AccueilExpressions par MontaigneLe sacrifice et l'effort, par François RachlineL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.02/11/2010Le sacrifice et l'effort, par François Rachline RégulationImprimerPARTAGERAuteur François Rachline Directeur général de l'Institut Montaigne de 2009 à 2010 Commentaire publié aujourd’hui dans "Les Echos". Cette chronique de François Rachline paraît tous les premiers mardis de chaque mois.Qu'il s'agisse des retraites, du marché du travail, de la Sécurité sociale, de la fiscalité, de l'éducation, de la recherche - et ainsi de suite -, toucher en France à ce qui existe est le plus souvent considéré comme une atteinte à des "droits acquis". Avant même toute analyse. Indépendamment des faits. Comme si tout changement était par nature négatif. Un certain conservatisme, historique, explique sans doute cette disposition, mais elle semble se renforcer aujourd'hui. Au moment même où les réformes s'imposent - ou peut-être parce qu'elles sont devenues indispensables. Pourquoi cette crispation ? Comment y remédier ? Il n'existe pas de réponse toute faite, ni à la première ni à la seconde question. Avançons néanmoins une hypothèse et une suggestion.La population française ressent chaque réforme comme un nouveau coup dur. Adapter les retraites aux évolutions démographiques et sociales ? Travailler plus longtemps. Revoir la fiscalité pour la rendre plus efficace ? Payer plus d'impôts. Allonger l'année scolaire pour le bien des enfants ? Réduire le temps libre. S'efforcer d'équilibrer l'assurance-maladie ? Diminuer les remboursements. Flexibiliser le marché du travail ? Augmenter le chômage. Réformer l'Etat ? Casser les services publics… L'idée qui l'emporte est certes réductrice, mais simple : le mot "réforme" veut dire en réalité "sacrifice". Tout revient donc à se serrer davantage la ceinture. La crise actuelle n'a rien arrangé.Comment imaginer qu'il est possible d'imposer toujours plus de sacrifices ? Nous ne sommes peut-être pas éloignés du moment où ceux qui se définissent et se perçoivent comme des victimes permanentes - ils ne sont pas minoritaires - enverront tout promener. En désespoir de cause. Or c'est précisément d'une cause dont les Français ont besoin. Une ambition à partager. Dès lors qu'un objectif serait donné, le sacrifice pourrait s'effacer, au profit de l'effort. La différence est considérable : le premier traduit une perte sèche - ou le déclin relatif - alors que le second suppose une contrepartie. Renoncement d'un côté, reconquête de l'autre. Soit ! Mais que reconquérir, dira-t-on ?Avant tout, une perspective. Redonner du futur aux Français. Ne plus se recroqueviller sur des droits présupposés acquis mais travailler à gagner de nouvelles positions. Soucieux d'exceptionnalité, tétanisés souvent par la compétition, alors même qu'ils y brillent quand ils s'y adonnent, beaucoup de nos compatriotes rêvent encore d'une espèce de ligne Maginot qui les protégerait d'une globalisation agressive. Au lieu de cela, nous devons garder présent à l'esprit que toute réforme, si douloureuse soit-elle, si délicate soit-elle à conduire, doit procurer des avantages à tous les Français. Il est possible d'avoir le beurre et l'argent du beurre, mais pas en même temps. Sur chaque dossier, les pouvoirs publics doivent donc faire preuve de pédagogie en exposant la situation difficile actuelle et la situation avantageuse recherchée, souligner les enjeux, préciser les choix, établir un calendrier. Le pays doit savoir pourquoi les réformes s'imposent. Non par refus a priori des droits acquis, mais parce que le monde d'aujourd'hui n'en a cure.En contrepartie des efforts consentis par tous, la France pourra non seulement rester un acteur important parmi les nations, à commencer par l'Union européenne, mais redevenir un de ses leaders. Et permettre aux Français de vivre mieux dans un pays qui ne serait plus une exception, mais un exemple.Lire la précédente chronique de François Rachline (Les Echos du 5/10/10)ImprimerPARTAGER