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03/07/2017

Macron, Jupiter, l’Olympe et Antée

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Macron, Jupiter, l’Olympe et Antée
 Marc Lazar
Auteur
Expert Associé - Démocratie et Populisme, Italie

 

Marc Lazar, Professeur d'Histoire et de sociologie politique à Sciences Po et Président de la School of government de la Luiss (Rome), analyse la conception du pouvoir présidentiel sous la Vème République d'Emmanuel Macron.

Emmanuel Macron met chaque jour un peu plus en scène et en musique sa conception jupitérienne de la présidence de la République. Il entend incarner la fonction présidentielle pour lui restituer son prestige et son lustre. Aussi accorde-t-il un soin scrupuleux à son image et à sa gestuelle. Sa parole est raréfiée, sa communication maîtrisée jusque dans les moindres détails et presque parfaite à quelques anicroches près (comme avec le portait officiel critiqué par de nombreux professionnels de la photographie). De la sorte, il veut restituer de la solennité à la présidence de la République, y réintroduire de la gravitas et, ce faisant, instaurer un peu de distance entre lui et le commun des mortels. Non sans raison. L'anthropologue Georges Balandier, observateur éclairé des sociétés africaines comme des nôtres, notait que le pouvoir doit être entouré de ce léger voile de mystère et d'énigme pour le rendre encore plus évocateur et fascinant. Ce qui suppose que son occupant en accepte le poids de sa lourde solitude, un thème si cher au théâtre de Shakespeare.

Emmanuel Macron l’a souvent dit. Il s’inspire de la conception gaulliste et mitterrandienne de la présidence de la République. La formule utilisée le 2 juillet 1981 par François Mitterrand, qui avait si durement combattu la création de la nouvelle République vingt-trois ans plus tôt, convient parfaitement à l’actuel occupant de l’Elysée : " Les institutions n’étaient pas faites à mon intention. Mais elles sont bien faites pour moi ". Emmanuel Macron semble décidé à utiliser toutes les potentialités offertes par son charisme personnel et le " charisme institutionnel ". En atteste par exemple sa décision de s’exprimer le 3 juillet, au début de la législature, devant le Congrès réuni, alors que jusque-là ses prédécesseurs faisaient lire un message aux Assemblées. Sa présence physique devant la représentation nationale et la scénographie ritualisée en dépit de l’absence de quelques élus dans le cadre grandiose du château de Versailles sont supposées donner encore plus de force au message contenu dans son discours, car elles sont en elles-mêmes un message. Le président a donc écrit la partition et le Premier ministre est chargé de l’interpréter, ce qu’il va commencer à faire lors de son discours de politique générale. Et aucune fausse note ne sera admise. Emmanuel Macron renoue à sa façon avec l’esprit de la Vème République. Il rompt avec le côté clinquant et si vite érodé de la Présidence Sarkozy comme avec celle brouillonne et fade de François Hollande. Davantage, il projette cette représentation de lui-même hors de France, en Europe et dans le monde. Pour s’imposer auprès de dirigeants plus aguerris. Pour que la parole de la France porte de nouveau aussi loin que possible.

Et, si l’on en croit les sondages, cela fonctionne. Du moins en France. Une large majorité de nos compatriotes, 62 % d’entre eux selon une enquête Odoxa-Dentsu Consulting réalisée pour Le Figaro et France Info et publiée le 30 juin, valident la communication du président et 74 % la jugent " bonne " voire " très bonne ". Quelques essayistes, des historiens et des politologues esquissent des comparaisons non seulement avec de Gaulle et Mitterrand, mais aussi avec d’autres figures d’homme providentiel, tels Bonaparte ou Napoléon. En ces temps de peurs et d’incertitudes diverses et variées, en France comme dans toute l’Europe, on enregistre une quête d’autorité, une recherche de référent, une aspiration à avoir un guide en mesure d’évoquer le passé, d’interpréter le présent et d’indiquer quelques pistes pour l’avenir.

Toutefois, le président Macron ne saurait se contenter de cette posture presque majestueuse. Car la France de 2017 n’est plus celle de 1958 ni celle de 1981. L’exaspération voire la colère sociale est palpable, prête à exploser. L’optimisme revendiqué et prôné par le président et son gouvernement n’est pas, c’est le moins que l’on puisse dire, partagé par les plus démunis La défiance envers les institutions et les responsables politiques demeure considérable comme en atteste le fort taux d’abstention et comme l’enregistrent avec régularité toutes les enquêtes d’opinion. Dans le même temps, l’exigence de participation et de contrôle démocratique s’avère plus puissante que jamais. Jusque dans les rangs d’En Marche ! où nombre de ceux qui ont porté Emmanuel Macron à la victoire puis lui ont donné une majorité absolue à l’Assemblée nationale ont pris au mot ses déclarations de candidat sur l’importance du renouvellement démocratique et la nécessité de prise en compte de ce qui vient du bas : ils sont décidés à rester mobilisés et à faire entendre leur voix. L’aspiration à disposer d’un président qui préside ne signifie pas que les Français, y compris ceux qui ont voté pour lui dès le premier tour, lui ont signé un chèque en blanc et qu’ils s’apprêtent à attendre tranquillement la prochaine présidentielle dans cinq ans.

Bref, que Jupiter n’oublie pas de descendre de son Olympe. Et qu’il se souvienne du destin d’Antée, fils de Gaia et de Poséidon, toujours vigoureux lorsqu’il restait au contact de sa mère nourricière, la Terre, Gaia. Mais qui fut vaincu et tué par Héraclès lorsque celui-ci réussit à le séparer de Gaia…

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