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03/11/2022

Budget 2023 : L'hébergement d'urgence et l'accès au logement - une politique publique en voie de précarisation

Budget 2023 : L'hébergement d'urgence et l'accès au logement - une politique publique en voie de précarisation
 Iona Lefebvre
Auteur
Ancienne responsable de projets - Territoires et société

Chaque année, le 1er novembre marque le début de la trêve hivernale, interdisant les expulsions locatives pour loyers impayés jusqu’au 31 mars. Pour les sans-domicile, cette trêve ne garantit cependant pas un toit pour l'hiver. Alors que le gouvernement, dans le projet de loi de finances pour (PLF) 2023, avait annoncé la fermeture de 7 000 places d'hébergement d'urgence, qui s'ajoutent au 7 000 fermées en cours d'année, il revient le 29 octobre sur sa décision après les vives critiques des associations et élus locaux. Dans un contexte où le nombre de personnes sans-domicile (à la rue ou en hébergement) ne fait qu'augmenter, s'élevant aujourd’hui à 300 000, soit le double depuis 2012, les prévisions du budget pour l'hébergement d'urgence avaient de quoi alerter les professionnels du secteur comme la société civile. Si le nombre de places est finalement maintenu à 197 000, un niveau "jamais atteint", il est légitime de s’interroger sur l'efficacité de la politique annoncée par le gouvernement.

Rappelons tout d’abord que l'hébergement d'urgence est une prérogative de la politique du logement, mise en œuvre sur le territoire national par l'État et les départements. Elle est par définition une solution temporaire, d'une durée indéterminée, et vise l’orientation des publics hébergés vers un logement durable. Il s'agit donc, à l'inverse du logement, d’une solution transitoire de plusieurs nuits à plusieurs semaines, selon la structure d’accueil et l'accompagnement proposé (hôtel, Centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), Centre hospitalier universitaire (CHU)…). Rappelons également que l'hébergement est un droit fondamental et inconditionnel, et que le droit au logement est reconnu comme un droit opposable et à valeur constitutionnelle. Alors que le candidat Emmanuel Macron faisait, en 2017, de la politique "zéro SDF" dans les rues l’une de ses priorités de campagne, qu'en est-il à l'aube de ce nouveau quinquennat et surtout au moment crucial de l’examen parlementaire du budget 2023 ?

Les enjeux du PLF 2023 pour l'hébergement d'urgence et l'accès au logement

Un état des lieux dégradé du sans-abrisme et de l'accès au logement

En 2022, 185 000 personnes vivraient en centre d'hébergement, 100 000 dans des lieux d'accueil pour les demandeurs d’asile, 16 000 dans des bidonvilles et 27 000 dans la rue. En réalité, l'ampleur du sans-abrisme est sans doute largement sous-estimée, du fait de l'incertitude et de la complexité des recensements. Plusieurs obstacles contraignent l'accès à l'hébergement d'urgence : le faible accès à l'information quant à l'offre de solutions d’hébergement existante, des phénomènes d'auto-censure, le fait de ne pas posséder de téléphone portable… Si début décembre 2021, plus de 4 000 personnes appelaient le 115 chaque soir - unique voie de demande d’une place en hébergement d’urgence - cela ne reflète pas l’intégralité des personnes à la rue puisque la dernière enquête de la Fédération des samus sociaux sur les maraudes montre que 76 % des sans-abris rencontrés ne sollicitent pas le 115 un soir donné. Au-delà du non-recours, notons aussi que le nombre d’appelants qui n'ont pas bénéficié d'un hébergement reste élevé : à titre d'exemple, entre juin et juillet 2017, seul un tiers des demandes a abouti. 

Cet état des lieux est d'autant plus problématique que la précarité s'installe et prend des formes nouvelles.

Cet état des lieux est d'autant plus problématique que la précarité s'installe et prend des formes nouvelles. Le sans-abrisme est à mettre en regard de l’évolution du taux de pauvreté : la part de la population vivant sous le seuil de pauvreté (avec moins de 60 % du revenu médian) s’élève depuis 2015 aux alentours de 14 %, avec une hausse de 0,6 % entre 2016 et 2020 selon l'Insee. Les publics touchés par la privation de logement, dans ce contexte, se précarisent davantage.

De plus en plus de jeunes sont hébergés : en février 2017, trois personnes sur dix en centre d’hébergement d'urgence étaient âgées de moins de 18 ans, sachant que, d’après les chiffres de l'Insee, ce sont aujourd'hui près de 30 000 enfants qui vivent à la rue en France. De même, l'hébergement des femmes victimes de violences constitue un point de vigilance accrue. Enfin, l'augmentation du nombre de sans-domicile est corrélée à l'augmentation de l'immigration. Deux personnes hébergées sur trois étaient ressortissantes d’un pays hors de l'Union européenne en 2017.

Cette situation alarmante doit être replacée dans un double contexte.

D'une part, le nombre de places d’hébergement d'urgence était jusqu’alors en constante hausse depuis 2009. En 2010, le nombre de places s’élevait à 72 000 pour atteindre 145 000 en 2018. C’est avec la crise sanitaire que le chiffre record de 200 000 places en centre d’hébergement d'urgence a été atteint (maintenu à 199 500 au 31 décembre 2021), avec la création de 43 000 places supplémentaires cette même année (pour moitié en centres d'hébergement et pour moitié en hôtels) - ce qui montre qu'une situation d'urgence peut pousser à l'action. Nous sommes donc encore dans une réalité du sans-abrisme devant mener à prendre des mesures d'urgence, en parallèle d’une politique efficace d’accès au logement. Cela expliquerait donc que le gouvernement soit revenu sur sa décision de supprimer les 14 000 places d'hébergement d’urgence, dans une volonté d'arrêter la "gestion au thermomètre" de l'hébergement (supprimer des places après la trêve hivernale) tout en maintenant une dynamique volontariste d'accès au logement.

D'autre part, alors même que le nombre de personnes sans solution de logement est en constante augmentation, la dynamique d'accès au logement social est en baisse, et ce secteur affiche une situation sous tension. Si Emmanuelle Wargon avait annoncé la construction de 250 000 nouveaux logements sociaux en 2021 et 2022, seuls 170 000 environ ont réellement été bâtis sur cette période (80 000 en 2021, 90 000 attendus fin 2022), alors même que 2,1 millions de Français sont en attente d’un logement social.

La dynamique d'accès au logement social est en baisse, et ce secteur affiche une situation sous tension.

Simultanément, la croissance annuelle du nombre de logements sociaux et de logements visant l'intégration des plus démunis connaît un ralentissement constant depuis le début du quinquennat, à un niveau qui n’a jamais été aussi bas depuis quinze ans, dans un contexte où le prix des logements n’a fait que croître depuis 20 ans pour atteindre une hausse de plus de 154 %. 

Comment se matérialise la politique du logement au sein des textes financiers ?

Comme chaque année, le programme budgétaire 177, intitulé "Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables" vise à financer les politiques d’accès au logement en apportant une réponse aux situations d'urgence, en particulier pour les sans-domicile. Il cherche donc à apporter des solutions face à l’augmentation du nombre de personnes à la rue, découlant de l'augmentation des flux migratoires tout comme des flux des ménages issus de la grande précarité. Il s'agit donc de mettre ces personnes à l'abri, dans des centres d'hébergement qui peuvent prendre diverses formes, et de les faire accéder au logement social ou à une solution de logement adaptée (intermédiation locative, pension de famille) au regard de leur situation (marginalité, toxicomanie, etc.).

Ainsi, ce programme comporte plusieurs objectifs visant à poursuivre la politique du "logement d’abord", qui irrigue les politiques publiques depuis les années 2000 et s’est matérialisée en septembre 2017 par le lancement du plan quinquennal "Logement d'abord", visant à diminuer le nombre de sans-abris en les faisant accéder directement au logement. Il s'agit donc de réduire au maximum les étapes entre la rue et le logement afin d’offrir aux publics les plus en difficulté un accès le plus direct possible au logement autonome. 45 territoires de "mise en œuvre accélérée" bénéficient d'un soutien technique et financier pour mettre en œuvre ce service public "de la rue vers le logement". Il s'agit à la fois de reloger les sans-abris et de repenser leur prise en charge, par un accompagnement adapté et avec un pilotage plus efficace de la lutte contre le sans-abrisme au niveau local. L'objectif est également de recentrer l'hébergement sur ses missions de réponse immédiate et urgente.

Il s'agit à la fois de reloger les sans-abris et de repenser leur prise en charge, par un accompagnement adapté et avec un pilotage plus efficace de la lutte contre le sans-abrisme au niveau local. 

Entre 2018 et mi-2022, au moins 390 000 personnes hébergées ou sans-abri ont accédé au logement social ou à une solution de logement adapté (au 31 décembre 2021, plus de 240 000 places en logement adapté et accompagné sont dénombrées), selon la Direction interministérielle pour l'hébergement et l'accès au logement. De même, les résultats en matière d’accès au logement social sont en amélioration continue depuis 2017 (6,54 % des attributions totales de logements sociaux aux ménages sans domicile sur le premier semestre 2022, contre 3,96 % en 2017). Les résultats sont positifs et encourageants, et laissent présager qu'une poursuite de ces efforts permettrait des améliorations significatives de l'accès au logement pour les plus démunis.

Le programme 177 poursuit également l'objectif d'améliorer les moyens de gouvernance et de pilotage de la politique de lutte contre le sans-abrisme. Pour cela, le Service public de la rue au logement se traduit par un pilotage au niveau départemental par le Service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO), en charge de la gestion du 115 et de la mise en lien de l'offre et de la demande en hébergement et en logement adapté. Ces services ont un rôle clé sur les territoires pour accompagner les sans-abris dans leur parcours vers le logement, dans une vision globale et adaptée à ces populations. 

Quelles dépenses octroyées pour la politique publique de la rue vers le logement dans ce PLF 2023 ?

En termes d'objectifs, à première vue, nous observons un ralentissement des objectifs de la politique du "Logement d'abord", en dépit de la priorité affichée par le gouvernement, qui annonce un second plan quinquennal. Pour les années 2022, 2023, 2024 et 2025, la part cible de sans-domicile accédant au logement social reste maintenue à 6 %, pas d'augmentation des objectifs prévus pour faciliter l'accès de la rue au logement.

Par ailleurs, concernant l'hébergement, le PLF 2023 maintient, par rapport à 2022, un objectif cible d'un taux de réponse positive du SIAO à un niveau de 54 % pour l'octroi d'un hébergement à l'issue d'un appel au 115. Encore une fois, le volontarisme de la politique publique stagne voire ralentit, dans le contexte d’un système "saturé" comme s'en alarment des députés tant de l'opposition que de la majorité. En termes financiers, il est clair que le budget 2023 illustre une dynamique de réduction des sommes engagées. 

Il est clair que le budget 2023 illustre une dynamique de réduction des sommes engagées. 

Si on a observé une hausse des crédits de paiement avec un taux de croissance annuel moyen de 9,2 % de 2017 à 2022 (1,74 Md€ en 2017, 1,95 Md€ en 2018, 1,99 Md€ en 2020, 2,20 Md€ pour le PLF 2021, 2,68 Md€ en 2022), le PLF 2023 présente un ralentissement dans cette dynamique d'augmentation avec des crédits de paiement de 2,78 Md€ (taux de croissance de 3 % entre 2022 et 2023), en anticipation d'une baisse de croissance de 2,5 % dans les années à venir : les prévisions indicatives pour 2024 et 2025 sont respectivement de 2,72 Md€ et de 2,64 Md€. 

Une hausse de 100 millions d'euros est donc attendue pour 2023. Le gouvernement a récemment annoncé vouloir remettre 40 millions d'euros pour le maintien des 14 000 places, ce qui porterait la hausse du budget à 140 millions d’euros - un chiffre ne remettant pas en cause le faible niveau de cette hausse ni les baisses à venir pour 2024 et 2025. 40 millions, c’est donc le maintien (et non pas l'augmentation) des places d'hébergement - c'est aussi, et à titre de comparaison, la somme consacrée par l'État à l'hébergement d'urgence dans le Bas-Rhin. Il est difficilement entendable de réduire si significativement la dynamique d'augmentation du budget menée jusqu'alors (+ 9 % de taux de croissance annuel du budget entre 2017 et 2022 - contre +3 % en 2023 et -2,5 % pour 2024 et 2025) alors que le nombre de personnes dans les rues ne diminue pas à la hauteur des moyens engagés.

Comment appréhender ce recul de l'intervention de l'État ?

Cette coupe budgétaire doit s'envisager dans un contexte de diminution constante des dépenses pour le logement engagée dès le début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron - l'hébergement ne faisant pas exception. De façon plus spécifique au logement social, les fonds disponibles pour les HLM ont subi une réduction de six milliards d'euros entre 2018 et 2022, notamment à la suite de la "Réduction du loyer de solidarité" (RLS) à hauteur d'1,3 milliard d’euros par an, couplée à une hausse de la TVA sur les prêts locatifs sociaux, ce qui implique une réduction de la capacité d'investissement des bailleurs sociaux, comme le montrait l'Institut Montaigne dans son bilan du quinquennat 2017-2022 sur le logement. Ces fonds auraient pu servir la construction de plus de 200 000 logements sociaux sur la période. 

Un PLF qui traduit un manque de vision et de cohérence de la politique publique "de la rue au logement" au détriment des publics les plus fragiles

Si l'ambition affichée du plan "logement d’abord" est louable et éprouvée dans d'autres pays (le "housing first" aux États-Unis, Irlande, Danemark…), elle se heurte à la réalité de sa mise en œuvre en France.

Comme le montre bien le sociologue Julien Damon dans son rapport Héberger, c’est loger ? Aux frontières du logement ordinaire (septembre 2021), l'objectif initial du "logement d’abord" (assurer l'accès direct au logement en réduisant le recours à l'hébergement temporaire) a été inversé, dévoilant une incohérence de la politique publique. En réalité, le secteur de l'hébergement s’est davantage développé que celui du logement : depuis 2010, le nombre de places d'hébergement financées dans des hôtels a augmenté de 251 %.

Depuis 2010, le nombre de places d’hébergement financées dans des hôtels a augmenté de 251 %.

En parallèle, l'offre HLM a crû sur cette période de 13 %. C’est aussi la durée de l'hébergement qui pose question. La moitié des personnes hébergées dans la nuit du 21 au 22 février 2017 le sont depuis au moins quatre mois et demi et 20 % depuis au moins quinze mois (en 2013, l'ancienneté médiane était de deux mois). N'irait-on pas au contraire vers une politique d'hébergement d'abord ?

Les solutions temporaires deviennent petit à petit la norme, sans qu'il n'y ait pour autant de moyens supplémentaires pour l'hébergement d'urgence ni de volontarisme politique clair pour le logement social. Le logement adapté est certes en hausse, mais il n'est pas suffisant, et l'accompagnement social ne semble pas être à la hauteur des besoins des publics pour se stabiliser dans un logement dont l'accès n’est par ailleurs pas garanti. 

Et si nous ouvrions la voie à un changement de modèle ?

Nous l'avons vu, l'état de la construction de logements sociaux en France est en stagnation, voire en baisse. Rappelons également que cet enjeu d'accès au logement abordable se heurte aux injonctions environnementales contre l’étalement urbain du "zéro artificialisation nette". Construire davantage de logements accessibles aux plus modestes doit donc se faire dans un cadre foncier restreint. L'équation n'est pas simple. Sans prétendre apporter des solutions, un débat peut être ouvert : au fond, comment le logement social est-il pensé en France et pour quels publics ? Comment repenser un modèle qui aujourd'hui atteint ses limites ?

Notre modèle de logement social est qualifié de "généraliste" : il ne cible pas les plus démunis mais l'ensemble des ménages disposant de faibles revenus et susceptibles de rencontrer des difficultés à se loger sur le marché dit "classique". Ainsi, la notion de "ménage modeste" pouvant prétendre au logement social revêt un caractère assez large, et environ deux tiers des ménages français sont éligibles au logement social. Or, ce pourcentage doit être mis en parallèle avec l'obligation de construction de 20 % à 25 % de logements sociaux dans certaines communes visées par l'article 55 de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain). Cela montre déjà une première limite : comment assurer à tous les Français éligibles un logement abordable avec un tel objectif de construction ? 

Le problème peut être pris dans l'autre sens : le logement social doit-il viser deux tiers des Français ou bien les plus démunis d’entre eux pour garantir l'accès au logement à ceux qui en ont le plus besoin ?

L'Institut Montaigne, dans sa note Politique du logement : rebâtir nos ambitions (février 2022) montrait que la demande exprimée par les publics les plus vulnérables n'est qu'imparfaitement satisfaite. Ainsi, les demandeurs les moins modestes accèdent plus facilement au logement social comme en témoigne un taux d’attribution de 14 %, contre 7 % pour les ménages les plus défavorisés. Par ailleurs, selon un rapport de la Cour des comptes de 2017, le parc social locatif n’accueille que la moitié des ménages vivant sous le seuil de pauvreté (équivalent à 60 % du revenu médian), soit 40 % de ses capacités mobilisées pour les plus précaires.

Le logement social doit-il viser deux tiers des Français ou bien les plus démunis d'entre eux pour garantir l'accès au logement à ceux qui en ont le plus besoin ?

Ces chiffres plaident pour une réflexion plus approfondie autour de notre modèle de logement social et des publics qu’il devrait viser en priorité. Certes, restreindre le logement aux personnes les plus précaires peut aussi créer des poches de pauvreté et transformer ce qui devrait être des "sas" en "nasses", ce qui pourrait être contre-productif et amener à des situations d'enlisement dans la pauvreté par effet de concentration. Mais alors, comment concilier les objectifs d'accès au logement et de mixité sociale dans un contexte de construction contraint ? 

Ne faudrait-il pas se poser la question des parcours résidentiels et de la mobilité résidentielle, rôle que devrait assurer le logement social ? Des évolutions législatives vont en ce sens (l'obligation d’examen triennal des conditions d’occupation des logements dans les zones tendues par exemple), mais sont-elles suffisantes pour garantir une fluidité dans les parcours ? Permettent-elles un renouvellement suffisant des publics afin de favoriser l’accès à ceux qui en ont le plus besoin, tout en garantissant un parcours vers le logement "classique" et une sortie de situations très précaires (favorisant l'insertion, donc) ? Le taux de rotation des locataires a largement diminué au sein du logement social, passant de 10,3 % en 2011 à 8,8 % en 2019 - chiffre qui ne témoigne pas d’une grande efficacité des dispositifs publics visant à favoriser la mobilité résidentielle. L'Institut Montaigne préconisait d’évaluer, au moins dans les zones tendues, l'opportunité de recourir à des contrats de bail à durée déterminée dans le parc social afin d’accroître la mobilité résidentielle.

Une autre réflexion intéressante mérite d'être ouverte, autour de la territorialisation des politiques du logement. 

Une autre réflexion intéressante mérite d'être ouverte, autour de la territorialisation des politiques du logement. Les besoins en logement ne sont évidemment pas les mêmes partout en France, tout comme les besoins d'hébergement, concentrés autour des métropoles. S'il est nécessaire de construire davantage de logements, encore faut-il que cette construction corresponde aux besoins des territoires et des zones tendues (où la demande de logement est supérieure à l'offre). 

On peut ainsi interroger la pertinence d'une politique du logement définie au niveau national, avec des objectifs de construction globaux, étant donnée la grande variété des besoins en fonction des territoires.

La décision de construire ou non appartient par ailleurs aux exécutifs locaux : ce sont les maires qui délivrent les permis de construire. Les communes ciblées par la loi SRU sont certes soumises à l'obligation de construction de logements sociaux, mais dans les faits, beaucoup de maires préfèrent se soumettre aux sanctions plutôt que de construire des HLM. Cela veut-il dire que l'on doit prendre des mesures supplémentaires ? On pourrait a minima réfléchir à la gouvernance de notre politique du logement et assumer une dépolitisation de l'acte de construire, en transférant systématiquement la délivrance du permis de construire aux Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), qui ne sont pas soumis aux calendriers électoraux, comme le préconise l'Institut Montaigne dans sa note de février 2022.

La lutte contre le sans-abrisme ne peut se limiter aux seules solutions d'hébergement d'urgence, au détriment de l'accès au logement pérenne. Elle ne doit pas non plus dégrader ces solutions temporaires sans au moins tenter d’apporter des réponses de moyen-long terme aux centaines de milliers de sans abris qui restent exclus. Indéniablement, hébergement et logement doivent rester des objectifs intégrés de la politique du logement. Mais il est aujourd'hui nécessaire de repenser l'objectif de cette dernière, d'accepter d'ouvrir un débat profondément politique et social, qui dote le logement d'une vision claire sur ses priorités, en particulier pour ceux qui se situent tout en bas de l'échelle. Ces quelques réflexions ne constituent pas des solutions miracles, mais plaident pour une politique du logement qui refuse d'accepter que 300 000 citoyens continuent d'être privés d'un logement durable, et que cette situation se dégrade d’année en année.

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