AccueilExpressions par Montaigne"Il faut désormais s’attendre à de nouvelles élections." Trois questions à Marc Lazar sur la crise...L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.29/05/2018"Il faut désormais s’attendre à de nouvelles élections." Trois questions à Marc Lazar sur la crise politique italienne EuropeImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Les grands entretiensSergio Mattarella, président de la République, a finalement décidé de s’opposer à la nomination de Paolo Savona au poste de ministre de l’Économie. Dans la foulée, Giuseppe Conte renonçait à former un gouvernement. Marc Lazar décrypte pour nous cette nouvelle séquence de la crise politique qui secoue la péninsule depuis les élections du 4 mars dernier.Après le retrait de Giuseppe Conte et l'échec d'un nouveau gouvernement réunissant le Mouvement 5 étoiles et la Ligue, faut-il s'attendre à de nouvelles élections ? Oui, il faut désormais s’attendre à de nouvelles élections. Elles auront lieu à l’automne, ou, au plus tard, au début de l’année 2019. Il n’y a plus d’autres solutions actuellement. Mais il reste encore beaucoup d’incertitudes, dues à deux raisons principales :La première est que l’on ne sait pas quelle sera la configuration des partis pour cette nouvelle élection. Est-ce que, par exemple, la Ligue et le Mouvement 5 étoiles (M5S) formeront une coalition ? Ou est-ce que la Ligue décidera de se présenter à nouveau avec Silvio Berlusconi et les Frères d’Italie, en dépit des nombreuses divergences qui sont apparues entre eux ces dernières semaines ? La deuxième incertitude tient au fait que la loi électorale actuellement en vigueur rend difficile, mais non totalement impossible, l’émergence d’une majorité parlementaire.Ces derniers jours, certains médias ont fait état d’une possible procédure d’impeachment à l’encontre du président de la République. Une telle mesure n’existe pas au sens littéral en Italie. Seuls le M5S et les Frères d’Italie la réclament en ce moment. Elle n’a donc pas grande chance d’aboutir, de plus la procédure pour démettre le président de la République est particulièrement longue. Mais cette volonté du M5S est significative. Il s’agit d’une véritable attaque contre les institutions, aussi périlleuse que les propos de la Ligue qui en appelleraient à des manifestations de rue contre le président.L'alliance entre le M5S et la Ligue sortira-t-elle renforcée ou affaiblie par ce nouveau rebondissement ?Il s’agit maintenant de savoir si ces deux formations vont transformer leur accord de gouvernement en coalition électorale. Rien n’est certain en la matière. La Ligue et le Mouvement 5 étoiles ont de profondes divergences mais surtout, le M5S a eu l’impression d’être manipulé par la Ligue qui voulait, presque à tout prix, que soient organisées de nouvelles élections. Ce qui n’était pas du tout l’objectif poursuivi par Di Maio, leader du M5S. A en croire les sondages, c’est surtout la Ligue qui semble bénéficier de la crise de ces dernières semaines. Elle est créditée de 25 % des voix, contre 17 % aux dernières élections, alors que le M5S semble reculer un tout petit peu. Dans tous les cas, ces deux formations restent à un niveau très élevé de soutien de la part des Italiens. Le Parti démocrate (PD) et Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, sont quant à eux dans une situation de grande difficulté. Le PD est affaibli et surtout divisé : sur l’explication à donner à son échec du 4 mars derniers, sur la stratégie à adopter (faut-il s’allier avec le M5S, avec Forza Italia, rester seul ?), mais également concernant son leadership. Matteo Renzi n’est plus officiellement le secrétaire, mais cherche à contrôler le parti, en dépit de son impopularité. Forza Italia est tout aussi divisé, notamment concernant l’attitude à adopter par rapport à la Ligue. Silvio Berlusconi semble pouvoir revenir en politique, mais ne bénéficie plus de la popularité d’antan. Pour ces deux partis, l’enjeu des prochaines élections sera bien celui de leur survie.Le refus du président de la République, Sergio Mattarella, d'accepter le gouvernement proposé par les deux partis arrivés en tête aux élections législatives, sera-t-il perçu comme un déni de démocratie par une partie de l'électorat italien ? Renforçant ainsi la tendance eurosceptique de l'opinion ?Oui, incontestablement. Les électeurs de la Ligue et du M5S considèrent que Sergio Mattarella a pratiqué un déni de démocratie. Pourtant, il n’a fait qu’appliquer l’article 92 de la Constitution. L’attitude du M5S et de la Ligue démontre bien leur caractère populiste. Ils estiment que la démocratie directe et la souveraineté absolue du peuple sont supérieures aux règles constitutionnelles. C’est bien là le danger. Par ailleurs, le thème de l’Europe risque d’être au cœur de la prochaine campagne électorale, avec peut être un affrontement radical entre souverainistes et pro-européens. Dans le climat actuel, il est fort difficile de savoir qui l’emportera. Le gouvernement minoritaire qui se mettra sans doute en place au cours des prochaines semaines sera composé de techniciens et d’experts de haute volée, qui rassureront les milieux financiers, européens et internationaux. Il sera chargé d’organiser les élections et peut-être également de donner une autre image de l’Europe aux Italiens. Mais rien n’est moins sûr. Toutefois, un sondage récent publié par l’un des meilleurs instituts de sondage italiens démontre que, paradoxalement, la confiance envers l’UE est remontée de manière nette en Italie ces derniers jours. 41 % des Italiens font ainsi confiance à l’UE, contre 30 % auparavant. Comme si les Italiens se rendaient compte, tout à coup, des risques qu’ils prenaient à suivre une logique de rupture avec l’UE, ce que prône de plus en plus ouvertement la Ligue, davantage d’ailleurs que le M5S.ImprimerPARTAGERcontenus associés 11/04/2018 Inclassable Mouvement 5 étoiles ? Morgan Guérin 14/03/2018 L’Italie, une exception politique en Europe ? Marc Lazar