, en espérant que sa popularité qui reste élevée au moment où il quitte le Palais Chigi, ainsi que la mobilisation venue de la société civile qui s’est exprimée entre le14 et le 20 juillet, pour demander la prolongation de son expérience leur profitent dans les urnes. Peut-être que Mario Draghi, tel le légendaire Cincinnatus, retournera à une humble vie civile, tout en se plaçant en réserve de la République italienne ou de l’Union européenne. Pour sa part, Sergio Mattarella restera président de la République. Il avait clairement annoncé au moment de sa réélection son intention d’aller jusqu'à la fin du septennat, normalement donc 2029 lorsqu'il fêtera ses 88 ans. Toutefois, la fin du duo formé avec Mario Draghi l’a incontestablement affaibli du fait du soutien résolu qu’il lui a accordé. C’est donc un Président sur la défensive qui devra travailler avec le centre droit composé de Forza Italia, de la Ligue et de Frères d’Italie, qui, selon tous les sondages actuels, devrait emporter les élections, avec, en outre, le parti de Giorgia Meloni en tête. Laquelle pourrait être choisie par Sergio Mattarella pour la Présidence du Conseil.En ce cas, l’un et l’autre formeraient, sans conteste, un tout autre duo

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