Ces données ont régulièrement alimenté des algorithmes de calcul (GARACES, Groupe d'Analyse et de Recherche sur les Activités et les Coûts des Enseignements Supérieurs, puis SAN REMO, Système d'ANalyse et de REpartition des MOyens aux établissements d'enseignement supérieur) permettant de déterminer le budget théorique (en budget de fonctionnement et en postes). Sans totalement abandonner cette base de calcul, le ministère de Valérie Pécresse a introduit dans l'algorithme SYMPA (SYstème de répartition des Moyens à la Performance et à l'Activité), une dose d'allocation de moyens pour l'enseignement et pour la recherche tenant compte des résultats : d’après le rapport de l'IGAENR, la répartition était de 80 % sur la base de données liées à l'activité et 20 % en fonction d'éléments de résultats tels que le nombre de diplômés, l'évaluation des laboratoires par l'agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Cette évolution est allée de pair avec une réduction de la part des moyens attribués sur contrat, que le même rapport estimait à 4 % des fonds attribués en 2012.
Au cours des dernières années, plusieurs tentatives de construction d’un nouvel algorithme ont été initiées mais aucune n’a abouti. La contractualisation a parallèlement souffert d’une double dévitalisation.
D'un côté, la négociation contractuelle est doublée par un dialogue stratégique de gestion annuel qui ne porte que sur certains éléments du projet et qui vise, de plus, à mener un bilan quantitatif et qualitatif de la mise en œuvre des politiques publiques financées par l'État. De l’autre, le projet que les établissements doivent rédiger au moment de leur évaluation par le HCERES (Haut Conseil à l'Évaluation de la Recherche et de l’enseignement supérieur qui a succédé à l’agence créée en 2006) occupe une place de plus en plus restreinte dans un processus qui accorde toujours plus d'importance au rapport d’auto-évaluation et de moins en moins d’espace et d’intérêt au projet. Ainsi, non seulement la part du financement contractualisé est faible et ciblée, mais de plus le contenu du projet n’est pas valorisé.
Redonner sa place à la contractualisation et au projet
Plusieurs facteurs poussent aujourd'hui à inverser le mouvement, c'est-à-dire à redonner un rôle central au projet, à réduire la part des financements paramétrés et à faire de la contractualisation un instrument du développement d'un système d'enseignement supérieur qui couvre toutes les missions et qui reconnaisse chacune d'elles.
Tout d’abord, l’enseignement universitaire français a longtemps été dominé par un principe égalitaire qui postulait qu’une université était équivalente à une autre université, un diplôme délivré à A équivalent à celui délivré à B, un professeur à un autre professeur. Ce principe a été remplacé par celui de la performance depuis le milieu des années 2000. L’équivalence universitaire sur l’ensemble du territoire était par ailleurs plus un mythe qu’une réalité car la diversification des établissements, en fonction de leur territoire, de leurs publics, des acteurs administratifs et politiques locaux, de leurs activités, etc. existait bien longtemps avant le tournant des années 2005. Et cette diversification n’avait cessé de s’accroître sous l’effet de la croissance quantitative de l’enseignement supérieur et de la recherche : les 310 000 étudiants de 1960 sont devenus 2,7 millions de jeunes gens et de jeunes femmes aux aspirations, aux compétences et aux perspectives multiples. Et les 8 000 enseignants-chercheurs sont aujourd’hui un peu plus de 55 000 titulaires parmi les 90 000 enseignants du supérieur recensés par le ministère en 2020. Prétendre qu’ils constituent une communauté homogène et cohérente ne résiste pas à l’épreuve des faits. Et il en va de même des établissements dont les statuts, l’histoire, la composition disciplinaire, l’offre de formation et les thématiques de recherche varient depuis toujours.
Cette diversification a été accentuée depuis le milieu des années 2000 sous l’effet des politiques publiques menées et des multiples appels à projets nationaux et sélectifs qui ont été lancés et qui se poursuivent aujourd’hui avec le quatrième programme d’investissement d’avenir (PIA). Il ne s’agit alors plus seulement de diversifier mais de différencier. Même si elles sont loin d’être comparables à ce que l’on peut observer dans des pays comme les États-Unis, la Grande Bretagne ou la Chine, les dynamiques de stratification que cela a entraînées sont indéniables du fait de la succession de mesures (appels à Idex – Initiatives D’EXellence, c’est-à-dire universités d’excellence –, loi de programmation de la recherche, ordonnance permettant la création d’établissements publics expérimentaux…) qui ont favorisé la constitution de « grandes universités de recherche », pour reprendre la terminologie utilisée par le ministère, et concentré une bonne partie des moyens supplémentaires sur ces dernières. Les multiples autres appels à projets, le financement des I-Sites et plus récemment le PIA « ExcellenceS » ont quelque peu tempéré l’accroissement des écarts et le renforcement de la différenciation verticale en permettant à la plupart des établissements (ou à nombre d’entre eux) d’accéder eux-aussi à des ressources supplémentaires, mais ces appels étaient également ouverts aux Idex qui en ont souvent été lauréats, confortant ainsi leur position matérielle et symbolique.
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