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14/06/2022

Boris Johnson survit à la rébellion des Tories

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Boris Johnson survit à la rébellion des Tories
 Georgina Wright
Auteur
Directrice adjointe des Études internationales, Experte résidente

Boris Johnson restera chef du parti conservateur et Premier ministre britannique après avoir échappé de justesse à un vote de défiance de son parti, le dimanche 5 juin. Il doit maintenant tenir ses engagements s'il veut rester à la tête du parti conservateur britannique lors des prochaines élections, explique Georgina Wright.

Le dimanche 5 juin, Boris Johnson a échappé de justesse à un vote de défiance grâce au soutien de 211 députés conservateurs. S’il avait perdu, Johnson aurait dû renoncer à la direction de son parti. Après une course à la succession, le vainqueur serait devenu le nouveau dirigeant du parti et Premier ministre au moins jusqu’aux prochaines élections en 2025.

Le danger est écarté, du moins pour l'instant. Selon les règles en vigueur, les députés conservateurs ne seront pas en mesure de tenir un nouveau vote de défiance pendant au moins un an. Ses partisans ont toutefois des raisons d'être nerveux. 41 % des députés Tories ne font plus confiance à Johnson et le parti semble plus divisé que jamais. Margaret Thatcher et Theresa May, elles aussi soumises à la défiance, avaient obtenu de meilleurs résultats mais les divisions au sein du parti étaient tellement profondes qu’elles ont quand même préféré quitter le pouvoir respectivement quelques jours et quelques mois après leur victoire.

Il est encore trop tôt pour parler d'une chute inévitable. Le Premier ministre est coriace et il faudra plus qu'un vote de défiance pour l'ébranler. Mais il devra rapidement tenir ses engagements s'il compte recueillir le soutien de ses députés et conduire le parti aux prochaines élections, qui auront lieu en 2025 au plus tard.

Boris Johnson, affaibli par une série de scandales

Le mandat de Boris Johnson a été ébranlé par un cycle ininterrompu de scandales. Alors que le pays entier était confiné, ses collaborateurs ont organisé sous ses yeux plusieurs fêtes illégales au 10 Downing Street, où siègent les services du Premier ministre. Pire encore, des photos le montrent présent à au moins deux de ces fêtes.

Johnson a la côte de popularité la plus faible au sein du gouvernement. 

Plusieurs démissions retentissantes ont également affaibli le Premier ministre : celles de Dominic Cummings, son ancien conseiller spécial (aujourd'hui un critique féroce de Johnson), et de son principal négociateur pour le Brexit, David Frost. L’un et l’autre ont critiqué la direction prise par le gouvernement Johnson et son style de leadership.

Selon un sondage publié par Conservative Home, un site d’analyses conservateur, Johnson a la côte de popularité la plus faible au sein du gouvernement. Le vote de défiance semblait, dans ce contexte, inévitable.

Boris Johnson pourrait se maintenir au pouvoir plus longtemps que prévu

Dans les faits, il n'est pas aisé de démettre un Premier ministre britannique de ses fonctions. Boris Johnson pourrait évidemment choisir de démissionner comme l'a fait Theresa May le 24 mai 2019 - mais il est clair qu’il n'a pas la moindre intention de le faire, quel que soit son niveau d’impopularité. Le parti travailliste, dans l’opposition, pourrait tenter de déposer une motion de censure à l’encontre du gouvernement. Cependant, il est peu probable qu'ils obtiennent le nombre de voix nécessaires vu la majorité de 80 sièges que détient le gouvernement à la Chambre des communes.

Les députés Tories pourraient prévoir un autre vote de confiance à l'égard du Premier ministre, mais il leur faudrait attendre. Le règlement du Comité 1922, le groupe parlementaire du Parti conservateur à la Chambre des communes, stipule qu'un chef des Tories ne peut être contesté pendant au moins 12 mois après avoir remporté un vote de défiance (bien que le Comité 1922 puisse modifier ce règlement s'il le souhaite). Johnson bénéficie donc d’un court sursis d’un an pour convaincre ses opposants.

Le Premier ministre envisage un remaniement du gouvernement afin de récompenser ses partisans et gagner ceux dont la position reste ambiguë.

Certains rapports indiquent déjà que le Premier ministre envisage un remaniement du gouvernement afin de récompenser ses partisans et gagner ceux dont la position reste ambiguë.

Une pression forte pour que le Premier ministre tienne ses engagements

Comme je l'écrivais dans un article paru en mai dernier, le plus grand défi pour Johnson consiste à tenir ses promesses de campagne. Jusqu'à présent, son bilan est mitigé.  On peut le féliciter pour la réponse britannique face à la guerre en Ukraine. Le Royaume-Uni a également été un des premiers pays en Europe à vacciner sa population contre la Covid-19. Cependant, le Brexit est loin d'être terminé et les relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne risquent de s’aggraver. Lundi 13 juin le gouvernement britannique a présenté un projet de loi modifiant de façon unilatérale des éléments du protocole nord-irlandais, conclu avec l’UE dans le cadre du Brexit. Il doit fixer des priorités et des objectifs clairs pour réduire les inégalités régionales et prendre des mesures pour résoudre la crise du pouvoir d’achat qui s’accentue dans le pays. Il doit également s'assurer que les hauts responsables de son cabinet soient tenus de rendre des comptes sur les fêtes illégales qui ont eu lieu lors des confinements.

Boris Johnson est, dans une certaine mesure, conforté, mais il avance en terrain glissant. Ses députés lui ont accordé une seconde chance, mais il est très probable que beaucoup d'entre eux se projettent d’ores et déjà dans "l’après Johnson". Il aura besoin de leur soutien - et de leurs votes - s'il veut faire passer des lois au Parlement britannique. Mais le plus important sûrement, c’est qu’il lui faut regagner la confiance de l'électorat britannique. Les Britanniques en ont assez des promesses ; ils veulent voir des résultats. Deux élections partielles se tiendront le 23 juin pour remplacer Neil Parish et Imram Khan, deux députés Tories disgraciés. Le parti travailliste se mobilise déjà pour tenter de séduire les électeurs des deux circonscriptions. Avec la fin des célébrations du jubilé, la pression monte.

 

Copyright : Leon Neal / POOL / AFP

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