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04/01/2018

Voiture électrique : quelles prises de position dans le monde ?

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Voiture électrique : quelles prises de position dans le monde ?
 Victor Poirier
Auteur
Ancien directeur des publications

Quelle place pour la voiture électrique demain ? Selon les derniers chiffres publiés par le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), l’électrique (1,18 % des ventes de véhicules neufs en 2017) et l’hybride (3,8 %) demeurent plus que minoritaires en France. Alors, quelles évolutions attendre du parc automobile dans les prochaines années ?

A priori, un consensus existe : les véhicules hybrides et électriques vont représenter une part toujours plus importante du parc automobile. Le défi environnemental posé par l’automobile traditionnelle est en effet reconnu et indéniable. La voiture “thermique” (diesel ou essence) est responsable du quart des émissions de CO2 en France et du tiers des émissions de dioxyde d’azote en Ile-de-France. Elle est ainsi la première cible des pouvoirs publics dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Le véhicule électrique apparaît dès lors comme la solution écologique la plus avantageuse. Elle bénéficie d’ailleurs de l’appui de la Commission européenne, qui a pris à nouveau position dans son paquet “mobilité propre” rendu public en novembre dernier.

Pour autant, difficile - pour ne pas dire impossible - de passer du thermique à l’électrique en un claquement de doigts. L’inertie du parc automobile est forte : l’âge moyen des véhicules en France est de 8,9 ans selon le CCFA. Et ce chiffre cache de fortes disparités : l’âge moyen des véhicules du décile le plus pauvre est de 11,2 ans, contre 6,6 ans pour le décile le plus aisé. Les contraintes - notamment économiques et d’usage - de la voiture électrique en font encore un choix secondaire auprès des acheteurs, qui conservent pour une durée de plus en plus longue leurs véhicules traditionnels.

Comment les pouvoirs publics, en France comme à l’étranger, se saisissent-ils de la question ? Le parc automobile de demain fera-t-il la part belle à l’électrique ? Etat des lieux dans sept pays. Entre l’électrique et les pouvoirs publics, force est de constater que le courant ne passe pas toujours...

Les “précurseurs” 

  • L’Inde :

Six millions de véhicules électriques en 2020, et la fin de la commercialisation des véhicules diesel et essence en 2030 : le gouvernement indien, qui fait face à une pollution majeure, a pris une décision radicale. Pour y parvenir, incitations fiscales et production locale de batteries devraient permettre de rendre ces véhicules plus compétitifs. Mais compte tenu de la taille du marché automobile indien, et de la (très) faible part de l’électrique dans les ventes de véhicules neufs (en 2016, sur trois millions de voitures vendues, 5 000 seulement étaient électriques), cet objectif semble très - voire trop - ambitieux. Il a au moins le mérite de répondre aux impératifs environnementaux auxquels l’Inde fait face : selon le ministre de l’Energie indien, Piyush Goyal, la tenue de ces objectifs permettrait une réduction de 37 % des émissions de CO2 du pays.

  • La Norvège :

Sans avoir légiféré sur l’interdiction de véhicules thermiques sur son territoire, la Norvège est l’élève modèle en matière de véhicule électrique. En 2016, plus de 16 % des ventes de véhicules neufs étaient des véhicules 100 % électriques (29 % en incluant les voitures hybrides). Par des incitations fiscales (lourde taxation des véhicules traditionnels, exemption de TVA à l’achat) et non-fiscales (places de parking et électricités gratuites), le gouvernement norvégien a fait de l’électrique un choix compétitif. Il parie ainsi sur l’arrêt, dès 2025, de la commercialisation de véhicules émetteurs de CO2 (diesel, essence et même hybride) au sein du Royaume.

Les “modérés”

  • La France : 

1,18 % des ventes en 2017 : le véhicule électrique reste encore marginal dans les choix d’achat des Français. Alors que le parc automobile français est encore constitué à 60 % de véhicules diesel, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, souhaite inverser la tendance. En juillet 2017, il a profité de l’annonce du Plan Climat pour décider d’interdire la vente de voitures diesel ou essence d’ici à 2040. L'ambiguïté demeure quant aux véhicules ciblés par cette annonce : les véhicules hybrides seront-ils autorisés ? Si tel est le cas, l’annonce est moins spectaculaire qu’elle n’en a l’air. Dans le même temps, les villes prennent aussi des dispositions pour limiter la circulation de véhicules polluants en leur sein : Paris, Lyon, Grenoble ou encore Toulouse ont rendu obligatoire la vignette Crit’air pour toutes les voitures souhaitant traverser leur centre-ville. Ces stratégies semblent avoir un impact sur le comportement des citoyens : en 2017, pour la première fois depuis 2000, le diesel a représenté moins d’une immatriculation de voiture neuve sur deux (47 %). Ce recul peut s’expliquer à la fois par les mesures prises par les pouvoirs publics, et par la récente controverse du Dieselgate (trucage des émissions polluantes par Volkswagen).

  • Le Royaume-Uni :

Dans la lignée des annonces de Nicolas Hulot en juillet, Michael Gove, ministre britannique de l’Environnement, a lui aussi annoncé la fin de la commercialisation de véhicules diesel et essence en 2040. Contrairement à Nicolas Hulot, ce dernier a précisé que les véhicules hybrides seront toujours autorisés. La situation des véhicules électriques est la même outre-Manche qu’en France : les véhicules électriques représentent à peine 1 % des immatriculations de voitures neuves en 2017. Dans la capitale, le système de péage urbain exempte les véhicules électriques, ce qui ne suffit pour l’instant pas à en faire le choix n°1 des Londoniens.

Les “absents”

  • Les Etats-Unis :

Les derniers objectifs américains en matière de véhicule électrique datent de la campagne électorale de Barack Obama en 2008. Celui-ci s’était alors fixé l’objectif d’un million de véhicules électriques sur les routes états-uniennes pour 2015. Mais cet engagement de campagne est resté au stade de promesse, et aucune législation n’est par la suite entrée en vigueur pour encourager le déploiement de la voiture électrique. En 2016, le Secrétaire à l’Energie Ernest Moniz a annoncé que l’objectif du million serait potentiellement atteint en 2020. Entre temps, le faible cours du pétrole et la puissance du marché automobile traditionnel américain ne sont pas allés dans le sens d’une généralisation de la voiture électrique, et aucun horizon de long-terme n’a été défini par les pouvoirs publics. De plus, le scepticisme du président américain sur le réchauffement climatique - et ses causes humaines - ne devrait pas jouer en faveur de l’électrique dans les années à venir.

  • L’Allemagne :

Un million de véhicules électriques en circulation en 2020 : cet objectif, fixé en 2009 par le gouvernement allemand, ne sera pas atteint, a annoncé Angela Merkel en mai 2017. Et de très loin : au 1er janvier 2017, le parc automobile allemand ne comptait que… 34 000 véhicules électriques en circulation. Devant un tel écart, le gouvernement allemand n’a pas pris d’engagement ferme sur la fin de la commercialisation de véhicules diesel et essence, comme l’ont fait la France ou le Royaume-Uni. Néanmoins, notons que plusieurs grandes villes allemandes ont pris le relais de l’Etat en restreignant la circulation des véhicules les plus polluants : c’est déjà le cas de Stuttgart, qui pourrait être suivie par Munich et Düsseldorf.

“L’inconnue” 

  • La Chine :

Avec 25 millions de voitures vendues en 2016, le marché chinois fait figure de leader mondial de l’automobile. C’est dire si les orientations prises par le gouvernement en matière de véhicule électrique sont scrutées avec attention par tous les constructeurs automobiles. Une première annonce a fait l’effet d’une bombe, en septembre 2017 : le gouvernement chinois a instauré un quota de voitures hybrides ou électriques à partir de 2019 pour tous les constructeurs. Ceux-ci devront vendre au moins 10 % de véhicules hybrides ou électriques. Puis 12 % dès 2020. Si la date d’arrêt de la commercialisation de voitures thermiques n’a pas été entérinée, ce système de quota - qui remplace un coûteux dispositif de subventions - laisse à penser que la Chine s’imposera rapidement comme leader du véhicule électrique dans les années à venir.

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