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15/06/2016

Baccalauréat : brisons les tabous ! Trois questions à Laurent Bigorgne

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Baccalauréat : brisons les tabous ! Trois questions à Laurent Bigorgne
 Institut Montaigne
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Les épreuves du baccalauréat débutent cette semaine pour près de 700 000 élèves, Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne, en décrypte les principaux enjeux.

Le baccalauréat est-il un passage obligé pour l’accès à l’enseignement supérieur et à l’insertion professionnelle ?

Les Français sont très attachés à cette institution née en 1808, qui a accompagné la naissance de la Troisième République à la fin du XIXème siècle et qui demeure, pour beaucoup, l’incarnation de l’école républicaine. L’attribution d’une distinction identique à tous les jeunes français, sur l’ensemble du territoire national, s’apparente à bien des égards à un rite de passage.

Néanmoins, je demeure convaincu que l’attachement à cet examen relève d’un passé glorifié qui n’a jamais existé. Il faut considérer ce dispositif non comme un trésor national mais comme un sujet d’interrogation. Comment expliquer que l’augmentation du nombre de bacheliers, année après année, soit concomitante d’une dégradation continue de nos résultats dans les enquêtes PISA de l’OCDE (qui mesurent les compétences des élèves à 15 ans) ?

Par ailleurs, les défenseurs du baccalauréat ont toujours en tête la série générale et jamais le baccalauréat technologique et professionnel. Alors qu’il concerne désormais près d’un bachelier sur trois, le baccalauréat professionnel souffre toujours d'une mauvaise image. Si la réforme du baccalauréat professionnel – désormais obtenu en trois ans au lieu de quatre –, a permis d’accroître le taux de réussite (passant de 75 à 80 %), les bacheliers dits « professionnels » peinent à s’insérer sur le marché du travail : sept mois après l’obtention du baccalauréat (sous statut scolaire – hors apprentissage), près d’un diplômé sur deux est au chômage. Cela qui s’explique notamment par l’inadéquation entre les formations proposées et les besoins du marché du travail. La France se distingue là encore des pays de l’OCDE : il s’agit de l’un des rares pays où les bacheliers professionnels ne s’insèrent pas mieux sur le marché du travail que les bacheliers généraux.

Le baccalauréat, dans sa forme actuelle, est-il adapté aux enjeux de notre époque ?

Le format actuel du baccalauréat et les rigidités qui le caractérisent ne permettent qu’une très faible adaptation aux mutations qui bouleversent le fonctionnement de notre économie. Quelle est la réalité de la pratique de l’anglais telle que mesurée par le baccalauréat ? Quelle est la progression de la maîtrise des enjeux de l’économie numérique ? Qu’en est-il des aptitudes des jeunes bacheliers à travailler en groupe ? Quelle est leur connaissance de l’entreprise et des univers professionnels ?
À rebours d’un exercice aléatoire qui mesure une performance à un instant T, il faudrait pouvoir mesurer les progrès de l’élève, sa capacité à travailler avec les autres et à exceller dans d’autres domaines que les seules matières académiques. Le système éducatif gagnerait à s’affranchir du culte de l’examen et à lui préférer l’exigence longitudinale et élevée du contrôle continu.

L’école 42, ouverte par Xavier Niel, illustre à merveille la désuétude d’un système qui ne valorise qu’un seul parcours d’excellence possible ; celui d’études universitaires longues ou des grandes écoles. Cette école, qui n’exige pas le baccalauréat, prépare à des métiers d’avenir par la transmission de compétences que l’école traditionnelle méconnaît encore trop largement : la maîtrise du code et la programmation.
 
Quelles alternatives préconisez-vous ?

Le baccalauréat ne peut être considéré comme l’alpha et l’oméga de la réforme de l’Éducation nationale. Cet examen, quels que soient les travers précédemment désignés, n’est que la résultante d’un système qui doit être transformé en profondeur. Il est aussi un puissant verrou qui empêche certaines évolutions.

Au-delà de son inadaptation aux évolutions de notre société, le baccalauréat reste un examen extrêmement complexe, chronophage et coûteux pour les pouvoirs publics. On estime ainsi, qu’au lycée,  près de 10% du temps scolaire y est consacré occasionnant un déficit de temps d’apprentissage inacceptable pour ceux que l’exercice ne concerne pas. Si l’on inclue les trois semaines d’enseignement perdues, le coût global de l’examen est estimé à près de 1,5 milliard d’euros.

Plutôt qu’une machinerie administrative, responsable de surcroît de la transformation des universités en institutions refuges ainsi que le traduisent les taux d’échec alarmants des deux premières années universitaires (sept bacheliers généraux sur dix échouent à obtenir leur licence en trois ans), le système éducatif français a besoin de davantage d’autonomie et doit offrir aux lycéens la possibilité de vivre d’autres expériences bénéfiques à leurs projets futurs. À cet égard, le modèle de l’International Baccalaureate est particulièrement intéressant : les élèves peuvent choisir les disciplines qu’ils présentent à l’examen final, la majorité de l’évaluation se fait en contrôle continu, le travail de groupe, les expériences d’ouverture sur l'extérieur et, bien sûr, la maîtrise de l’anglais sont fortement valorisés.

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