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04/04/2016

Expérimenter pour lutter contre la ségrégation scolaire

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Expérimenter pour lutter contre la ségrégation scolaire
 Institut Montaigne
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Le 3 février 2016 se tenait la première grande journée nationale de la mixité scolaire, l'occasion de dresser un état des lieux de la ségrégation scolaire et de revenir sur les pistes de propositions avancées par le gouvernement.

Quand la ségrégation sociale se double d’une ségrégation scolaire

70 collèges accueillent plus de 82 % de collégiens d’origine sociale défavorisée
70 collèges accueillent moins de 3 % de collégiens d’origine sociale défavorisée

En juin 2015, Son Thierry Ly et Arnaud Riegert dressaient un état des lieux inédit de la mixité à l’école. Leur étude vient pallier la méconnaissance française sur le sujet en présentant des données essentielles à la compréhension des phénomènes de ségrégation sociale (mesurée à partir de la catégorie socioprofessionnelle des parents) et de ségrégation scolaire (mesurée à partir des résultats des élèves) entre les établissements, mais également en leur sein.

Les auteurs soulignent la persistance de mécanismes de ségrégation sociale très marqués entre les établissements, qu’ils n’estiment qu’en partie liée à la ségrégation résidentielle. Ils dessinent le portrait d’une France de "l’entre-soi", scolairement bipolarisée autour de ses extrêmes sociaux.

Les auteurs mettent également en évidence un degré de ségrégation sociale très variable selon les zones géographiques. Arnaud Riegert et Son Thierry Ly indiquent ainsi que la ségrégation sociale peut être dix fois plus élevée que la moyenne nationale dans certains départements et concerne particulièrement les zones urbaines. Ce phénomène s’explique par une concurrence entre établissements accrue dans les villes : une offre scolaire élevée facilite la mise en œuvre de stratégies de contournement. À l’inverse, les zones rurales, où la densité de population est plus faible et l’offre scolaire moins développée, disposent d’établissements qui rassemblent des élèves d’origines sociales plus diverses.

La moitié de la ségrégation scolaire provient de la composition des classes

Bien que la constitution de "classes de niveau" soit interdite par la loi, l’étude identifie des mécanismes de ségrégation active au sein des établissements. La ségrégation scolaire totale est ainsi deux fois plus importante que la ségrégation scolaire entre établissements. Autrement dit, la composition des classes contribue autant à la ségrégation scolaire que la ségrégation résidentielle et la ségrégation entre établissements. Aussi, les auteurs font le constat inquiétant "[qu’]une politique volontariste de déségrégation entre les établissements peut être compensée par une reségrégation à l’intérieur de ceux-ci".

Agir pour la mixité sociale à l’école

Le gouvernement semble avoir mis cette question à son agenda politique puisque, le 2 février 2016, le ministère de l’Éducation a publié un vademecum "Agir pour une mixité sociale et scolaire dans les collèges" à l’attention des collectivités territoriales. La première grande journée nationale de la mixité scolaire, qui se déroulait le 3 février 2016, a été l’occasion de dévoiler les modalités de mise en œuvre d’une expérimentation annoncée en novembre 2015. 20 départements, 10 de droite et 10 de gauche, ont accepté de tester de nouvelles règles d’affectation dans certains de leurs collèges (une soixantaine de collèges seraient concernés). Différentes modalités seront testées puis évaluées : certains départements vont redessiner leurs secteurs afin de mélanger davantage les milieux sociaux, d’autres vont offrir aux parents la possibilité de choisir entre plusieurs collèges, d’autres collèges seront rendus plus attractif par une offre pédagogique étoffée notamment.

Face à un système scolaire qui échoue à résorber l’impact des inégalités socio-économiques et l’incidence de l’origine géographique sur les résultats scolaires, l’Institut Montaigne salue cette démarche d’expérimentation – et l’évaluation scientifique qui l’accompagne – mais plaide également pour agir dès l’école primaire. Le primaire est à la source des difficultés qui affectent le système éducatif français.Dans notre rapport, Dix ans de politiques de diversité : quel bilan ?, nous rappelions les chiffres du Haut conseil à l’Éducation  : seulement 3 % des enfants d’enseignants et 7 % des enfants de cadre redoublent leur CP, contre 25 % des enfants d’ouvriers, et 41 % des enfants d’inactifs. Les travaux menés par l’économiste James Heckman, prix Nobel d'Économie en 2000, ont prouvé que toute ambition pour l’égalité des chances impose d’agir le plus tôt possible : 1€ consacré à un très jeune enfant permet d’économiser jusqu’à 8€ plus tard, dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la sécurité, de la justice ou des services sociaux.

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