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C’est avec une économie en état de choc, durablement fragilisée par la crise, que la France sortira de la crise sanitaire que nous traversons. Et vraisemblablement avec des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires (selon les prévisions du Gouvernement du projet de loi de finances (PLF) pour 2021) par rapport à la situation actuelle, un taux de chômage qui devrait se situer aux alentours de 11 % (son niveau du milieu des années 1990) et une dette publique record.

Dans ce contexte difficile, l’une des mesures phares du programme d’Emmanuel Macron refait surface : l’idée d’un système de retraites universel. Ce chantier, lancé bien avant la crise, pourrait être remis sur le devant de la scène afin d’aboutir avant la fin du quinquennat. Mais quelle place reste-t-il pour un tel débat ? Et quel impact la crise économique va-t-elle (ou doit-elle) avoir sur la nature des discussions ?

Les retraites à replacer dans la situation de crise

Sur les finances publiques, la crise a eu deux principaux effets :

  • Les finances publiques ont absorbé la plus grande partie du choc de la crise, notamment en payant une part importante des salaires de la population pendant plusieurs mois (selon la DARES, le coût du chômage partiel pour l’État et l’Unedic a atteint 22 Mds€ fin août 2020), en ayant organisé le report de paiement d’impôts et de cotisations sociales et, de manière plus marginale, en subventionnant les entreprises. En pratique, les ménages n’ont pour le moment que peu payé le vrai prix de la crise. À l’inverse, les entreprises ont davantage souffert de la crise et les administrations publiques ont porté la majorité de son coût. Au total, la dette publique devrait croître de l’ordre de 20 points de PIB en 2020, à un rythme et à un niveau jamais atteints depuis la Seconde Guerre mondiale.
     
  • Les finances publiques vont être durablement dégradées par la baisse "structurelle" de l’activité économique : on ne reviendra pas sur la trajectoire de croissance d’avant-crise, et cet écart d’activité économique (que le Gouvernement, dans le Rapport Économique, Social et Financier (RESF) lié au PLF 2021, estime d’un peu plus de 2 points de PIB) pénalisera durablement les finances publiques. Cette estimation est en elle-même peu documentée : à titre de comparaison, l’Insee estimait cet été que le PIB retrouverait, fin 2020 - en l’absence de rechute de la crise sanitaire - un niveau de l’ordre de 4 % en dessous du PIB de l’année 2019.

    Après la crise, les dépenses publiques resteront inchangées, voire auront augmenté avec des mesures de dépenses durablement installées dont l’utilité nous paraît, au demeurant, incontestable dans la conjoncture actuelle. À l’inverse, les recettes publiques vont être durablement affectées, de plus d’un point de PIB. Le solde public "structurel" de la France va donc être affecté par la crise sur le long terme. Les efforts à consentir pour assainir les finances publiques - et préserver notre souveraineté nationale – sont ainsi bien plus importants qu’avant la crise. Le solde public, tel que prévu par le Gouvernement, serait de -6,7 points de PIB en 2021, -4,9 en 2022 et resterait à -2,9 en 2025 (malgré des hypothèses déjà ambitieuses d’efforts de redressement des finances publiques à partir de 2023). De plus, il faut garder à l’esprit que cet effort d’ajustement des finances publiques deviendra encore plus important lorsque la BCE mettra un terme à son programme spécial d’achats d’actifs "anti-Covid" (Pandemic Emergency Purchase Programme de 1 350 Mds€). L’effort de rigueur budgétaire que doit réaliser l’État pour stabiliser ou réduire la dette publique dépend du niveau de dette et de solde public, et de l’écart entre la croissance économique et les taux longs. Actuellement, les taux des obligations de l’État sont bas (autour de -0,30 % sur 10 ans), parce que la Banque Centrale Européenne (BCE) rachète une grande partie des titres émis sur le marché secondaire. Dès que la BCE cessera ces rachats, le taux de l’obligation assimilable du Trésor (OAT) augmentera, l’écart entre les taux longs et la croissance du PIB se réduira et il faudra donc améliorer le solde public, pour ne serait-ce que stabiliser la dette. La BCE a annoncé qu’elle le maintiendrait au moins jusqu’en juin 2021, et jusqu’à ce que la phase de crise du Covid-19 soit terminée, ce qui laisse une certaine marge d’appréciation sur sa décision d’arrêter ou non ce programme d’achats d’actifs.

 

Réformer les retraites en temps de crise - Infographie 1

 

Une fois ces données de court terme analysées, les crises affectent souvent durablement la croissance économique. Eric Chaney, conseiller économique de l’Institut Montaigne, a récemment abordé cette question dans une note sur la relance de l’investissement après la crise sanitaire. Or, le Gouvernement n’en a à ce stade pas tenu compte. Cette baisse de la croissance potentielle conduirait alors mécaniquement à réduire les marges de manœuvre budgétaire à l’avenir. De surcroît, une diminution de la croissance potentielle, qui ne peut être exclue au regard des épisodes passés de crise, conduirait les finances publiques à durcir chaque année leurs efforts (diminution de dépenses, hausse de prélèvements obligatoires) pour arriver au même résultat qu’avant la crise.

 

Réformer les retraites en temps de crise - Infographie 2

 

Ce contexte très dégradé des finances publiques est cependant nuancé par la mise en place d’un plan européen de relance et un endettement commun à l’ensemble des pays européens, qui les lient solidairement sur une partie de leurs dettes.

Néanmoins, il peut paraître illusoire d’imaginer que cet endettement commun puisse donner à la France une marge de manœuvre supplémentaire pour s’endetter : le niveau de dette atteint est déjà élevé et la place dans une situation à risque. Il est proche de celui de l’Italie en 2011 (c’est-à-dire au lendemain de la crise financière de 2008-2009), qui a ensuite eu des difficultés pendant la crise des dettes souveraines au sein de la zone euro entre 2012 et 2014.

La mise en commun de certaines dettes publiques correspond à un effort très important de la part de plusieurs pays, qui n’iront vraisemblablement pas plus loin pour le moment dans les efforts consentis. En particulier, il paraît inimaginable à ce stade, pour ces pays, qu’il y ait une restructuration ou une annulation de la dette par la BCE. Ces efforts pourront tout de même être facilités par une politique monétaire accommodante, comme c’est le cas aujourd’hui.

Il faudra donc faire des efforts sur nos finances publiques dans les années, voire probablement dans les décennies qui viennent.

Dans ce contexte, où en est-on sur les retraites ? Qu’est-ce que la crise a changé ?

Un financement incertain

De la même manière que pour l’ensemble de nos finances publiques, la situation du financement de nos régimes de retraites s’est dégradée : les dépenses n’ont été que très peu impactées, à la hausse comme à la baisse, par la crise (les décès liés à la crise sanitaire - de l’ordre de 33 000 à mi-octobre - ne correspondent qu’à 0,2 % du nombre de retraités) tandis que les cotisations vont être durablement affectées par la diminution de l’activité et l’augmentation du chômage. Au total, si l’on retient un impact durable de la crise de deux points sur l’activité économique, le déficit des régimes de retraites serait creusé au moins de l’ordre de 0,2 à 0,3 point de PIB, c’est-à-dire de 5 à 6 Mds€. Comme mentionné ci-dessus, cette évaluation est très provisoire et vraisemblablement un peu optimiste. Un impact durable de la crise de l’ordre de quatre points de PIB (comme le FMI semble le suggérer dans sa dernière projection d’octobre 2020, World Economic Outlook) conduirait à dégrader les comptes des régimes du double, c’est-à-dire de plus de 10 Mds€.

Le déficit des régimes de retraites, qui était prévu à 27 Mds€ en 2030 (dans le cadre du scénario le plus pessimiste du rapport du COR de novembre 2019, mais qui correspond au scénario le plus central selon l’Institut Montaigne au regard de certaines hypothèses particulièrement volontaristes des scénarios présentés), devrait donc désormais dépasser nettement les 30 Mds€ à cet horizon. De ce fait, le COR estime que le déficit dépassera 25 milliards d’euros dès 2020.

Par rapport aux scénarios du COR de novembre 2019, ceci signifie donc que le déficit prévisionnel des régimes aura augmenté d’au moins 20  %, et ce, dans le cadre d’une estimation prévisionnelle. Autrement dit, si les réformes de financement étaient nécessaires auparavant au regard des données publiées dans ces rapports il y a un an, elles sont devenues indispensables : la crise accélère la dégradation financière de notre régime et la nécessité de sa réforme.

Des retraités épargnés par la crise

La situation relative moyenne des retraités par rapport à l’ensemble de la population s’est par ailleurs améliorée : économiquement, les retraités n’ont en pratique pas été affectés par la crise, et ne seront pas affectés par la hausse du chômage à venir. Il convient de souligner qu’auparavant, la situation d’un retraité était déjà favorable – avec de l’ordre de 7  % de pouvoir d’achat en plus (par unité de consommation) que les actifs. Cet écart, significatif, de pouvoir d’achat provient en grande partie du fait qu’ils n’ont la plupart du temps pas d’enfants à charge. Par ailleurs, les retraités sont deux fois moins souvent pauvres que l’ensemble de la population.

Si les données d’avant crise montrent une rupture d’équité intergénérationnelle, la crise va accroître cette iniquité.

Or si les données d’avant crise montrent une rupture d’équité intergénérationnelle, la crise va accroître cette iniquité. L’écart de pouvoir d’achat post-crise pourrait augmenter d’au moins quatre points par rapport à la situation d’avant crise, voire davantage si l’on finançait le trou des finances publiques par des prélèvements obligatoires à la charge des actifs.

Enfin, la crise pose la question du devenir des réserves des régimes de retraite complémentaire obligatoires. Le projet de réforme des retraites prévoit la fusion de ces régimes dans le cadre d’un régime universel, et n’expliquait pas clairement jusqu’ici si leurs 100 Mds€ de réserves allaient être ou non mutualisés : on pouvait légitimement craindre que dans l’esprit de certains, ces réserves puissent être utilisées pour financer le déficit structurel et les pensions versées par d’autres régimes fusionnés dans la future caisse universelle. La crise du Covid-19 devrait faire fondre rapidement ces réserves : pour ne prendre que l’exemple de l’AGIRC-ARRCO, le régime - à l’équilibre en 2019 - sera déficitaire de plus de 6 Mds€ en 2020. À ce rythme, ses 60 Mds€ de réserves (par ailleurs investis en titre, dont la valeur est dépréciée par la crise du Covid-19) ne survivront pas longtemps.

Des constats réalisés en début d’année, et plus que jamais d’actualité

Les principaux constats mis en avant par l’Institut Montaigne en mars dernier restent ainsi pleinement d’actualité.

  • Les dépenses publiques en matière de retraites représentent une part importante de la richesse nationale : la France est l’un des pays de l’OCDE qui dépense le plus pour ses retraites, avec la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Autriche. Trois facteurs expliquent l’importance et la générosité de ces dépenses de retraite en France :
     
    • l’âge effectif de départ à la retraite est l’un des plus bas de l’OCDE (autour de 60 ans, contre plus de 65 ans dans tous les grands pays industrialisés (y compris en France avant 1983), et 70 ans en Corée du Sud et au Japon), tandis que l’âge minimal de départ en retraite est aussi parmi les plus bas.
       
    • le taux de remplacement, c’est-à-dire les pensions touchées au moment de l’entrée dans le système de retraite rapportées au dernier salaire, est en moyenne plutôt généreux : pour un salarié au salaire moyen de l’économie, le taux de remplacement de 60 % est l’un des plus élevé des pays de l’OCDE (moins de 50 % en moyenne, que ce soit au niveau du taux de remplacement brut ou net, c’est-à-dire en prenant en compte, ou non, les prélèvements obligatoires).
       
    • la part des dépenses de retraite dans le PIB dépend également de la démographie (rapport "retraités/actifs"), ce dernier facteur ne dépendant pas directement de la politique menée par un pays, à l’inverse des deux autres.
  • Puisqu’il faut financer ces dépenses, la conséquence logique est que les cotisations sociales en France sont parmi les plus élevées de l’OCDE au niveau du salaire moyen. Ce taux de cotisation très élevé pénalise la compétitivité de l’économie française et favorise un taux de chômage structurel important. Le coût du travail n’explique pas à lui seul la totalité du chômage relativement à d’autres facteurs, mais c’est un déterminant important. Toutes les études scientifiques démontrent que des cotisations sociales élevées favorisent un taux de chômage élevé.

Le taux de pauvreté des retraités français est l’un des plus bas de l’Union européenne (7,3 % contre 13,4 % en moyenne en zone euro).

    L’objectif de solidarité de ce système de retraites coûteux, généreux et redistributif est ainsi pleinement atteint : le taux de pauvreté des retraités français est l’un des plus bas de l’Union européenne (7,3 % contre 13,4 % en moyenne en zone euro). Il est deux fois moindre que la moyenne de la population française (voir Fiche 10) et près de trois fois moindre que le taux de pauvreté des enfants.

    Une réforme indispensable dans les années à venir, mais un équilibre délicat à trouver

    Une réforme des retraites apparaît nécessaire dans le cadre du redressement à mener de nos finances publiques. Les dépenses de retraites, représentant de l’ordre du quart de nos dépenses publiques, ne peuvent être exclues des efforts d’économies à envisager. Elles représentent, de plus, un des principaux risques de dérapage des dépenses au cours de la prochaine décennie, à l’instar de la décennie passée en dépit des nombreuses réformes déjà réalisées.

    Pour autant, une réforme des retraites ne devrait pas percuter la reprise économique, déjà fragilisée par la longueur de la crise sanitaire. La mise en place de réforme des retraites peut en effet générer des angoisses et inquiétudes chez les personnes concernées, car elle induit un accroissement des incertitudes et peut donc conduire à la mise en place par les ménages d’une épargne de précaution (éventuellement subie en raison des mouvements sociaux accompagnant une telle réforme). Une telle réforme peut également désorganiser, pendant une période donnée, la vie des entreprises, notamment en matière de dialogue social, et donc nuire à l’investissement et à la productivité de celles-ci.

    Une telle réforme doit donc, dans la mesure du possible, être menée dans la concertation avec les partenaires sociaux, à la fois pour associer au mieux les salariés concernés et pour tenter d’éviter ou simplement de limiter les blocages sociaux néfastes à l’activité et donc à l’emploi.

     

    Réformer les retraites en temps de crise - Infographie 3

     

    La réforme des retraites envisagée par le gouvernement fin 2019 visait à mettre en place un régime de retraite universel, qui permettrait de favoriser la mobilité des travailleurs – et donc de diminuer le chômage structurel de l’économie – tout en harmonisant les droits de chacun, dans un but de recherche d’équité. Elle a cependant buté sur l’incertitude créée par la période de transition et par les situations individuelles, et ce d’autant plus qu’il était indispensable de la coupler avec une réforme "paramétrique", c’est-à-dire de changement des "paramètres" des régimes (les paramètres correspondant principalement à l’âge de départ à la retraite et au taux de remplacement), afin d’obtenir un effet positif sur les finances publiques.

    Si elle peut être bénéfique à long terme, notamment en matière de lisibilité et de mobilité des travailleurs, la mise en place immédiate d’un système universel et d’une caisse unique apparaissent aujourd’hui de second rang au regard de la situation de nos finances publiques et de notre économie. Il serait en revanche préférable, voire indispensable, de réfléchir immédiatement à une réforme paramétrique, seule à même de rétablir l’équilibre des régimes à long terme.

    Une telle réforme devra passer par des efforts de tous, au regard des montants en jeu et du nombre de personnes concernées. Une attention particulière doit ainsi être portée à l’explication des enjeux liés à la santé financière de notre système de retraites, sans quoi l’acceptabilité d’une mesure paramétrique ne pourra être possible. En particulier, une pédagogie particulière doit être menée sur les conséquences en matière d’emploi en cas d’augmentation des cotisations sociales, en matière de pouvoir d’achat des retraités en cas de baisse des pensions, en cas d’impact sur la dette publique, et donc de souveraineté financière de notre pays, si aucune réforme n’est menée.

    En effet, l’accroissement de la fiscalité n’est pas une solution viable, ni souhaitable, à long terme. Le déficit des régimes à l’horizon 2030 dépasserait donc les 30 Mds€. C’est 6 fois l’ISF tel que constaté en 2016, près de la moitié de l’impôt sur le revenu (IRPP) : il paraît difficilement acceptable d’augmenter l’IRPP de moitié.

    En augmentant l’âge de départ à la retraite dans les années qui viennent, l’activité générée par les travailleurs permettrait [...] de créer une recette supplémentaire pour financer le régime.

    De même, il n’y a pas de réserves "cachées" pour financer les retraites. Pour ne prendre qu’une mesure synthétique, le COR a établi un compte de patrimoine consolidé des régimes de retraites et des organismes assimilés : l’actif net, c’est-à-dire les réserves constituées moins l’endettement, atteint environ 127 Mds€ (et ce avant la crise du Covid-19 qui fait rapidement fondre les réserves des régimes excédentaires). Ces réserves représentent un montant limité par rapport à un déficit structurel annuel de 15-20 Mds€ : ces réserves seraient consommées en moins de 10 ans et le régime resterait structurellement déficitaire ensuite, nécessitant une réforme avec une montée en charge d’autant plus rapide pour faire face au déficit ultérieur.

    Ainsi, faire croire que l’on peut compter uniquement sur elles conduirait à la faillite de notre régime de retraites d’ici quatre ou cinq ans. De plus, leur utilisation rapide amplifierait l’iniquité générationnelle, pourtant déjà criante : elle bénéficierait à ceux qui sont aujourd’hui retraités, au détriment de ceux qui le seront bientôt (mais dont les cotisations constituent ces réserves).

    De fait, trois pistes usuelles et principales peuvent être a priori envisagées, mais certaines ne paraissent ni souhaitables, ni réalistes.

    1. Un accroissement des cotisations sociales : le COR estime qu’il faudrait les augmenter de 1,5 point (soit 0,8 point de PIB), mais il ne prend pas en compte le bouclage macroéconomique d’une telle réforme. Or, un tel accroissement des cotisations sociales conduit mécaniquement à un accroissement du taux de chômage et à une diminution de la croissance attendue de l’ordre d’un point de PIB. Cette réforme, qui pénaliserait la reprise et notre compétitivité économique au moment où le déficit commercial de la France est abyssal, est à proscrire.
       
    2. Une diminution des prestations servies par rapport à une situation de référence : cette option de réforme est la seule qui permet de corriger les déséquilibres intergénérationnels qui se sont creusés avec la crise. En revanche, cette baisse des prestations aurait un impact négatif sur le pouvoir d’achat des retraités, et donc mécaniquement sur la consommation et l’activité économique. Cet impact serait cependant pratiquement neutre à long terme, cette décélération économique de court terme sur la consommation permettant de gagner en compétitivité à moyen et long terme.
       
    3. Un accroissement de l’âge de départ à la retraite : une telle option apparaît comme la plus favorable pour l’activité économique à moyen et long terme dans son ensemble : en augmentant l’âge de départ à la retraite dans les années qui viennent, l’activité générée par les travailleurs permettrait d’accroître la masse salariale de l’ensemble de l’économie, et donc de créer une recette supplémentaire pour financer le régime. C’est ce supplément de travail qui créera de nouveaux emplois, et non le départ prématuré en retraite, qui au contraire réduira la masse de travail et le niveau d’activité économique. En réalité, en prenant en compte le bouclage macro-économique, la nécessité de travailler plus pourrait être réduite (il serait sans doute nécessaire de travailler en moyenne 8 à 9 mois supplémentaires, et non pas 9 à 10 comme présenté dans le rapport du COR de novembre 2019).

    Une quatrième piste, complémentaire aux trois premières mais qui n’a pas fait l’objet de travaux de la part du COR, serait celle de l’adaptation du temps de travail des actifs. Celle-ci permettrait d’accroître le pouvoir d’achat de ces derniers et, parallèlement, les cotisations perçues par les régimes de retraites, mais elle ne pourrait régler, seule, la question de la viabilité financière du système.

    Que faire alors ?

    Au total, une réforme paramétrique rapide, déjà nécessaire avant la crise sanitaire, est devenue indispensable pour atteindre un redressement de nos finances publiques. Le caractère urgent de cette réforme doit être signalé : en effet, les effets d’une réforme des retraites ne sont généralement pas immédiats et s’étalent dans le temps.

    En pratique, une telle réforme devrait privilégier quatre orientations.

    1. Ne pas augmenter les cotisations sociales dans un contexte de chômage élevé, de reprise économique fragile et de compétitivité dégradée de notre économie.
       
    2. Agir au maximum dans la concertation, afin de ne pas faire naître de crainte trop forte, susceptible de pénaliser la reprise économique.
       
    3. Ne pas renoncer à l'objectif de suppression des régimes spéciaux, dont les effectifs pensionnés sont limités, mais dont l’équilibre financier coûte plusieurs milliards de subventions budgétaires chaque année, pour redistribuer ces économies en termes de droits à ceux qui vont perdre leur emploi dans les mois qui viennent ; par exemple, les nouveaux chômeurs depuis mars 2020 pourraient bénéficier de droits à hauteur du dernier salaire perçu et non pas à hauteur de leurs prestations d’assurance chômage.
       
    4. Laisser le choix aux Français entre allonger – progressivement – le temps de cotisation pour ceux qui le souhaitent, ou réduire les pensions de ceux qui préfèrent partir plus tôt.
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