AccueilExpressions par MontaigneJuges et entreprises : à quand la réconciliation ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.02/03/2016Juges et entreprises : à quand la réconciliation ? Action publiqueImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Le projet de loi sur la réforme du marché du travail porté par Myriam El Khomri sera présenté au Conseil des Ministres le 24 mars 2016. Il devrait notamment proposer de clarifier les règles du licenciement économique. Clarifier les règles du licenciement économiqueRappelons que la procédure du licenciement économique offre des garanties aussi bien à l’employeur qu’à l’employé. En effet, en cas de licenciement économique, l’employé peut bénéficier d’un contrat de sécurisation professionnelle et recevoir 100 % de son ancien salaire en allocations sur une année. Néanmoins, pour invoquer un licenciement économique, l’entreprise doit prouver qu’elle est sujette à de véritables difficultés (secteur en crise, perte de contrats, etc.). La loi interdit donc à l’entreprise d’utiliser l’emploi comme un levier flexible de compétitivité pour les entreprises. Les Juges et l’économie : comment rétablir une confiance réciproque ?La proposition du gouvernement va dans le sens d’une définition plus précise des conditions du licenciement économique dans le but de réduire le champ d’interprétation du juge. En effet, si les modalités du licenciement économique sont précisées, alors les employeurs sauront s’ils peuvent y recourir ou non. L’étude de l’Institut Montaigne Les Juges et l’économie : une défiance française (2012) met en lumière le peu de confiance que les magistrats placent, en règle générale, dans l’économie de marché. Cette défiance procède en partie de facteurs culturels : d’après la World Values Survey, la France affiche des indicateurs de confiance en la concurrence, la gestion privée des entreprises et l’économie de marché parmi les plus faibles au monde. Cette déterminante culturelle ne suffit toutefois pas à expliquer la défiance des magistrats envers les entreprises. En effet, plus encore que les autres professions du secteur public, les juges français défendent l’intervention des pouvoirs publics dans la sphère économique. Certes, les licenciements économiques se règlent majoritairement devant les conseils des prud’hommes, composés selon un principe paritaire de salariés et d’employeurs bénéficiant du statut de juges non professionnels. Cependant, la jurisprudence qu’ils appliquent émane des décisions de juges professionnels. Sans compter la présence d’un juge départiteur au Conseil prud’homal qui contribue à renforcer l’importance du juge professionnel dans les décisions des conseils.Notre étude montre que les magistrats qui bénéficient d’une meilleure connaissance du monde de l’entreprise, soit qu’ils aient suivi des cours d’économie et de comptabilité, soit qu’ils aient effectué un stage en entreprise, sont plus enclins à porter un avis favorable à la liberté des entreprises. Or, les juges professionnels, issus de l'Ecole Nationale de la magistrature, sont presque exclusivement formés à des matières juridiques. Pour rétablir un lien de confiance entre les entreprises et les juges garantissant à la fois justice sociale et efficacité économique, il est nécessaire d’œuvrer à une meilleure formation économique pour les magistrats de la Chambre sociale et, plus particulièrement, pour ceux qui sont amenés à se spécialiser dans les questions économiques et sociales. ImprimerPARTAGER