N'a-t-on pas vu il y a quelques semaines deux bâtiments militaires iraniens traverser la zone économique exclusive de la Polynésie ? Le renforcement qualitatif des forces dites de souveraineté, qui se traduira notamment par la mise en service de six patrouilleurs outre-mer modernes, est une urgence difficilement contestable. La consolidation de nos principaux partenariats dans la zone indopacifique - avec les Émirats arabes unis, l'Inde et l'Indonésie, tous trois équipés de Rafale - contribuera aussi à asseoir une politique française indépendante dans la région.
Le gouvernement entend également proposer des efforts nouveaux sur l'axe "vertical" de la défense et de la sécurité : la maîtrise des fonds marins jusqu'à une profondeur de 6 000 mètres, la capacité cyber offensive, l'espace extra-atmosphérique. Sans oublier la concrétisation de la nouvelle fonction stratégique "Influence" établie par la Revue stratégique et de défense nationale publiée en septembre 2022.
Il est sage d'avoir préféré la cohérence et la réactivité au volume et à l'endurance. Le besoin de rassurer nos alliés européens et de dissuader la Russie d’aller plus loin ne passe pas par la reconstitution d’un corps de bataille à l'Est, mais plutôt par un effort de défense constant et à la hauteur de nos moyens, sans abandon de capacité majeure. Certes, le modèle nouveau dont le président de la République a exposé les grandes lignes ne renoue pas avec le temps des gros bataillons et de la "masse" chère notamment à l’armée de terre. Il préfère doubler le budget du renseignement militaire et notre capacité de traitement des menaces cyber majeures, et accroître de 50 % notre potentiel de défense aérienne, dans toutes ses composantes (drones), sans tomber pour autant dans ce qu’il appelle "le piège du raffinement technologique". On sait que ce dernier, tendance naturelle dans l’expression des besoins, conduit en effet facilement à l’explosion des coûts unitaires (et in fine à la réduction des cibles) ainsi qu’aux lourdeurs de mise en œuvre, voire à des vulnérabilités parfois plus importantes, au regard de moyens plus "rustiques".
Pour la première fois depuis des décennies, une loi de programmation militaire sera élaborée alors que celle qu'elle remplace a été totalement exécutée, et les abondements du budget des armées dans les années qui viennent sont cohérents avec la trajectoire qui avait été envisagée au début du premier quinquennat. Après la "réparation" vient ainsi le temps de la "transformation". Il est heureux que la défense puisse faire ainsi l'objet d'une constance rare dans les politiques publiques.
Copyright image : Bob Edme / POOL / AFP
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