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22/04/2022

Pouvoir d’achat et retraites, deux thèmes au cœur du débat

Pouvoir d’achat et retraites, deux thèmes au cœur du débat
 Lisa Thomas-Darbois
Auteur
Directrice des études France, Experte Résidente

Dans moins de trois jours, les urnes auront parlé : Marine Le Pen ou Emmanuel Macron sera élu(e) président(e) de la République. Après des débuts poussifs, la campagne présidentielle s’est finalement cristallisée, dans l’entre-deux-tours, sur deux sujets : le pouvoir d’achat et les retraites.

Le pouvoir d’achat, tout d’abord, fait l’objet d’une véritable bataille des programmes entre les deux derniers candidats. Conscients de l’enjeu de ce sujet crucial pour les ménages français, Marine Le Pen et Emmanuel Macron partagent même quelques mesures en la matière. 

Il en va ainsi de la suppression de la redevance audiovisuelle, acquittée par 23 millions de foyers, pour un montant de 138 euros par an en métropole et 88 euros en outre-mer. Les modalités de financement de la mesure diffèrent toutefois selon les candidats. Là où Marine Le Pen propose un financement presque total de sa mesure grâce à la privatisation de plusieurs chaînes audiovisuelles publiques, Emmanuel Macron ne veut rien faire de tel et refuse tout projet de privatisation. La mesure d’Emmanuel Macron coûterait donc environ 3,2 milliards d’euros par an à l’État.

Préserver les Français de la hausse du coût de l’énergie figure dans les programmes des deux candidats. En effet, Marine Le Pen souhaite réduire la TVA réduite à 5,5 % sur l’électricité, le gaz et le carburant. S’il était réélu, Emmanuel Macron prolongerait le blocage du prix du gaz jusqu’à fin 2022, déjà mis en place pour le début de l’année. Le coût de la mesure pour l’année 2022 - 10 milliards d’euros environ - ne départage pas les candidats. Les candidats se distinguent en revanche sur la durée de mise en place de ces dispositifs. 

Préserver les Français de la hausse du coût de l’énergie figure dans les programmes des deux candidats. 

En effet, la diminution de TVA proposée par Marine Le Pen serait pérenne, là où celle d’Emmanuel Macron a plutôt vocation à être temporaire. Les conséquences environnementales de la mesure de Marine Le Pen seraient ainsi, sans aucun doute, délétères. Une telle diminution du taux de TVA pourrait empêcher l’atteinte de l’objectif actuel de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de consommation énergétique en 2030. 

Cet objectif a pourtant vocation à être renforcé pour respecter le nouvel objectif climat européen de - 55 % en 2030 décidé au niveau européen dans le pacte vert.

En revanche, Marine Le Pen se distingue de son adversaire par l’abondance de propositions électoralistes, tout particulièrement sur ce thème du pouvoir d’achat.

La mesure de la candidate visant à supprimer l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans en est une excellente illustration. En plus d’être coûteuse - près de 3,7 milliards d’euros par an selon les estimations de l’Institut Montaigne - et dénuée de tout fondement économique ou budgétaire, cette mesure risque de se heurter à une censure du Conseil constitutionnel. Elle contreviendrait en effet très probablement au principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, (énoncé à l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789), et apparaît à ce titre, socialement injuste et peu acceptable. De même, la proposition de la candidate qui consiste à attribuer aux jeunes ménages un prêt de 100 000 euros à taux zéro - pris en charge par l’État après le troisième enfant - représenterait un coût pour les finances publiques de 12,6 milliards d’euros par an, avec un risque non négligeable de tensions à venir sur l’offre de logements.

Emmanuel Macron propose, quant à lui, de tripler le plafond de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA), dont le montant pourrait s’élever à 6000 euros maximum, contre 2000 euros aujourd’hui. Exonérée de charges sociales et défiscalisée, cette prime n’en constituerait pas pour autant une panacée : le risque d’effet d’aubaine et de substitution aux salaires est réel. À cet égard, le manque à gagner pour les finances publiques a été évalué par l’Institut Montaigne à environ 6 milliards d’euros. Au contraire, la proposition de création d’un "dividende salarié", visant à accroître le recours aux dispositifs d’intéressement et de participation ouvre la voie à des perspectives constructives sur ce sujet décisif du partage de la valeur ajoutée.

En matière de pouvoir d’achat, l’Institut Montaigne a estimé que les principales mesures de Marine Le Pen représentent un coût de plus de 30 milliards d’euros par an, contre 13 milliards d’euros par an pour celles d’Emmanuel Macron. 

La différence entre les programmes de chacun des candidats est encore plus marquée sur la question des retraites, en témoigne le débat de l’entre-deux-tours de mercredi dernier.

Emmanuel Macron souhaite un report de l’âge légal, aujourd’hui fixé à 62 ans, à 65 ans. Il a malgré tout récemment indiqué être ouvert à un repoussement moindre de l’âge légal - arrêt de la réforme en 2027, avec un âge de départ porté à 64 ans - et à une plus large concertation avec toutes les parties prenantes. 

Le report de l’âge légal de départ s’inscrirait dans la lignée des réformes précédentes du système des retraites, dont la dernière en date est celle conduite par Marisol Touraine en 2014. Comme en 2019, le président-candidat souhaite supprimer les régimes spéciaux pour les nouveaux entrants à partir de 2023. Des exemptions existeraient cependant pour les carrières les plus pénibles : les travailleurs concernés pourraient partir à la retraite à partir de 62 ans, et même 55 ans pour les travailleurs handicapés. Le minimum contributif serait porté à 1100 euros par mois.

La différence entre les programmes de chacun des candidats est encore plus marquée sur la question des retraites.

La mesure d’Emmanuel Macron permettrait une économie annuelle de 7,7 milliards d’euros par an à l’horizon 2027, et de 18 milliards d’euros par an en 2032. Elle permettrait de rapprocher l’âge légal de départ de celui de nos voisins européens. Le chiffrage de l'Institut Montaigne prend en compte l’effet d’éviction qui est susceptible d’être constaté sur les cotisations sociales. Le nombre de seniors bénéficiaires de certaines prestations sociales, et notamment le nombre de bénéficiaires de pensions d’invalidité, d’indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) et de minima sociaux (comme le RSA), pourrait en effet s’accroître avec l’augmentation de l’âge légal de départ à la retraite, d’après une étude de la DREES parue en janvier 2022. 

De son côté, Marine Le Pen propose de restaurer la retraite à 60 ans avec 40 annuités pour les personnes ayant commencé leur carrière avant d’avoir 20 ans. Un système progressif serait mis en place pour les personnes ayant commencé leur carrière entre 20 et 25 ans. Les règles actuelles (172 trimestres cotisés et 62 ans pour l’âge d’ouverture des droits) resteraient inchangées pour les personnes entrant dans la vie active après 25 ans.

La retraite à 60 ans est une mesure populaire, les Français y étant plus favorables qu’à un report de l’âge de départ. Cette mesure risque cependant de se trouver confrontée rapidement à la dynamique démographique du pays. Si le Conseil d’Orientation des Retraites estime que la viabilité financière du régime de retraites n’est pas menacée à long-terme, il n’en reste pas moins que la dégradation du ratio entre les actifs cotisants et les retraités devrait amener le niveau des retraites à décroître fortement par rapport au revenu moyen. Le rapport entre la pension brute et le revenu brut devrait être compris entre 31,6 % et 36,5 % en 2070, contre 50,1 % actuellement. Une telle baisse relative pourrait être difficilement acceptable socialement, alors que les Français passent 5 ans de plus à la retraite que dans la moyenne des pays de l’OCDE. Le coût total de la mesure de Marine Le Pen et de la revalorisation additionnelle du minimum vieillesse s’élèverait à 26,5 milliards d’euros annuels. Le financement d’une telle mesure pose question : le programme de Marine Le Pen, déficitaire de plus de 100 milliards d’euros annuels, ne pourrait pas être appliqué en l’état.

Sur les deux sujets phares de cette campagne de l’entre-deux-tours - le pouvoir d’achat et les retraites - le programme d’Emmanuel Macron se distingue de celui de Marine Le Pen par son coût moins élevé et par ses effets macroéconomiques et environnementaux relativement plus positifs. Mais au-delà des aspects budgétaires - certes incontournables - les programmes des deux candidats esquissent deux projets sociétaux profondément différents : les votes du 24 avril nous apprendront lequel a été le plus plébiscité par les Français.

 

 

Copyright : Ludovic MARIN / POOL / AFP

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