AccueilExpressions par MontaigneÉlections européennes : de quoi parle-t-on ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.11/03/2024Élections européennes : de quoi parle-t-on ? Union EuropéenneImprimerPARTAGERAuteur Georgina Wright Directrice adjointe des Études internationales, Experte résidente Auteur Lola Carbonell Chargée de projets - Europe 360 millions. C’est le nombre d'Européens qui seront appelés aux urnes à l’occasion des prochaines élections européennes du 6 au 9 juin prochain. Unique institution européenne élue au suffrage universel direct, le Parlement européen est la chambre d’écho de l’évolution des sensibilités politiques au sein de l’UE. Mais dans quelle mesure les 720 eurodéputés élus au terme de ces élections pourront-ils peser sur la conception des politiques européennes des cinq années à venir ? Quels sont les enjeux du scrutin qui s’annonce ?Quel est le rôle du parlement européen ?Chaque institution de l’Union européenne joue un rôle spécifique dans la définition du projet européen.Le Parlement européen a vocation à représenter les citoyens de l’UE. Il est composé de 720 eurodéputés élus au suffrage universel pour une durée de cinq ans. Avec le Conseil de l’Union européenne, il est chargé de négocier, amender et adopter les actes législatifs proposés par la Commission européenne - un parcours législatif comparable à la navette législative française.Le Conseil de l’Union européenne représente les intérêts des 27 États membres de l’UE. Composé des ministres et des diplomates des pays membres, il est chargé de négocier, amender et adopter les textes proposés par la Commission européenne.La Commission européenne représente quant à elle l'intérêt de l’Union prise comme un tout. Organe exécutif de l’Union et gardienne des traités, elle est souvent comparée à un "gouvernement européen". Elle propose des projets de textes qui sont ensuite négociés et adoptés par le Parlement et le Conseil, une fois un accord trouvé entre eux. Elle s’assure également de leur bonne mise en œuvre.Les pouvoirs législatifs du ParlementAvec le Conseil de l’Union européenne, le Parlement joue un rôle clé dans l’adoption des textes législatifs de l’UE dans le cadre de la procédure législative ordinaire, aussi qualifiée de "co-décision". C’est la principale procédure de prise de décision de l’UE. Un texte ne peut entrer en vigueur sans que toutes les institutions ne parviennent à adopter une position commune sur le texte proposé.Cette procédure concerne 70 % des domaines de compétence de l'UE, ce qui représente près de 85 domaines d'action, du transport à l’agriculture en passant par la sécurité énergétique et la santé publique. En matière de fiscalité, de politique étrangère et de sécurité commune, son rôle reste soit consultatif, ou consiste en un pouvoir de contrôle.Le Parlement examine et amende les textes proposés par la Commission européenneAu Parlement européen, la négociation sur les textes se joue à deux niveaux : du travail en commission parlementaire à la séance plénière.La première phase d’examen, particulièrement stratégique, s’ouvre à l’échelle de ces commissions parlementaires. Les eurodéputés y préparent le travail de la séance plénière en examinant et proposant des amendements aux textes proposés par la Commission. Un premier projet de rapport y est voté et devra faire l’objet d’un second vote en plénière.Président de commission et rapporteurs jouent des rôles clés : le premier en organisant le travail d’examen des textes, le second avec la charge de préparer un premier rapport sur la proposition de la Commission.S’ouvre ensuite une seconde phase décisive, celle du vote en plénière. Du petit groupe de travail en commission, on passe à l’assemblée des députés dans son entièreté. Les amendements de la commission compétente sont votés - approuvés ou rejetés - et de nouvelles modifications sur le texte peuvent également être adoptées. Chaque groupe politique prépare en amont cette plénière pour déterminer une position commune sur les textes qui seront votés.De la navette parlementaire au trilogue : le Parlement négocie avec le Conseil de l’Union européennePour qu’un texte soit adopté, il faut que le Conseil et le Parlement se mettent d’accord. Trois scénarios peuvent alors se produire :Les deux institutions s’accordent sur une position commune en première lecture. Le texte peut alors entrer en vigueur.Si le Conseil de l’Union rejette les amendements proposés par le Parlement, ce dernier dispose d’un délai de trois mois pour se prononcer en deuxième lecture.Si aucune position commune ne peut être dégagée à l’issue de la deuxième lecture, une phase de négociation s’ouvre alors : le trilogue (TFUE Art 294).Un trilogue consiste en une négociation informelle entre représentants du Parlement européen, de l’État membre qui a la présidence du Conseil de l’Union européenne et de la Commission qui agit en tant que médiateur. Cette phase de conciliation vise à dégager un accord provisoire sur le texte. Si un accord parvient à émerger de ces négociations, il doit ensuite être approuvé par chacune des deux institutions.Cette phase de négociation révèle à nouveau le rôle clé de la commission parlementaire et du travail qui s’y joue. L’équipe de négociateurs dépêchée dans ces réunions tripartites est composée du Président ou du Vice-président de la commission du Parlement européen compétente au fond, du rapporteur sur le texte concerné, ainsi que des rapporteurs fictifs des groupes souhaitant y prendre part.Il existe au total vingt commissions permanentes (Contrôle budgétaire, Développement régional, Agriculture et développement rural, Pêche, Libertés civiles, Justice et affaires intérieures, Affaires étrangères, Droits de l'homme..). Le Parlement dispose d’un droit d’initiative législativeLe Parlement européen peut demander expressément à la Commission européenne de travailler sur un texte législatif et de lui soumettre une proposition.Le Parlement dispose d’un pouvoir de consultation et d’approbationAu-delà de la procédure législative ordinaire - qui confère au Parlement et au Conseil un poids égal en tant que co-législateurs - le Parlement européen peut également être impliqué dans le cadre de procédures spéciales. S’il conserve des prérogatives, son rôle est moindre par rapport à celui du Conseil qui devient alors l’unique législateur.Quels sont les domaines concernés ? Et comment le Parlement peut-il agir dans ces cas de figure-là ? On distingue deux procédures selon les politiques concernées :La procédure d’approbation. Le Parlement n’est plus co-législateur avec le Conseil mais garde néanmoins un droit de veto. C’est le cas pour la ratification d'accords internationaux notamment.La procédure de consultation. Si le Conseil à obligation à prendre en compte l’opinion du Parlement, sa position n’est pas contrainte par celle-ci. Ce type de procédure intervient notamment en matière de droit de la concurrence, sur certaines questions financières, administratives ou en matière de propriété intellectuelle.Les pouvoirs budgétaires du ParlementAvec le Conseil de l’Union européenne, le Parlement vote l’ensemble du budget annuel proposé par la Commission européenne. Il s’assure de la conformité de ce budget au cadre financier pluriannuel de l'Union, négocié tous les sept ans, et auquel il participe également.Il contrôle également l'exécution de ce budget par la Commission européenne, et dispose d’une commission dédiée en la matière (commission du contrôle budgétaire).Les pouvoirs de contrôle de l'exécutif du ParlementLe Parlement investit la Commission européenneC’est le Conseil européen (c’est-à-dire l’instance qui réunit les chefs d’État et de gouvernement) qui nomme le président de la Commission européenne, et le Conseil de l’Union européenne qui propose une composition d’ensemble de cet organe exécutif. En théorie, la constitution de la Commission européenne doit refléter l’équilibre politique issu des élections du Parlement, mais ce n’est pas toujours le cas dans la pratique. Proposé par les chefs d’États de l’UE, le candidat à la Présidence de la Commission européenne ne peut être investi qu’à condition d’être élu à la majorité au Parlement.Après son président, c’est le collège des commissaires dans son ensemble qui doit obtenir une majorité au Parlement. Cette liste de candidats est élaborée conjointement entre le Conseil de l’Union et le Président de la Commission tout juste approuvé par les eurodéputés. Le collège des commissaires est constitué d’un représentant par État-membre - soit 27 au total. Au préalable, chacun des candidats aura à se soumettre à une audition au Parlement.Si le candidat à la Présidence de la Commission n’obtient pas de majorité au Parlement, les chefs d’État doivent lui soumettre une autre proposition. Le même scénario se produit si le Parlement rejette le collège des commissaires dans son ensemble.Non seulement le Parlement élit la Commission européenne, mais il a également des marges de manœuvres pour le destituer. Pour être adoptée, une motion de censure doit réunir deux tiers de suffrages exprimés à la majorité des membres composant l’Assemblée.D’autres instruments de contrôlesLe Parlement a également la possibilité de contrôler l'exécutif européen en :En adressant des questions écrites ou orales au Conseil et à la CommissionÀ la demande d’un quart des eurodéputés, il a la capacité de constituer des commissions d’enquêtes temporaires (pour infraction ou mauvaise application du droit de l'Union.)Le Parlement peut aussi présenter des recours devant la Cour de justice de l'UE (CJUE).Depuis quand élit-on un Parlement européen ?C’est en 1979 que le suffrage universel direct est introduit pour l'élection des députés au Parlement européen.Avant cette date, il n’y avait pas à proprement parler de députés européens. Jusqu’en 1962, le Parlement existe sous la forme d’une "Assemblée commune" : des députés nationaux y sont dépêchés en tant que porte-parole de leur parlement d’origine. En 1958, date à laquelle cette Assemblée commune voit le jour avec la CECA (Communauté Économique du Charbon et de l'Acier), ils sont alors 78 à y siéger dans le cadre d’un double mandat. Simone Veil en sera d’ailleurs la toute première présidente.Si le rôle du Parlement est essentiellement consultatif à l’origine, ses prérogatives sont progressivement renforcées par la suite : une première fois en 1997, avec le traité d’Amsterdam qui lui octroie un début de pouvoir législatif et des capacités de contrôle sur la Commission européenne ; puis en 2007 avec le traité de Lisbonne qui vient consacrer d’importants pouvoirs sur les plans législatif, budgétaire, ainsi que des capacités de contrôle renforcées sur la Commission européenne.Qui siège au Parlement européen ?Une composition qui évolue avec le temps Le nombre et la répartition des députés siégeant au Parlement est calculé en fonction de la taille de la population de chaque État-membre. Le nombre de députés a également évolué au gré des vagues d’élargissements successifs, ainsi qu’à la suite du Brexit : des 73 sièges britanniques, 27 sont redistribués. La France en récupère cinq. Les 54 sièges vacants sont conservés en vue d'éventuels élargissements à venir.Si les 720 eurodéputés se présentent sur des listes nationales, ils se constituent ensuite en différents groupes européens un fois élus au Parlement. Moins connus que nos partis nationaux, ils sont néanmoins stratégiques dans l’équilibre politique de cette chambre. Il en existe sept en tout :Le Parti populaire européen (PPE). C’est le groupe majoritaire au Parlement à ce jour, groupe auquel Les Républicains sont affiliés.L’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D). Deuxième groupe auquel le PS / Place publique est rattaché.Renew Europe (RE) - auquel Renaissance est affilié.Les Conservateurs et réformistes européens (CRE) - groupe que Reconquête a déclaré entendre rejoindre au terme du scrutin de juin.Les Verts / Alliance libre européenne (Greens/EFA) - groupe d’affiliation d’Europe écologie les Verts.La gauche (The Left), auquel se rattache LFI.Identité et démocratie (ID), auquel se rattache le Rassemblement national.Enfin, plusieurs députés siègent également comme non-inscrits. (C’était le cas du parti hongrois Fidesz de Viktor Orbán).Pour se constituer en tant que groupe, 25 eurodéputés minimum sont requis. Ils doivent provenir d’au moins un quart des États-membres, soit 7 actuellement.Combien d’eurodéputés français seront élus ? 81 eurodéputés seront élus pour la France à l’occasion du prochain scrutin. Ils étaient 79 au cours de la législature passée. Après l'Allemagne, la France est le deuxième État le plus représenté au sein de l'hémicycle.Lors de la mandature passée, Renew (dont fait partie Renaissance, le parti du Président Macron) était le groupe auquel le plus grand nombre d’eurodéputés français étaient affiliés (soit 23 en tout). Stéphane Séjourné, actuel Ministre des Affaires étrangères, présidait le groupe Renew jusqu’à sa nomination en janvier dernier. C’est aujourd’hui l’eurodéputée française Valérie Hayer, tête de liste pour la majorité, qui occupe ce poste.Arrivait ensuite le groupe Identité et démocratie (avec 18 eurodéputés affiliés au RN), puis les Verts (avec 12 eurodéputés Europe écologie les verts).Pourquoi appartenir à un groupe politique est-il stratégique ? Appartenir à un groupe politique est nécessaire pour peser dans la balance politique du Parlement européen, exercer une influence et jouer sur l’issue du vote des nouveaux textes législatifs. Coordonner les voix est essentiel pour disposer d'une force numérique susceptible de dégager des majorités.C’est aussi clé pour obtenir des postes stratégiques. À l’échelle du bureau du Parlement d’abord, pour les présidences, vice-présidences, et postes de questeurs. Mais aussi au niveau des commissions qui constituent le cœur du travail législatif qui s’y déroule, en tant que coordinateur de commission, rapporteur ou rapporteur fictif.Un coordonnateur agit comme porte-parole de son groupe au sein de la commission. Un rapporteur a quant à lui pour mission de rédiger le rapport sur la proposition soumise par la Commission européenne. Chaque groupe politique peut aussi désigner un rapporteur fictif qui représente la position de son groupe sur un texte.Quelles sont les dates à retenir ?22 au 25 avril : dernière session plénière du Parlement européen de la législature actuelle.6 juin : lancement des élections européennes avec le scrutin aux Pays-Bas.9 juin : élections européennes en France.Juin - mi-juillet : constitution des groupes politiques au sein du Parlement européen suite aux élections.16 au 19 juillet : première séance plénière de la nouvelle législature au Parlement.Fin juillet : nomination du président de la Commission européenne.Septembre/octobre : auditions des nouveaux commissaires, suivi du vote pour la constitution d’une nouvelle Commission européenne.Octobre : vote du budget annuel de l’Union européenne. Les auteures remercient Enora Morin, assistante de recherche au sein du programme Europe de l'Institut Montaigne.Copyright : FREDERICK FLORIN / AFPImprimerPARTAGERcontenus associés à la uneMars 2024Élections européennes 2024427 millions d’électeurs seront appelés aux urnes pour les 10e élections européennes qui se tiennent du 6 au 9 juin 2024. L’Institut Montaigne contribue au débat à travers son opération spéciale, mêlant analyses d’opinions, décryptages et scénarios.Consultez l'Opération spéciale 11/03/2024 [Sondage] - Élections européennes : à trois mois du scrutin, tout n’est pas... Blanche Leridon Lisa Thomas-Darbois Georgina Wright