AccueilExpressions par MontaigneLa France, championne européenne du cumul des mandats… plus pour longtemps ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.05/10/2016La France, championne européenne du cumul des mandats… plus pour longtemps ? Action publiqueImprimerPARTAGERAuteur Blanche Leridon Directrice Exécutive, éditoriale et Experte Résidente - Démocratie et Institutions Pratique très développée en France, le cumul des mandats revient aujourd'hui sur le devant de la scène. Qu?il s'agisse d'en limiter le nombre, la durée dans le temps ou de l'interdire complètement, les propositions sont légion, et émanent autant de l'exécutif actuel que des candidats à l'élection présidentielle de 2017. La France fait en effet figure d’exception en Europe. Avec 476 députés sur 577 en situation de cumul des mandats (soit 82 %) et 267 sénateurs sur 348 (soit 77 %), elle dépasse très largement les moyennes européennes. Aucun autre pays d’Europe n’affiche des statistiques comparables. En moyenne, ils sont 20 % des parlementaires européens à cumuler des mandats nationaux et fonctions exécutives locales. Pourquoi un tel écart entre les pratiques françaises et européennes ? Quelles lois encadrent aujourd’hui le cumul en France ? A l’étranger ? Le cumul des mandats, de quoi parle-t-on ? Pour un parlementaire, le cumul des mandats désigne, l’exercice simultané de mandats électoraux nationaux (au Sénat ou à l’Assemblée nationale) et de fonctions électives locales (au sein de l’exécutif d’une commune, d’une intercommunalité, d’un département ou d’une région). En termes de "cumul", les parlementaires français devancent – de loin – tous leurs voisins européens. 82 % des députés et 77 % des sénateurs exerçaient en 2012 ainsi des fonctions au sein d’un exécutif local, selon un rapport du Sénat. Selon ce même rapport, ils ne seraient que 10 % au Bundestag, 13 % en Grande-Bretagne, 15 % en Espagne, 16 % en Italie et 6 % aux Pays-Bas. Ce que proposent les candidats à l’élection présidentielle de 2017Le principe de limitation du cumul s’impose aujourd’hui dans la campagne présidentielle. Benoît Hamon propose d’instaurer le non-cumul des mandats dans le temps, afin de limiter le phénomène de professionnalisation de la politique et de permettre davantage de diversité et de représentativité de nos élus. Il préconise pour cela de limiter à trois le nombre de mandats identiques consécutifs maximum. Emmanuel Macron propose également "d’aller plus loin sur le non-cumul des mandats dans le temps", même initiative du côté de Jean-Luc Mélenchon qui propose de "rendre effectif le principe du non-cumul des mandats, y compris dans le temps".En France, que prévoit la loi ? En France, ce sont les lois organiques du 5 avril 2000 et du 14 février 2014, qui régulent les pratiques en termes de cumul des mandats. Selon la première, il est interdit de cumuler les mandats de député, de sénateur et de député européen. Est également interdit l’exercice de l’un de ces mandats avec celui de conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris ou conseiller municipal d’une commune de plus de 1 000 habitants. Il est en revanche autorisé de cumuler un mandat national et une fonction exécutive locale (Président de conseil général ou départemental et élu municipal). La loi de 2014 tente de limiter encore davantage le cumul des mandats en prévoyant notamment l’interdiction du cumul de fonctions parlementaires nationales avec celles de maires, de présidents de conseils régionaux ou départementaux. Ces dispositions ne s’appliqueront cependant qu’à compter du 31 mars 2017. Et ailleurs en Europe ? Différentes lois encadrent la pratique du cumul chez nos voisins européens. Chez certains d’entre eux, le mandat unique est une pratique coutumière, qui n’a pas eu besoin de loi pour s’imposer aux élus. En Espagne, députés et sénateurs ne sont pas soumis au même traitement. Si un député ne peut pas être membre de l’assemblée délibérante d’une communauté autonome, le sénateur en a lui le droit. Pour les députés comme pour les sénateurs, il est permis d’exercer une fonction exécutive locale (maire, conseiller provinciale). Aux Pays-Bas, la législation en vigueur se rapproche de la législation française actuelle : interdiction de cumuler deux mandats parlementaires, possibilité de cumuler mandats parlementaires et fonctions exécutives locales, etc. Pourtant, seuls 6 % des parlementaires néerlandais sont en situation de cumul, contre 82 % de nos députés. Au Royaume-Uni, la pratique du non cumul s’est imposée au sein des législatures successives, sans intervention préalable du législateur. Ce n’est qu’en 2011, avec le Localism Act, que des dispositions sont prévues pour interdire le cumul des fonctions de maire et de conseiller dans la même collectivité. Dans les faits, bien avant la loi de 2011, le non cumul était la norme au Royaume-Uni.En Allemagne, enfin, la loi sur la situation juridique des membres du Bundestag de 1977, renforcée par la révision constitutionnelle de 2007, dispose que le centre des activités d’un député doit être son mandat parlementaire. Ils sont donc très peu nombreux à occuper d’autres fonctions. L’article 66 de la Constitution prévoit qu’un membre du Bundestag qui serait également chancelier ou ministre fédéral ne peut exercer aucune autre fonction publique rémunérée. Pour aller plus loinPrésidentielle 2017 : le grand décryptageLimiter le cumul des mandats dans le temps : deux ou trois ?ImprimerPARTAGER