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04/11/2016

Gestion du fait religieux : les entreprises ont-elles besoin d’un mode d’emploi ?

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Gestion du fait religieux : les entreprises ont-elles besoin d’un mode d’emploi ?
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Le fait religieux est une réalité à laquelle les entreprises sont de plus en plus confrontées. Mais cette réalité implique une gestion appropriée et suppose une bonne connaissance du cadre législatif en vigueur. L'Institut Montaigne a consacré la 5e édition des Entretiens de la cohésion sociale à cette question afin d'envisager les pistes d'action dont disposent les acteurs privés comme publics. Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité et ancien ministre, Laurence De Ré-Vannière, membre du comité direction d'Entreprise&Personnel, et Éric Manca, avocat associé, August&Debouzy répondent à nos questions.

Les entreprises savent-elles gérer le fait religieux ?

Jean-Louis Bianco : Les entreprises le savent de plus en plus parce qu’elles s’y préparent, parce qu’elles s’y forment, parce qu’on en parle. Mais il y a quand même un travail important à faire parce qu’il y a des revendications à caractère religieux qui sont plus fortes, plus nombreuses, plus médiatisées aujourd’hui qu’hier. Et la principale tâche, en tout cas pour l’Observatoire de la laïcité, c’est de former et de donner des outils concrets aux managers, aux syndicats, aux responsables d’entreprise afin qu’ils puissent gérer plus efficacement le fait religieux.

Laurence De Ré-Vannière : Trois grands groupes d’entreprises se dessinent. D’abord, il y a des entreprises qui ne se saisissent pas du sujet, soit parce qu’il ne semble pas se poser, soit parce qu’elles ne savent pas forcément comment l’appréhender. Un deuxième groupe d’entreprises cherche à l’aborder, à le traiter dans un objectif plus global de prévention des discriminations et avec le prisme des critères de non-discrimination. Enfin, un troisième groupe – qui est parfois issu du deuxième – d’entreprises s’en empare pleinement : ces entreprises en font un axe stratégique de travail et, dans ce cas-là, clarifient la ligne directrice qui est adoptée, la font connaître, la diffusent afin que le fait religieux soit géré au mieux.

Éric Manca : C’est un fait, nous avons un vrai problème de gestion du fait religieux dans les entreprises et nous nous apercevons de plus en plus que nous n’avons pas les moyens d’y faire face. Les managers se retrouvent souvent entre le marteau et l’enclume. Les salariés qu’ils seront peut-être amenés à sanctionner pour éviter les dérives sont des gens qu’ils voient au quotidien, avec lesquels ils vont prendre le café ou déjeuner.
 
Quelles sont les mesures concrètes qui pourraient permettre aux entreprises de mieux gérer ce fait religieux ?
 
Jean-Louis Bianco
: Faire connaître la jurisprudence et utiliser des exemples concrets, voilà déjà un premier moyen d’appréhender le fait religieux en entreprise. À l’Observatoire de la laïcité, nous avons publié un guide sur la gestion du fait religieux dans les entreprises privées. Ce guide a vocation à apporter des solutions aux cas concrets relevant du fait religieux dans le monde du travail. Nous souhaitons depuis plusieurs années qu’une circulaire ministérielle rappelle ce qu’il faut faire dans les cas concrets parce qu’il y a des réponses encadrées par le droit. Est-ce que telle ou telle demande d’un salarié perturbe le fonctionnement de l’atelier, du service, du magasin ? Si la réponse à cette question est positive, alors, il faut rejeter la demande. Si on peut trouver une solution compatible avec la marche de l’entreprise, alors on peut répondre positivement à cette demande.
 
Laurence De Ré-Vannière : Le premier point que nous observons c’est que tous les outils qui sont mis en place par certaines entreprises – que ce soit des éléments de repères pour aider à évaluer les situations, des documents qui visent à donner des clés de compréhension, des formations, etc. – constituent déjà une première brique incontournable. Ils sont précieux, donnent des clés, permettent de préciser les termes du débat sur la scène professionnelle, au moins aux managers. Ils ont une valeur de caution pour légitimer les décisions.
Ensuite, de mon point de vue, il n’y a pas de solution unique, il n’y a pas de solution parfaite. Une seule certitude, toutes les propositions doivent être élaborées avec tous les acteurs de toutes les disciplines (ressources humaines, management, juridique, direction, organisations syndicales), en lien avec les situations terrain,  et c’est ce qui va permettre de cheminer, d’affiner les positions.
 
Éric Manca : Il faut apprécier les demandes quotidiennes des salariés liées au religieux uniquement par rapport à l’intérêt objectif de l’entreprise. Les questions à se poser sont les suivantes : est-ce que l’entreprise peut fonctionner avec l’absence de mon salarié ? est-ce que j’ai un budget nécessaire pour financer des plats halal ou casher au réfectoire à midi ou le soir en fonction des horaires de travail ? L’intérêt objectif de l’entreprise est le seul critère valable. Il faut se débarrasser de l’impact religieux et raisonner uniquement en matière de trouble objectif à l’entreprise, de possibilités dont dispose effectivement l’entreprise et de son bon fonctionnement.

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