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24/09/2013

Le Lycée professionnel ? Marginal au sein de l’Éducation nationale ou fleuron d’un autre département ministériel …

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La réindustrialisation commence à l'école? Nos formations d'ingénieurs et de scientifiques sont d'excellent niveau et reconnues comme telles (1). Cependant notre enseignement professionnel pré-bac, notamment celui qui relève du Ministère de l'Education nationale, à travers les lycées professionnels qui accueillent 516 000 élèves, n'est aujourd'hui pas en situation de répondre aux exigences d'une réindustrialisation compétitive qui englobe aussi les services. Selon l'étude du CEREQ qui analyse en 2010 les conditions d'emploi 3 ans après les sorties du système éducatif, 15 % des bacheliers professionnels ou technologiques sont au chômage ? encore cette analyse n'individualise-t-elle pas les bacheliers professionnels pour lesquels le taux de chômage avoisine les 20%, c'est-à-dire similaire au taux de chômage des bacheliers généraux (19%) ce qui est anormal pour une formation à finalité professionnelle.

Alors que les études du CEREQ soulignent qu’à niveau de formation équivalent les apprentis s’insèrent mieux que les jeunes issus de formations dispensées par voie scolaire (10 points de taux d’emploi de plus), 83,5% des élèves du second degré préparent le baccalauréat professionnel sous statut scolaire (dans la quasi-totalité des lycées d’enseignement professionnels) et seuls 12% par la voie de l’apprentissage (dans le secteur privé). "L’appareil de l’Education nationale" freine toute évolution significative sur ce sujet pourtant majeur et ce, quel que soit le gouvernement [1].

L’enseignement professionnel est de fait encore trop souvent considéré comme une voie de relégation pour les élèves et le réceptacle d’une orientation par défaut dont les conséquences sociales sont catastrophiques. Sur 100 élèves en troisième ayant redoublé au moins une fois, 21,5% sont orientés vers une seconde générale ou technique, et 72,3% vers un second cycle professionnel. Concernant les inégalités sociales, 53,4% des élèves de la filière "bac pro" dans le public sont issus d’un milieu défavorisé contre 28,2% dans les lycées généraux et technologiques.

La catégorisation par secteurs d’activité est figée et suit difficilement les évolutions du marché du travail. Davantage d’élèves sont dans le secteur des services (304 000) que dans celui de la production (221 000) ; avec des disparités importantes dans les effectifs, 23 000 en moteur et mécanique auto, 837 en mécanique aéronautique et spatiale, 1245 en plastique et matériaux composites ; 595 en matériaux de construction, verre céramique, 14 000 dans le travail du bois et de l’ameublement. Dans le secteur des services, 107 000 en commerce et vente, 3 100 en techniques de l’imprimerie et de l’édition, 28 000 en secrétariat- bureautique, 1 300 en journalisme et communication. Alors qu’un enseignement à finalité professionnelle doit être réactif pour s’adapter aux évolutions de notre économie, le dispositif des lycées professionnels est aujourd’hui sclérosé. Il est révélateur que des entreprises prennent la main afin de "pallier les carences du mammouth" pour reprendre la formule et l’analyse de Christine Kedelland [2] ; pensons aux initiatives de Veolia, de Xavier Niel pour former des développeurs, de Bannette qui a créé une école destinée à former des artisans boulangers chefs d’entreprise, ou encore à l’école de vente Volkswagen qui forme des futurs commerciaux.

Quant aux professeurs des lycées professionnels dans la hiérarchie subtile de notre enseignement secondaire, ils se situent en termes de considération loin derrière les agrégés et les certifiés ! Un enseignant dans ces lycées qui enseigne les disciplines scientifiques ou de langue à diplôme équivalent ne peut les enseigner en collège ou lycée, ni même effectuer un remplacement dans ces établissements ! Bien que parfois ils soient sur le même site.

Alors que faire ?
Il est clair qu’au sein du vaste ministère de l’Éducation nationale, les lycées professionnels sont à la marge et une préoccupation mineure, voire inexistante, du Ministre en charge. Dans l’organigramme de ce ministère, les lycées professionnels et l’apprentissage sont gérés et impulsés par un chef de bureau. Dans la chaîne hiérarchique, il y a le Ministre, la DEGESCO, un chef de service adjoint à cette direction dont dépend un service de l’instruction publique et de l’action pédagogique, puis enfin le bureau des lycées professionnels et de l’apprentissage.

Une solution existe :
- Transférer l’ensemble des enseignements professionnels qui relèvent actuellement de l’Éducation nationale à un autre Ministère. Après tout, l’enseignement agricole (rappelons que l’agro-alimentaire est le premier poste d’exportation) relève depuis toujours du Ministère de l’Agriculture et ne s’en porte pas plus mal.

- Quel ministère ?
L’Industrie ou celui en charge de la formation professionnelle (généralement le ministère de l’emploi). Ce qui serait cohérent avec le concept de formation tout au long de la vie.

- Comment ?
Au niveau central, transférer le fameux bureau des lycées professionnels et de l’apprentissage ainsi que le bureau des diplômes professionnels vers l’administration centrale du Ministère d’accueil. Au niveau régional, les lycées professionnels relèvent déjà des régions (notamment les personnels IATOS). Ils ne dépendront plus des rectorats mais des directions régionales du nouveau Ministère.

- Quels avantages ?
• Les formations des lycées professionnels seront dispensées dans le cadre de l’apprentissage et conduiront à une meilleure insertion professionnelle des élèves.
• Les régions en charge de la formation professionnelle seront impliquées dans les stratégies mises en œuvre par les lycées professionnels pour répondre aux demandes des milieux socio-économiques régionaux.
•Les lycées professionnels deviendront incontournables, de véritables fleurons régionaux, pour conduire des actions de formation continue (formation tout au long de la vie) à la hauteur des enjeux, notamment pour former certaines catégories de demandeurs d’emplois. Ils constituent un réseau extrêmement dense sur l’ensemble du territoire, pratiquement toutes les entreprises françaises (notamment TPE, PME) se trouvent à moins de 50 km d’un lycée professionnel.
•Enfin les enseignants auront tout à y gagner. Ils garderont leur statut actuel mais pourraient bénéficier d’une organisation du temps induite par l’apprentissage beaucoup plus souple, et une implication plus importante pour suivre les élèves. La mobilisation des lycées professionnels dans le cadre de la formation tout au long de la vie leur permettra de compléter leur rémunération …

Quant à la gestion de leur carrière sortie du cadre actuel de l’Éducation nationale, elle sera certainement beaucoup plus attractive en termes de mobilité, de promotion et … de rémunération. Les enseignants des lycées agricoles ne demandent pas leur intégration au sein des corps de l’Éducation nationale…

(1) Encore pour que cette situation perdure ne faudrait-il pas trop réduire les programmes et les exigences dans les disciplines scientifiques du second degré.

Notes

[1] Une exception l’action de Jean-Luc Mélenchon en charge des formations professionnelles dans le gouvernement Jospin a qui l’on doit la création des lycées des métiers…

[2] L’Express n° 3245 11/09/2013

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