Rechercher un rapport, une publication, un expert...
Ouvrage
Mai 2016

Un autre droit du travail
est possible

Auteurs
Bertrand Martinot
Expert Associé - Apprentissage, Emploi, Formation Professionnelle

Économiste, Bertrand Martinot est spécialiste français de la question du chômage, des politiques de l’emploi et du dialogue social.

Franck Morel
Expert Associé - Travail et Dialogue Social

Expert reconnu du droit du travail depuis plus de vingt ans, Franck Morel est avocat associé chez Flichy Grangé Avocats.

Téléchargements

Inefficace, complexe et obèse. Un constat largement partagé !

Le droit du travail ne fait aujourd’hui que des mécontents parmi les salariés, les syndicats et le patronat car il est :

  • inefficace : il n’atteint pas les objectifs, qu’il s’est pourtant lui-même fixé, d’organisation du travail et de protection des travailleurs ;
  • complexe : il donne le sentiment à aux employeurs, aux salariés et aux chômeurs d’être complétement dépassés par la multiplication des textes ;
  • obèse : 3.000 pages, 8.000 articles, le Code du travail est régulièrement critiqué en raison de son poids.

Afin de répondre aux défis d’une société en pleine mutation, de redonner du sens au travail et s’adapter aux nouvelles formes d’emploi, notre droit du travail doit évoluer. C’est pourquoi il est impératif de refonder dans sa globalité le droit du travail : de son élaboration par le législateur à son application dans l’entreprise et son interprétation par le juge.

C’est l’objet de l'ouvrage "Un autre droit du travail est possible", essai de Bertrand Martinot et Franck Morel, réalisé en partenariat avec l’Institut Montaigne. 

Un droit inflationniste, bavard et contradictoire: comment en est-on arrivé là ?

Un droit inflationniste : atteint d’une véritable boulimie normative, le droit du travail a considérablement gonflé ces trente dernières années. Si des normes (lois, décrets, règlement, etc.) qui bougent sont le marqueur d’un droit qui s’adapte aux évolutions de notre société et à sa complexité croissante, ce mouvement est aussi source d’insécurité, pour l’employeur comme pour le salarié.
 

Entre 1985 et 2015, le Code du travail est passé de 1 013 à 3 077 pages.

Plus de 50 pages du Code du travail sont consacrées à la seule question de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, dont 90% n'ont aucune portée normative.

Un droit bavard : les normes déclaratives, qui ne font qu’édicter de grands principes sans engendrer de véritables obligations se multiplient, créant des « vides juridiques » auxquels il devient urgent de répondre par de nouvelles lois. Cette multiplication est doublement négative : elle dégrade la qualité du droit et entretient le cercle vicieux de l’inflation normative. Citons par exemple cet article du Code du travail qui proclame que « tout jeune de seize à vingt-cinq ans révolus en difficulté et confronté à un risque d’exclusion professionnelle a droit à un accompagnement organisé par l’État, ayant pour but l’accès à la vie professionnelle ». Sans précisions concernant le financement, sans contenu concret.
 

Un droit qui se contredit : notre droit est en contradiction avec la réalité du monde du travail d’aujourd’hui. La législation sur le contrat de travail en est l’exemple le plus emblématique : « le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail » énonce l’article L. 1221-2 du Code du travail. Pourtant, en 2014, 86 % des embauches ont été réalisées en CDD. 

Le Code du travail n’est pas l’unique fautif

De son élaboration à son interprétation par le juge, c’est le droit du travail dans sa globalité qu’il faut refonder.

1. L’élaboration : accaparée par la loi, elle repose essentiellement sur l’initiative étatique. Cette loi envahissante laisse peu de place aux autres acteurs. Elle limite l’intérêt des négociations d’entreprise, elle étouffe les conventions et forme une conception infantilisante du dialogue social. 

Les autres acteurs de l’élaboration de la norme ont eux-mêmes leurs faiblesses. Les branches professionnelles sont trop nombreuses : 700 en France contre seulement une cinquantaine en Allemagne. De petite taille, elles n’atteignent souvent pas la masse critique pour compter dans les négociations. Enfin, la moitié des branches n’a eu aucune activité conventionnelle au cours des trois dernières années. Résultat : très peu de négociations interprofessionnelles ont abouti à des changements susceptibles d’avoir un effet positif sur l’emploi.

2. L’interprétation par le juge : aléatoires, longues et contraignantes,  les procédures judiciaires de licenciement en France affichent un délai moyen parmi les plus élevés d’Europe. Cette lenteur procédurale est source d’insécurité pour l’employeur comme pour le salarié.

On observe également une concurrence entre la loi et la jurisprudence. Qu’il s’agisse d’interprétations du juge qui s’éloignent de l’esprit initial de la loi ou qui en élargit considérablement le spectre, les deux phénomènes alimentent l’inflation législative. C’est le cas notamment en matière de santé et de sécurité au travail, champ totalement redessiné par le juge, sans que le législateur n’ait pu l’anticiper. 

Libérer, organiser, protéger : un programme clé en main pour réformer le droit du travail

« Sécurisation » et « simplification » structurent aujourd’hui l’ensemble des débats sur la réforme du droit du travail. Indispensables à son bon fonctionnement, ces deux ambitions ne peuvent à elles seules nourrir un programme. Libérer, organiser et protéger sont une feuille de route plus cohérente car ce triptyque redonne un sens au droit du travail. Libérer le travail, organiser au mieux les relations sociales et protéger le travailleur : trois conditions qui, si elles sont remplies, contribueront à l’émergence d’un véritable « droit de l’activité » permettant de dépasser le droit du travail classique. Découvrez cinq de nos propositions, parmi de nombreuses autres, pour refonder notre droit du travail dans sa globalité : 

1
Réformer le contrat de travail :
le CDI conventionnel
Détails

Pour sortir des blocages et complexités actuels, il est aujourd’hui nécessaire de créer un nouveau contrat de travail. Un contrat conventionnel, dans lequel les parties pourront précontractualiser des situations de rupture dans une liste ou des limites fixées par la loi, avec une indemnité spécifique versée en cas de licenciement. La loi définirait les principes généraux du licenciement et renverrait au dialogue social le soin de détailler les motifs légitimes branche par branche et entreprise par entreprise. Ce « CDI conventionnel » permettrait de répondre tant au besoin de sécurité de la rupture qu’à la nécessité de réduire le dualisme du marché du travail. A la dualité CDI/CDD se substituerait donc un continuum de solutions contractuelles en phase avec la diversité des situations. 

2
Définition du temps de travail :
donner plus de place à l’entreprise
Détails

Il faut ainsi permettre de fixer conventionnellement la durée de travail de référence, seuil de déclenchement des heures supplémentaires, dans la limite de 39 heures par semaine. C’est l’accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche, qui fixerait cette durée de référence. Au bout de deux ans et à défaut d’accord, l’employeur pourrait la fixer unilatéralement jusqu'à ce niveau. 

3
Réformer les Instances de représentation de personnel :
une seule instance élue
Détails

Une simplification drastique des instances de représentation du personnel est aujourd’hui nécessaire. Elle devra s’accompagner d’une participation accrue de ces instances aux décisions concernant l’entreprise. A partir de 50 salariés,  il est donc proposé de fusionner les fonctions de délégués du personnel, le comité d’entreprise, le CHSCT et les postes de représentants syndicaux auprès de ces instances pour créer une seule et unique instance. 

4
Donner toute sa place à la règle négociée
et faire primer l’accord d’entreprise
Détails

La généralisation de la primauté de l’accord d’entreprise sur les accords de niveaux supérieur semble aujourd’hui fondamentale. Elle permettrait de réhabiliter la dimension collective en privilégiant la convention plutôt que la loi et le règlement.  Il est ainsi proposé d’inscrire l’accord collectif dans la Constitution. Cette assise constitutionnelle limiterait l’interventionnisme tous azimuts de la loi dans le champ de la norme négociée. L’accord collectif serait ainsi pleinement reconnu comme une source autonome de la norme en droit du travail. 

5
Créer de nouvelles protections :
un CPA vraiment redistributif
Détails

Le compte personnel d’activité doit permettre à tous les actifs du secteur privé (mais également du secteur public si, comme il est souhaitable, les statuts publics évoluaient pour converger vers le droit du travail) d’accumuler des droits à des heures de formation, des bilans de compétence et toute autre prestation d’aide à la reconversion professionnelle et de conseil en orientation. Son périmètre actuel est totalement inadapté. Il est nécessaire de le redéfinir fortement pour en faire un outil véritablement protecteur.
Pour ce faire : il devrait tout d’abord voir ses moyens considérablement renforcés (seulement 1 milliard d’euros prévus aujourd’hui) et être vraiment redistributif (donc attribuer davantage de moyens aux actifs qui en ont le plus besoin). Il devrait en outre donner droit à des prestations de qualité, que ce soit en termes de formations ou de prestations d’orientation et de conseil, ce qui suppose de faire émerger un marché de prestataires de service dans tous ces domaines. Enfin, l’Unédic devrait évoluer, pour passer du simple rôle d’indemnisateur du chômage à une caisse de soutien au revenu des actifs en phase de transition professionnelle. 

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne