AccueilExpressions par MontaigneCrise financière : face à la spéculation, l’Europe doit s’organiserL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.13/07/2011Crise financière : face à la spéculation, l’Europe doit s’organiserImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Dans une interview publiée hier dans La Tribune, Edouard Tétreau*, auteur pour l’Institut Montaigne de plusieurs travaux sur la crise financière*, pointe du doigt l’importance de la spéculation dans la déstabilisation de certains pays de la zone euro. En droite ligne avec les propositions de l’Institut Montaigne, il en appelle à une réaction vigoureuse de l’Europe, et en particulier de la France et de l’Allemagne, afin d’y mettre un terme."Une bande organisée de spéculateurs cherche à faire tomber les pays de la zone euro" Edouard Tétreau, associé-gérant de Mediafin, conseil en stratégie, professeur à HEC, estime que le moment est venu de mettre les spéculateurs hors d'état de nuire. Les écarts de taux entre l'Allemagne et l'Italie sont à des niveaux historiques. Pourquoi les marchés financiers s'attaquent-ils à ce pays ? D'abord, ce ne sont pas "les marchés financiers", mais une bande organisée de spéculateurs, mobiles, bien armés et à ce jour anonymes, qui cherchent à faire tomber les pays de la zone euro les uns après les autres. Grâce aux efforts de la BCE et de l'Eurogroupe, cette bande a, à ce jour, raté son coup. Elle a même perdu de l'argent sur la Grèce qui n'a pas fait défaut, contrairement à ce que certaines agences de ratings, étonnamment complices, voudraient nous faire croire. Aujourd'hui, cette bande s'attaque à l'Italie, l'Espagne. Demain, ce sera au tour de la France. Le moment est venu de mettre ces spéculateurs hors d'état de nuire.N'est-il pas un peu facile de désigner toujours les spéculateurs ? Ce qui est facile, c'est de ne pas nommer les choses et de laisser faire. A l'heure actuelle, certains fonds d'investissements et établissements bancaires, américains, britanniques mais aussi européens - c'est un comble - ont un intérêt financier à mettre des pays européens en faillite. Ils le font en achetant des CDS sur les dettes européennes, en vendant des titres à découvert, en alimentant le marché de rumeurs, qui font les choux gras et les gros titres d'une certaine presse financière. La première mesure des autorités de marché et des dirigeants politiques doit être, au nom de la transparence des marchés, de forcer l'identification de ces spéculateurs. Quels fonds ont intérêt à faire tomber l'Europe ? Quels établissements arment ces fonds avec des prêts, ou des titres - parfois à leur insu ? Après avoir rendu public ce listing, il faut -vite- se donner les moyens de blacklister ces institutions. Au nom de quel masochisme devrait-on continuer de les laisser opérer sur le marché européen ? Nous sommes actuellement dans une guerre financière qui ne dit pas son nom. Elle réclame des mesures à la hauteur des enjeux. En résumé : une institution prise en flagrant délit d'attaque sur les dettes souveraines européennes doit se voir interdire l'accès aux marchés européens. Ni plus, ni moins. Dans cette guerre, je suis pour le moins perplexe face à la myopie des marchés financiers, qui tirent quotidiennement sur la zone euro, oubliant que deux États souverains ont des finances publiques au moins aussi délabrées que la Grèce : la Grande-Bretagne (un déficit correspondant à 9% du PIB) et les États-Unis, qui pourraient faire défaut dans quinze jours sur leur dette, et qui ne savent pas s'ils vont faire 1.500 ou 1.700 milliards de dollars de déficits en 2011. La timidité des agences américaines de notation sur le sujet est aussi curieuse que leurs triple A sur les subprimes de 2008...Qu'attendent les responsables politiques européens pour réagir ? Je ne sais pas. C'est maintenant que ça se passe. Cet automne, il sera trop tard. Trois actions doivent être entreprises :Dans les prochains jours, le listing et le "blacklisting" des institutions spéculant contre la zone euro.Une initiative franco-allemande sur les marchés, par exemple un achat massif de dettes souveraines espagnoles et italiennes. Nos amis allemands le savent : si ces pays font défaut, leurs banques sautent. La solidarité européenne est aussi une bonne politique nationale.Avant le 2 août prochain, date à laquelle les États-Unis auront atteint leur plafond de dette autorisé par la loi, nomination d'un ministre européen des finances ayant pour mission première la mutualisation des dettes nationales européennes. C'est l'heure de vérité de l'Europe : soit chacun se replie sur son pré carré national, et tout le monde est perdant ; soit nous sortons de la crise par le haut, avec une union fédérale budgétaire et fiscale, et donc politique.Tout cela nécessite du temps ? S'il a fallu quelques heures pour décider une opération militaire en Lybie, on peut se donner quelques jours pour endiguer la spéculation, et quelques semaines pour unir les forces des Trésors allemand, français, italien, espagnol. Après, nous aurons le temps de passer aux choses sérieuses : la remise en ordre de nos finances publiques, à commencer par la France ; la responsabilisation de l'Allemagne face à son engagement européen, notamment en termes de défense ; et la constitution des États-Unis d'Europe.Propos recueillis par Robert JulesRéférences : (*) Expert associé à l'Institut Montaigne, Édouard Tétreau a participé à deux de ses travaux sur la crise financière. Il est co-auteur des notes Reconstruire la finance pour relancer l’économie (mars 2009) et Entre G2 et G20, l'Europe face à la crise financière (septembre 2009). Fondateur du site Etatsunisdeurope.com et auteur de "Quand le dollar nous tue" (Editions Grasset)En savoir plus : - "Quand le dollar nous tue" d’Edouard Tétreau - Reconstruire la finance pour relancer l’économie (2009) - Entre G2 et G20, l'Europe face à la crise financière (Note, 2009) - Pour un Eurobond - Une stratégie coordonnée pour sortir de la crise (Étude de Frédéric Bonnevay, 2010) ImprimerPARTAGER