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01/06/2010

Afrique-France : réinventer le codéveloppement, par Claude Bébéar et Lionel Zinsou

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 Institut Montaigne
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Tribune commune de Claude Bébéar, président de l'Institut Montaigne, et Lionel Zinsou, CEO de PAI Partners, membre du Comité directeur de l'Institut Montaigne, publiée dans "Les Echos" du jour :

La mondialisation oblige aujourd'hui à repenser les relations économiques entre pays du Nord et pays du Sud ainsi que leurs conséquences humaines et politiques. C'est particulièrement vrai pour la France et l'Afrique, un demi-siècle après les indépendances de 1960. L'Afrique de 2010 connaît une croissance économique soutenue : 6 % au moins avant la crise, encore 3 % en 2009.

La génération qui vient aux affaires en Afrique a devant elle le défi de rejoindre le groupe des pays émergents. L'Europe quant à elle est à la recherche des moyens de relancer sa croissance. Un défi dont l'Afrique peut devenir une des solutions. C'est une chance que donne la mondialisation : deux continents qui se connaissent bien et qui sont proches doivent au même moment trouver deux nouveaux modèles économiques.

Cette convergence possible de l'Afrique et de la France nous invite à jeter les bases d'un nouveau codéveloppement au service d'un partenariat entre les deux continents pour accélérer leurs croissances respectives. Pour se développer ensemble, en profitant de leurs complémentarités. C'est un concept positif et non, comme dans son acception fréquente, un concept défensif : dépenser de l'argent public pour freiner ou renverser les flux d'immigration vers l'Europe. C'est un concept mutuellement bénéfique et non pas unilatéral : le codéveloppement doit créer des bénéfices au Nord comme au Sud. Enfin, c'est un concept en rupture : il conçoit l'aide au développement comme essentielle au soutien de la croissance des deux partenaires, pas comme une assistance.

Cette solidarité contractualisée peut contribuer à mettre fin au pillage actuel des élites africaines, afin de créer des conditions de retour acceptables pour les jeunes Africains qui parachèvent leur formation et qui commencent leur vie professionnelle en France. Pour aller plus loin, il est nécessaire de mettre en avant ce que pourrait être la contribution du secteur privé à cet esprit de co-développement. C'est le travail que vient de conduire l'Institut Montaigne avec des chefs d'entreprises français et des chefs d'entreprises africains (Afrique-France : réinventer le co-développement, juin 2010).

Trois exemples concrets permettront d'envisager ce que le codéveloppement réinventé entre l'Afrique et la France pourrait apporter à ces partenaires.

Le défaut d'infrastructures - énergie, transport, santé, e-government, etc. -est une des plaies de l'Afrique. L'aide publique au développement doit garantir de tels investissements pour lesquels le savoir-faire du « management public » des entreprises françaises est mondialement reconnu. Cet échange gagnant-gagnant permettra de libérer le potentiel de croissance de l'Afrique comme de trouver des débouchés pour les entreprises françaises.

Il en va de même pour le commerce international des biens culturels qui constitue l'un des secteurs les plus dynamiques de l'économie mondiale. Avec plus de 150 millions d'habitants, les pays qui ont accédé à l'indépendance en 1960 représentent désormais le plus important et dynamique marché en devenir pour les produits culturels francophones. Un potentiel considérable existe si se multiplient les partenariats avec l'audiovisuel public africain et le soutien aux productions africaines, auxquelles manquent encore des moyens de formation, de financement et de diffusion. L'offre française de codéveloppement culturel pourrait être l'une des plus puissantes au monde en coordonnant les moyens du secteur privé et ceux de l'audiovisuel public extérieur.

Le manque de compétences en management comme en gestion de projet dont souffrent les économies africaines peut déboucher sur des échanges mutuellement profitables entre l'Afrique et la France. Des projets complexes pourraient mobiliser des seniors français (ingénieurs et cadres de haut niveau) dont le taux d'activité a tendance à décroître à partir de 55 ans. En revanche, l'Europe est confrontée à un déficit de personnel, par exemple dans le domaine médical. Les deux continents devraient encourager une mobilité définie et contractualisée selon les besoins de chacun.

Ainsi, plus qu'un cadre normatif, le codéveloppement est avant tout une méthode, un nouveau partenariat pour la croissance entre la France et l'Afrique, utilisant toutes les ressources publiques et privées. Il est aussi respectueux des hommes.

- Lire la biographie de Claude Bébéar
- Lire la biographie de Lionel Zinsou

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