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Rapport
Septembre 2015

Sauver le dialogue social
Priorité à la négociation d’entreprise

<p><strong>Sauver le dialogue social</strong><br />
Priorité à la négociation d’entreprise</p>
Groupe de travail

 

  • Gérard Adam, professeur émérite au CNAM, co-président du groupe de travail
  • François Béharel, président du groupe Randstad France, membre du conseil d’administration du groupe Randstad holding, co-président du groupe de travail
  • Eric Aubry, ancien conseiller social du Premier ministre François Fillon
  • Pierre Cahuc, professeur d’économie à l’Ecole polytechnique et chercheur au CREST
  • Yannick Faure, chargé de cours à l’Université Paris 1, co-rapporteur du groupe de travail
  • Sylvie Grandjean, directrice des ressources humaines, REDEX SA
  • Gwennhaël François, avocat, Cabinet Barthélémy avocats, co-rapporteur du groupe de travail
  • René Lasserre, professeur des universités, directeur du Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne (CIRAC)
  • Bertrand Martinot, ancien délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle
  • Franck Morel, avocat associé, Cabinet Barthélémy avocats, ancien conseiller de plusieurs ministres du Travail
Personnes auditionnées

 

  • Jean Agulhon, directeur des ressources humaines, Renault France
  • Jacques Barthélémy, avocat consultant en droit social, ancien professeur associé à la faculté de Montpellier, fondateur en 1965 du cabinet éponyme
  • Emmanuelle Barbara, managing Partner August & Debouzy, membre du comité directeur de l’Institut Montaigne
  • Jacques Creyssel, délégué général, Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, ancien directeur général du Medef
  • Marie-Noëlle Lopez, directrice, Planet Labor
  • Jean Pelin, directeur général et Laurent Sellès, directeur Affaires sociales, emploi, formation, Union des industries chimiques
  • Alexandre Saubot, président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie
  • Jean-Charles Simon, fondateur, Facta Media, ancien directeur général délégué du Medef
  • Jean-Dominique Simonpoli, fondateur et directeur général de l’association Dialogues

En janvier 2015, après plus de quatre mois de discussion, la négociation sur le dialogue social menée par le patronat et les syndicats de salariés s'est achevée sur un échec. Dominé par un Etat législateur omniprésent, le modèle français de dialogue social laisse peu de place aux partenaires sociaux et multiplie les échelons de négociation sans parvenir à ménager un rôle clair à l’accord d’entreprise. 

Echange à trois entre gouvernement, syndicats de salariés et patronat, le dialogue social devrait permettre de réformer le marché de l’emploi en traitant de sujets aussi divers que l'emploi des seniors, les chômeurs de longue durée, la formation professionnelle, etc. Mais ce dialogue repose en réalité sur la défiance entre les acteurs, défiance qui entraine une profusion de lois, de règles procédurales et un contrôle tatillon du juge.

 

Le dialogue social en France est un échange entre trois acteurs

Quels en sont les résultats sur le marché de l’emploi ? 

Le taux de chômage se maintient en France à un niveau durablement élevé, supérieur à 10 % de la population active, et près du quart des jeunes de 15 à 24 ans est en recherche d’emploi. Un consensus existe aujourd’hui sur la nécessité de mettre en place des réformes structurelles sur le marché de l’emploi afin de remédier à ce fléau. 

La seule inconnue est celle de la méthode : comment mener ces réformes ? 

Comment organiser le dialogue avec les parties prenantes pour trouver les bons compromis ? 

La faiblesse du dialogue social est en grande partie responsable de notre incapacité à réformer vraiment le marché de l’emploi. 

Dès lors, comment réduire l’excès de normes, simplifier la négociation et mettre en place des réformes pour relancer l’emploi ? 

Et si la solution se trouvait dans l’entreprise ? 

Ce rapport propose de mettre en œuvre de nouveaux principes et méthodes ménageant une vraie place à l’accord collectif, en particulier au sein de l’entreprise, pour permettre un dialogue social plus représentatif, plus fort, au service de la compétitivité et de l’emploi.

La négociation sociale en France un modèle obsolète ?

La supériorité de la loi laisse peu de place 
à la négociation collective et aux partenaires sociaux

La loi détermine les principes
fondamentaux du droit du
travail, du droit syndical
et de la sécurité sociale. 
Article 4 de la Constitution de 1958

En France, c’est le législateur qui prédomine dans la construction des normes relatives au travail et à l’emploi. La place subalterne de la négociation collective par rapport à la loi constitue une spécificité française. Cet interventionnisme des pouvoirs publics sur les questions relatives à l’emploi trouve ses racines dans notre histoire : jacobinisme fort, méfiance vis-à-vis des corps intermédiaires, culture contestataire des syndicats.

Ainsi, le modèle français de négociation sociale peut apparaitre comme un handicap majeur : trop complexe, trop formel, il laisse peu de place aux débats sur la stratégie des entreprises, donne trop de place à la loi et multiplie les échelons de négociation (interprofessionnel, branche, entreprise) sans parvenir à ménager un rôle clair à l’accord d’entreprise. D’autres pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou encore l’Italie ont choisi de donner plus d’autonomie et de responsabilité aux partenaires sociaux pour traiter les questions relatives au marché de l’emploi.
 

La hiérarchie des normes en droit du travail : 
le contrat de travail en bas de la pyramide

Des partenaires sociaux peu représentatifs et aux responsabilités limitées

La faiblesse de la négociation collective est liée au manque d’autonomie des partenaires sociaux, dont l’agenda est très souvent imposé et les sujets de négociation d’importance variable. Or, un dialogue social de qualité doit se nourrir de véritables contenus et s’appuyer sur une responsabilité forte des acteurs : une des clés du problème français réside dans ce sentiment de dépossession des acteurs, privés d’une bonne part de leur autonomie.

Dans d’autres pays,  l’autonomie des partenaires sociaux est un facteur décisif de succès du dialogue social. Une forte logique d’autonomie est ainsi à l’œuvre en Allemagne, en Autriche et en Italie par exemple. Elle implique une présence de la loi plus limitée qu’en France, dès lors que  les partenaires sociaux déterminent eux-mêmes la majeure partie des règles du droit du travail.  C’est ainsi qu’au Danemark, la négociation collective représente plus des trois quarts du cadre normatif applicable en la matière, seuls quelques textes de loi déterminant un cadre minimal.

Cette autonomie va souvent de pair avec un taux de syndicalisation élevé. Les transformations du syndicalisme français l'ont conduit en 25 ans d'un  taux de syndicalisation d'environ 25 % à moins de 7 % aujourd'hui (et moins de 4 % dans le secteur privé), taux parmi les plus bas de l’Union européenne. Cette tendance ne fait que s'accélérer et l'on voit apparaître de véritables déserts syndicaux dans un certain nombre de professions.

Le syndicalisme français
est en perte de vitesse depuis 1945


Taux de syndicalisation en France
(secteurs public et privé)

Le taux de syndicalisation en France
est un des plus bas de l’Union européenne


Taux de syndicalisation en 2012-2013
(secteurs public et privé)

Un rôle encore trop subsidiaire de l’entreprise malgré une vraie dynamique de négociation

L’entreprise est l’échelon de la proximité et le cadre naturel de la négociation sociale

Malgré cette dynamique de négociation, la conception française du droit du travail reste très pyramidale et l’entreprise, placée à sa base, ne dispose que de peu de marge de manœuvre. L’accord d’entreprise, soumis à cette hiérarchie des normes ne permettant pas son autonomie, conserve un statut très subsidiaire et encadré.

Les possibilités de dérogation qui lui sont ouvertes se sont élargies depuis les lois Auroux (1981) mais restent encore limitées. 

C’est pourtant dans l’entreprise que peuvent être trouvés les compromis au service de la compétitivité des entreprises et de l’intérêt des salariés.

De plus, la qualité des interlocuteurs syndicaux est un enjeu majeur. L’investissement dans la formation des représentants du personnel a tendance à se réduire, alors que la négociation sociale se complexifie et exige des compétences de plus en plus élevées. La  fluidité entre engagement syndical et activité professionnelle reste faible  : contrairement à ce qui peut exister dans d’autres pays, l’exercice des fonctions syndicales n’est pas encouragé en France et la reconversion des représentants syndicaux n’est pas accompagnée ni valorisée au sein des entreprises.

Des branches professionnelles trop nombreuses et morcelées

Généralement moins nombreuses qu’en France, les branches apparaissent chez nos voisins comme le lieu par excellence du dialogue social. En Allemagne, comme dans un grand nombre de pays, elles jouent un véritable rôle de socle pour la négociation d’entreprise, en déterminant ce qui est laissé à ce niveau de proximité. 

Là où l’Allemagne compte une cinquantaine de branches, dont le rôle et la puissance assurent la qualité du dialogue social Outre-Rhin, la France compte environ 700 branches professionnelles (hors secteur agricole) dont plus de 400 couvrant moins de 5 000 salariés et représentant des secteurs d’activité très spécialisés. 


Branches professionnelles

Beaucoup de branches ont une activité de négociation très réduite voire inexistante et seules quelques dizaines de branches jouent véritablement le jeu du dialogue social et assurent une négociation fréquente et de qualité.

Pour un dialogue social au service de l’emploi et de la compétitivité

1
RECENTRER LA NÉGOCIATION SOCIALE
AUTOUR DE L’ENTREPRISE
Détails

Proposition n° 1 :
Reconnaître l’accord collectif comme une norme à part entière dans la Constitution.

Proposition n° 2 :
Faire de l’accord d’entreprise la norme de droit commun de fixation des règles générales des relations de travail, dans le respect de l’ordre public social absolu. 

La loi, le décret et l’accord de branches deviendraient supplétifs. Les thèmes où il ne serait pas possible de déroger par accord d’entreprise seraient définis précisément, tout comme ceux relevant de la négociation de branche, que l’on pourrait qualifier « d’ordre public professionnel ».

2
SIMPLIFIER ET AMÉLIORER LE DIALOGUE
SOCIAL DANS L’ENTREPRISE
Détails

Proposition n° 3 :
Permettre une meilleure formation et des déroulés de carrière plus satisfaisants pour les représentants syndicaux et les élus : 

- accompagner la prise de fonction par une formation sur les dimensions stratégiques, économiques et juridiques autre que la « formation économique, sociale et syndicale » ; 

- abonder de façon obligatoire le compte personnel de formation à l’issue de deux mandats consécutifs ; 

- pour éviter un syndicalisme d’appareil et permettre aux représentants de garder un pied dans la réalité de l’entreprise : 

o limiter à deux mandats consécutifs ;
o limiter le(s) mandat(s), par exemple à 50 % du temps de travail.

Proposition n° 4 :
Renforcer la légitimité des représentants du personnel dans l’entreprise :

- exiger des délégués syndicaux qu’ils soient élus ;

- fusionner les instances de concertation en une seule instance, sans seuils d’effectifs. Une proposition alternative pourrait être de fusionner l’ensemble des instances (concertation et négociation) ;

- lors du premier tour des élections professionnelles : soit instaurer un seuil minimal de participation, soit supprimer le monopole syndical de présentation des candidats ;

- en cas d’absence de délégués syndicaux, permettre au comité d’entreprise de devenir un organe de négociation sans validation par une commission de branche.

Proposition n° 5 :
Généraliser progressivement le principe de l’accord d’entreprise majoritaire (conclu par des organisations ayant recueilli 50 % des suffrages).

Proposition n° 6 :
Formuler un principe général de primauté de l’accord collectif sur le contrat de travail, sauf exception précisément définie par la loi. Si le salarié refusait la modification d’un élément de son contrat par une disposition de l’accord, alors ce refus impliquerait un licenciement pour cause réelle et sérieuse avec des indemnités inférieures aux indemnités classiques.

Proposition n° 7 :
Étendre les référendums normatifs à tout accord qui serait plus favorable que les règles applicables à défaut d’accord. Ouvrir cette possibilité avec les mêmes restrictions à défaut d’accord avec les organisations syndicales à un texte soumis à l’approbation des élus du personnel. Fixer par la négociation collective un cadre à l’utilisation du référendum consultatif.

Proposition n° 8 :
Poser le principe de la présomption de conformité de tout accord collectif aux dispositions légales et aux principes généraux qui lui sont applicables.

3
RECENTRER ET RENFORCER BRANCHES
Détails

Proposition n° 9 :
Subordonner l’extension des accords de branche à une masse critique suffisante ou à une dynamique régulière de négociation.

Proposition n° 10 :
Poser en principe que les accords de branche ne sont conclus que pour une durée déterminée. Une durée maximale (par exemple cinq ans) pourrait être fixée par décret.

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