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06/06/2019

Européennes : 3 nouveautés négligées

Entretien avec Olivier Duhamel

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Européennes : 3 nouveautés négligées
 Olivier Duhamel
Ancien Président de la FNSP (Sciences Po)

Les élections européennes de 2019 ont certes leur spécificité qui expliquent en partie les résultats : importance quantitative de l’offre (34 listes), premières élections depuis la séquence de mai-juin 2017, mode de scrutin proportionnel sur liste nationale. Plusieurs faits marquants et inédits n’ont cependant pas été suffisamment soulignés. Entretien avec Olivier Duhamel, président de la FNSP (SciencesPo) et contributeur sur les questions politiques et institutionnelles à l'Institut Montaigne.

Le surcroît de participation s’observe presque partout en Europe. Qu’a-t-il de particulier en France ?

Un point essentiel : pour la première fois dans l’histoire électorale des quarante dernières années, depuis donc que le Parlement européen est élu au suffrage universel direct, la participation aux élections européennes a été, en France, supérieure à la participation aux dernières élections législatives nationales : 50,1 % aux européennes du 26 mai 2019, contre 48,7 % au premier tour des législatives de juin 2017 et 42,6 % au second tour. Les Français ont plus voté pour l’élection du Parlement européen que pour celle de l’Assemblée nationale, signe certes d’un désintérêt pour cette dernière dans la foulée de la présidentielle, mais signe aussi d’un surcroît d’intérêt pour les Européennes, contrairement au discours dominant.

Les résultats ont surpris du fait de deux effondrements imprévus, celui des Républicains à 8,5 %  et celui de la France insoumise à 6,3 %, et un succès, certes pas inédit, mais lui aussi imprévu : la percée des écologistes, au-delà de 13 %. Quant au parti du président, il résiste à 22 %. Est-ce un succès pour lui ?

Distinguons.

  1. Par rapport à l’objectif fixé par Emmanuel Macron lui-même, il s’agit d’un échec, puisqu’avec 22,4 % des suffrages exprimés, il est dépassé de 0,9 % par le Rassemblement national.
     
  2. Si nous prenons en compte maintenant le fait structurel selon lequel aux élections européennes suivant une élection présidentielle, le parti du Président fait toujours moins bien que ledit Président au premier tour de la présidentielle, il s’agit d’un succès. La perte moyenne de 1979 à 2014 s’élève à 6,5 points (de – 3 en 2004 et 2009 à – 14 en 2014). En 2019, elle est réduite à – 0,9 point. Macron fait mieux que ses prédécesseurs.
     
  3. Raisonnons enfin en termes stratégiques. L’installation du duopole voulu par Emmanuel Macron, substituant au clivage droite-gauche une opposition entre progressistes et nationalistes est réussie – et, sans l’assurer, facilitera, si elle perdure, sa réélection.

Ce changement de clivage dominant et le duopole LREM/RN est-il durable ?

 
Tout dépend de ce que l’on entend par durable. Dans les mois qui viennent, à n’en point douter. Pendant les trois ans qui nous séparent de la présidentielle, cela est possible, plausible, mais pas absolument certain. Les municipales de 2020, les régionales et départementales de 2021 pourraient connaître un rebond d’une droite de gouvernement rénovée et, pour la gauche, idéalement, d’une nouvelle alliance entre sociaux-démocrates et écologistes avec marginalisation de la France insoumise.
 
Quoi qu’il en soit, et il s’agit de la seconde grande nouveauté des élections européennes de 2019 en France, pour la première fois dans notre histoire, les trois forces politiques arrivées en tête récusent le clivage droite-gauche. Marine Le Pen le refuse, à la différence de sa nièce Marion Maréchal, sortie du bois le 2 juin sur LCI et s’affirmant clairement de droite. Yannick Jadot le refuse, à la différence des Verts naguère. Et Emmanuel Macron s’est construit sur ce refus, même si les électeurs – et pour part sa politique – le déportent à droite. Et si vous ajoutez aux 59 % recueillis par ces trois forces les résultats d’autres partis ne s’inscrivant pas dans le clivage droite/gauche, tels la France insoumise (6,3 %) ou le parti animaliste (2,2 %), vous constatez que plus des deux tiers des votants n’ont voté ni à droite, ni à gauche tandis que les deux partis qui nous ont gouverné depuis 1958, le gaulliste et le socialiste, n’atteignent pas, à eux deux, 15 % – faits absolument sans précédent.
 
Conclusion : il s’agit d’un bouleversement qui accentue considérablement celui intervenu lors de la présidentielle de 2017, même si les particularités des européennes y ont contribué.

 

Copyright : ERIC CABANIS / AFP

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