AccueilExpressions par MontaigneLa France et PISA : les cinq points noirs au tableauL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.04/01/2017La France et PISA : les cinq points noirs au tableauImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Au-delà du niveau en lecture, en mathématiques et en sciences des élèves français, l'enquête PISA révèle de sérieuses fractures au sein de notre système éducatif. Décryptage,exemples de bonnes pratiques étrangères et propositions.1. L’impact de l’origine socio-économique sur la réussite En France, les écarts de réussite entre les élèves issus de milieux socio-économiques favorisés et ceux issus de milieux défavorisés sont très significatifs : ce décalage est même le plus important de tous les pays étudiés dans l’enquête PISA. Ainsi, l’origine sociale explique plus de 20% de la performance des élèves en France, contre 13% en moyenne dans les pays de l’OCDE. Seuls la Hongrie et le Luxembourg affichent un tel niveau d’inégalités. De surcroît, en France, près de 40% des élèves défavorisés sont en difficulté, et seulement 2% d’entre eux appartiennent au groupe des élèves les plus performants, contre respectivement 34% et 3% en moyenne dans l’OCDE. Autrement dit, le poids de l’origine socio-économique pèse très lourdement sur la réussite scolaire des élèves. Au-delà des résultats académiques, l’origine sociale a aussi une forte influence sur les choix d’orientation : les élèves issus des milieux les plus défavorisés sont ainsi surreprésentés dans les filières professionnelles.Un exemple étranger : l’Estonie L’Estonie fait partie des pays les plus performants en matière d’éducation dans l’OCDE avec le Japon, Singapour ou la Finlande. Ces bons résultats s’expliquent en partie par une combinaison de différents facteurs : tout d’abord, la société estonienne comme le gouvernement valorisent et encouragent l’éducation. Ainsi, l’objectif affiché du système éducatif estonien est d’orienter le plus d’élèves possible – indépendamment de leur origine sociale – vers les études supérieures. Afin d’y parvenir, le système éducatif est considéré comme un grand ensemble interconnecté : des objectifs ambitieux sont formulés et l’offre éducative s’adapte à ceux-ci. Le suivi des élèves est à la fois pluridisciplinaire et individuel : un psychologue, un orthophoniste ainsi qu’un travailleur social sont présents dans toutes les écoles estoniennesdes emplois du temps personnalisés sont proposés aux élèves surdoués comme aux élèves en difficulté.2. Un fort taux de redoublement et de décrochage scolaire En France, plus d’un élève sur cinq a redoublé au moins une fois avant l’âge de quinze ans, ce qui correspond au double de la moyenne des pays de l’OCDE. Si ce pourcentage a connu une forte diminution (moins 16 points de pourcentage) depuis 2009, il reste encore très élevé, d’autant que le redoublement concerne plus fréquemment les élèves issus des milieux socio-économiques défavorisés. Le décrochage scolaire reste également un phénomène préoccupant en France, car 110 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme.Un exemple étranger : le Royaume-Uni Seuls 3% des élèves britanniques ont redoublé au moins une fois avant l’âge de quinze ans. Ce faible pourcentage s’explique par le fait qu’il n’existe pas d’orientation donnée au niveau national relative au redoublement. Cela laisse aux professeurs et aux écoles davantage de liberté dans leur prise de décision. Plus généralement, le redoublement n’est pas ancré dans la culture éducative britannique car il est jugé plus bénéfique pour les élèves qu’ils poursuivent leur scolarité avec leur classe d’âge. Aussi, si un redoublement est proposé, les parents sont toujours associés à la prise de décision et doivent donner leur accord.3. Des élèves issus de l’immigration en échec scolaire 13% des élèves de quinze ans en France sont issus de l’immigration, une proportion qui est restée stable depuis 2006. Les écarts de réussite entre ces élèves et les non-immigrés est très important : en sciences, il est de 32 points en faveur des élèves non-immigrés. L’écart s’accentue encore si l’on considère la première génération d’élèves immigrés : en France, il est de 87 points, contre 53 points pour la moyenne des pays de l’OCDE. Pour la seconde génération, l’écart se réduit mais reste très élevé avec 50 points en France, contre 31 points en moyenne dans l’OCDE.Un exemple étranger : le Canada Avec près de 20% de sa population ayant des origines étrangères et 5% des origines aborigènes, la société canadienne a fait le choix du multiculturalisme. Toutefois, contrairement à la France, l’écart de résultats entre les élèves issus de l’immigration et les élèves non-immigrés n’est pas significatif. Cela s’explique notamment par la politique linguistique mise en place dans les provinces canadiennes : dès la petite enfance, l’apprentissage de la langue d’enseignement (français ou anglais), en particulier si elle n’est pas la langue maternelle des élèves joue un rôle important. Par ailleurs, l’accent est mis sur la socialisation et l’intégration à l’école des élèves immigrants ou issus de l’immigration afin de créer un cadre favorable à leur réussite et à leur épanouissement.4. Bien-être et confiance L’enquête PISA n’analyse pas seulement les performances scolaires des élèves, elle s’intéresse également à leur motivation et leur bien-être à l’école. Or, les élèves français prennent moins de plaisir dans leurs apprentissages que les élèves des autres pays de l’OCDE, et ils perçoivent moins leur utilité. De plus, seul un élève sur quatre estime avoir l’opportunité de faire des retours écrits sur la qualité de l’enseignement qu’il reçoit, contre 69% en moyenne dans l’OCDE.Un exemple étranger : le Danemark Les élèves danois sont à la fois parmi les plus heureux à l’école et les plus performants. L’empathie joue un rôle très important dans le système éducatif danois. La relation entre les enseignants et leurs élèves est un facteur important qui explique ce bien-être scolaire : ainsi, leur rapport est beaucoup moins distancé et vertical ; le professeur y est tutoyé et les élèves l’appellent par son prénom.5. L’impact du genre sur la réussite et l’orientation des élèves Les résultats de l’enquête PISA révèlent également qu’il existe un biais important en France lié au genre. Si les filles obtiennent de meilleurs résultats en lecture que les garçons (+29 points), leurs résultats en mathématiques et en sciences sont quasiment équivalents à ceux des garçons. Cependant, le biais lié au genre n’est pas seulement quantitatif, il est aussi qualitatif : en effet, l’apprentissage des sciences et des mathématiques est davantage source d’anxiété pour les filles que pour les garçons, et cet écart est l’un des plus marqués dans tout l’OCDE. Les filles sont également moins nombreuses – moins d’une sur cinq – à être attirées par une carrière scientifique.Un exemple étranger : la Finlande La Finlande est le seul pays étudié par l’enquête PISA où les filles ont plus de chance d’être de très bonnes élèves que les garçons. En outre, le pourcentage de filles très performantes en sciences y est plus élevé que celui des garçons très performants dans les autres pays de l’OCDE. Ces résultats suggèrent que les politiques éducatives peuvent influer et limiter l’impact du genre sur la réussite et l’orientation des élèves. Depuis plusieurs années, la Finlande a mené une réflexion autour des stéréotypes liés au genre, notamment dans le domaine des sciences et des mathématiques afin d’encourager davantage d’élèves à suivre cette voie.Les propositions de l’Institut Montaigne De nombreuses études ont réfuté le caractère irrémédiable des déterminismes sociaux, de genre ou d’origine qui pèsent sur la réussite scolaire, à condition de déployer très tôt des méthodes d’enseignement adaptées. Les travaux du prix Nobel d’économie James Heckman démontrent la nécessité d’intervenir au plus tôt dans la scolarité si l’on veut contrecarrer cette dynamique. Depuis 2010, l’Institut Montaigne porte la conviction que la priorité doit être donnée à l’école primaire.Retrouvez nos propositions dans le rapport Vaincre l’échec à l’école primaire, 2010. Cette priorité donnée au primaire peut voir son efficacité accrue par le recours au numérique. S’il n’est pas un outil magique, bien employé, il peut permettre aux enseignants de consacrer davantage de temps aux élèves en difficulté et de prolonger l’apprentissage en dehors de l’école. Individualisation de l’enseignement, amélioration de la performance des élèves par l’analyse des données recueillies – être capable de vérifier que chaque élève dispose bien du temps et des retours dont il a besoin pour progresser et ne pas décrocher –, autonomie et créativité de l’élève : le numérique peut pallier en partie les défaillances de notre système éducatif.Relisez notre billet Le numérique à l'école primaire : nos réponses à vos questions Nombreux sont les Français qui voient dans l’école un refuge, qui fonde le vivre-ensemble et incarne l’idéal méritocratique. Cette "sacralisation" de l’école tient autant à son histoire qu’aux espoirs d’ascension sociale qu’elle symbolise. Comment expliquer alors ce paradoxe : l’école est aujourd’hui confrontée à une double crise de confiance. Elle échoue à inspirer aux élèves confiance en eux – élément pourtant indispensable à leur construction personnelle et professionnelle –, et apparaît de moins en moins capable de garantir l’égalité des chances. Pourquoi les Français ne croient-ils plus en l’école ?Pratiques d’enseignement, redoublement, conséquences à moyen et long-terme, retrouvez notre analyse dans l’ouvrage Et la confiance bordel ?, chapitre 1 : "Plaidoyer pour une refondation de l’école", Fanny Anor et Laurent Bigorgne. L’usage du numérique, qui ne sanctionne pas l’erreur et encourage l’enfant à constamment corriger et améliorer son approche, favorise davantage de bienveillance et de bien-être à l’école. Afin d’accroître la confiance de l’élève, sa motivation et sa persévérance, il est important de ne pas confondre l’erreur, simple signal informatif, et la sanction ou la punition qui ne font qu’augmenter la peur, le stress et le sentiment d’impuissance de l’enfant face aux apprentissages ; l’usage circonstancié d’outils numériques permet cela.Retrouvez nos propositions dans le rapport Le numérique pour réussir dès l’école primaire, mars 2016. ImprimerPARTAGER