Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
25/07/2018

Efficacité énergétique : l’UE se dote d’une nouvelle ambition

Efficacité énergétique : l’UE se dote d’une nouvelle ambition
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne

Le 19 juin dernier, la Commission, le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un accord en trilogue fixant un objectif d’efficacité énergétique non contraignant de 32,5 % en 2030. Benjamin Fremaux, Senior Fellow énergie et climat, et Manon Guyot, chargée d’études à l'Institut Montaigne livrent leur analyse et font le lien avec la politique française et le plan de 14 milliards d’euros sur cinq ans pour la rénovation énergétique des bâtiments annoncé en avril dernier par Nicolas Hulot. 

L’Union européenne s’est dotée d’un objectif ambitieux : le Parlement, le Conseil et la Commission sont parvenus à un accord pour porter l’objectif d’efficacité énergétique, exprimée en consommation d’énergie primaire et/ou finale, à 32,5 % en 2030. Cet accord est assorti d’une clause de révision en 2023. Bien que cet objectif soit plus important que les 27 % portés par le Conseil européen en 2014, il est inférieur à celui de 35 % initialement soutenu par le Parlement, et est non-contraignant. 

Cette directive met notamment en évidence l’importance de l’efficacité énergétique de l’habitat pour permettre cette transition. Les bâtiments représentent près de 45 % de notre consommation énergétique en France, et près de 40 % en Europe. Ils sont également les principaux émetteurs de CO2 (27 % en France et 36 % en Europe). Le taux de renouvellement du parc immobilier en France et en Europe est très faible, ce qui explique que les efforts d’amélioration de la performance énergétique doivent se concentrer sur la rénovation. Selon l’analyse d’impact réalisée par la Commission, un taux moyen annuel de rénovation de 3 % serait nécessaire pour concrétiser, de façon rentable, les ambitions de l’Union en matière d’efficacité énergétique. Il est d’environ 1 % aujourd’hui en moyenne au sein de l’UE.

"Bien que ces mesures soient encourageantes, il sera nécessaire de fournir des moyens plus conséquents et de s’assurer du bon calibrage des dispositifs existants pour qu’ils soient les plus incitatifs et efficaces possibles. "

La France s’inscrit dans la même vision : la rénovation énergétique des bâtiments est l’un des outils qui doit permettre d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Nicolas Hulot a annoncé en avril dernier un plan de 14 milliards d’euros sur cinq ans pour la rénovation énergétique des bâtiments, et vise la rénovation de 500 000 logements par an. Parmi les 500 000, un objectif annuel de 150 000 cible spécifiquement les propriétaires modestes occupant une passoire thermique, conformément à la directive européenne qui souligne l’importance de lutter en priorité contre la précarité énergétique. Cependant, on peut craindre le fait que cette somme annoncée n’est pas encore budgétée.

Le plan de Nicolas Hulot vise d’une part à rénover les bâtiments privés en allouant 1,2 milliards d’euros à l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour aider les ménages les plus modestes, et 3 milliards aux bailleurs sociaux. Les certificats d’économie d’énergie (CEE) viendront compléter ce plan de rénovation à hauteur de 5 milliards d’euros. Le gouvernement s’est également engagé à transformer le CITE (crédit d'impôt pour la transition énergétique) en prime d’ici 2019, mais ne prévoit que 5 milliards d’euros sur cinq ans alors qu’il atteignait 1,7 milliards d’euros pour la seule année de 2017. Bien que ces mesures soient encourageantes, il sera nécessaire de fournir des moyens plus conséquents et de s’assurer du bon calibrage des dispositifs existants pour qu’ils soient les plus incitatifs et efficaces possibles. 

D’autre part, l’Etat souhaite montrer l’exemple en attribuant 4,8 milliards d’euros à la rénovation des bâtiments publics appartenant à l’Etat et aux collectivités locales. Si l’on considère que le parc tertiaire public représente près de 380 millions de m2, soit 37 % du parc tertiaire national, on peut douter que cela suffise.

"Bien qu’insuffisant, ce plan démontre néanmoins la volonté du gouvernement de porter cette ambition européenne et de respecter ses engagements de l’Accord de Paris"

Une étude réalisée par Coda Stratégies en 2016 présente le retour d'expérience des collectivités locales sur leur stratégie d'économie d'énergie de leur parc immobilier. Elle explique qu’aujourd’hui, les collectivités ont conscience des enjeux portés par la transition énergétique, mais que 60 % d’entre elles sont attentistes voire non engagées dans cette stratégie. Le niveau des investissements à consentir est la raison principale évoquée par les communes pour expliquer leur faible engagement. Cependant, le manque de financement n’est pas le seul obstacle, il y a également des défis techniques, politiques, et organisationnels qui freinent cette transition. Parmi ces enjeux, on compte le manque de volonté des politiques qui préfèrent réaliser des travaux qui ont une visibilité plus directe pour les administrés et privilégient les actions nécessaires à la continuité du service plutôt qu’à la réalisation d’économies sur le fonctionnement des services techniques, et un manque de compétences techniques.

Il est clair que les mesures prises par le gouvernement ne sont pas suffisantes. Une piste à explorer pourrait être la mutualisation des ressources et des actions pour permettre aux collectivités de petite taille d’accéder aux services et compétences nécessaires, ou encore l’amélioration de la communication envers les administrés afin de les sensibiliser à ces sujets. L’enveloppe de 3 milliards d’euros dont disposeront les collectivités territoriales ne suffira pas à la rénovation des 280 millions de m2 qu’elles détiennent. 

Bien qu’insuffisant, ce plan démontre néanmoins la volonté du gouvernement de porter cette ambition européenne et de respecter ses engagements de l’Accord de Paris. S’il est correctement mis en place, il permettra non seulement d’avancer vers la neutralité carbone de notre économie, mais aussi de développer l’activité dans le secteur du bâtiment, notamment en renforçant l’emploi local qualifié et non délocalisable. 

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne