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14/01/2020

Investir dans le numérique et revaloriser la médecine de ville : les deux réponses à la crise de l’hôpital

Investir dans le numérique et revaloriser la médecine de ville : les deux réponses à la crise de l’hôpital
 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Déléguée générale de l'Alliance pour la santé mentale

Mardi 14 janvier 2020, 1 200 médecins, dont 600 chefs de services hospitaliers, se sont engagés, dans une lettre commune, à démissionner de leurs fonctions administratives afin de marquer leur désaccord et leur colère face à la situation que connaissent les hôpitaux publics. Cet acte symbolique fort intervient après des mois de grèves dans les services d’urgence. Plusieurs mesures ont été annoncées par le gouvernement, notamment le Pacte de refondation des urgences de septembre 2019 (750 millions d’euros sur trois ans) et le Plan d’urgence pour l’Hôpital public de novembre dernier (1,5 milliard d’euros d’ici à 2022 et une reprise partielle de la dette des hôpitaux) mais celles-ci n’ont pas suffi à apaiser la colère de personnels exsangues.

De nouvelles mesures vont sans doute être annoncées. Ces réponses dans l’urgence interrogent sur les moyens qui seront mis en œuvre pour une réforme de long terme afin d’éviter la succession des crises et l’impression d’une dégradation continuelle de notre système de santé.

L’offre actuelle ne correspond plus aux besoins des patients

La vision traditionnelle du monde de la santé, souvent pensé en silo et en oppositions (la ville contre l’hôpital, le public contre le privé), ne correspond plus aux attentes des patients souffrant souvent de multiples pathologies et souhaitant une meilleure coordination et une fluidité dans leurs parcours de soins.

L’offre de soins actuelle, construite autour des professionnels de santé, de l’hôpital et des spécialités médicales, est en décalage avec les besoins réels et gagnerait à être repensée pour et par les patients. Au cœur de ces défis, les patients âgés, très souvent porteurs de multiples pathologies. Ainsi, 90 % des plus de 75 ans souffrent d’au moins deux maladies chroniques.

Penser la réponse à la crise uniquement autour de l’institution hospitalière serait une grave erreur

Penser les réponses à la crise actuelle autour de l’institution hospitalière (ses moyens, ses statuts, sa gouvernance) sans considérer l’ensemble du système de santé et l’évolution des technologies comme des besoins serait une grave erreur et risquerait de conduire à une nouvelle crise dans deux ou trois ans.

La médecine de ville n’arrive pas à faire face aux besoins, donnant à l’hôpital un rôle d’acteur de premier recours qui le fragilise.

Les besoins de santé ne sont pas figés dans le temps : ils ne font et ne feront qu’augmenter et aujourd’hui la médecine de ville, qui peine à s’organiser, n’arrive pas à faire face aux besoins, donnant à l’hôpital un rôle d’acteur de premier recours qui le fragilise. En dépit des discours sur le nécessaire virage ambulatoire, l’hôpital continue à occuper une place absolument centrale dans l’offre de soins.

Il faut partir des parcours et des besoins des patients pour mettre en œuvre des réformes structurelles

Portée par le vieillissement de la population et les innovations technologiques, la demande de soins va croissant et la tendance naturelle à l’augmentation des dépenses de santé se situe autour de 4 %.

Pour éviter le dérapage budgétaire, les dépenses de l’Assurance maladie sont contenues par un Objectif de dépenses (ONDAM) voté chaque année, et ne progressent "que" de 2,5 % par an. Sans réforme structurelle, on comprend aisément que cette contrainte budgétaire annuelle, souvent comparée à un "coup de rabot", est de nature à paupériser un système dont le mode de financement est par ailleurs largement lié au volume d’activité (la tarification à l’activité ou T2A).

De plus, le pilotage actuel, qui oppose encore trop souvent médecine de ville et hôpital, avec une gouvernance séparée (l’hôpital géré par l’État, la médecine de ville pilotée par l’Assurance maladie), limite toute réflexion d’ensemble. Il faut partir des parcours et des besoins des patients pour mettre en œuvre des réformes structurelles.

Investir massivement dans la structuration de la médecine de ville et le numérique

La stratégie Ma Santé 2022 proposée par le gouvernement va dans le sens d’une réorganisation du système davantage tournée vers la médecine de ville, avec une gradation des soins en fonction des besoins des patients, et amorce la création d’un maillage territorial avec de nouveaux métiers et des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

Il faut partir des parcours et des besoins des patients pour mettre en œuvre des réformes structurelles.

Ces annonces, accueillies de façon très positive, demandent également un investissement massif et rapide dont la mise en œuvre risque de se voir amputée par les ressources dégagées pour les plans d’urgence successifs. Des pays comme les Pays-Bas ou le Danemark peuvent pourtant nous montrer la voie : ils se sont engagés depuis plusieurs années dans des politiques volontaristes de consolidation de leur médecine de ville, dans la revalorisation de la médecine de premier recours (généralistes et pédiatres) et ont investi massivement dans les solutions digitales et la création de métiers intermédiaires pour travailler aux côtés des médecins, accompagner les patients dans leurs parcours et éviter au maximum le recours à l’hospitalisation.

Le virage numérique en santé peine à se mettre en place en France, alors même que ses promesses sont immenses pour améliorer la qualité des soins, alléger les journées des professionnels, faciliter l’accès aux soins et offrir une médecine davantage personnalisée. Une réglementation plus souple ainsi qu’un investissement massif dans l’équipement des professionnels et leur formation permettrait d’accélérer le virage numérique.

De telles réformes prennent du temps, mais sont de nature à répondre au triple défi d’une meilleure qualité des soins, d’une maîtrise des coûts et d’une plus grande satisfaction des patients comme des professionnels.

 

Copyright : Sameer Al-Doumy / AFP

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