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La profonde récession qui a frappé l’économie française va laisser des traces. Que pouvons-nous faire pour limiter la casse ? Comment promouvoir des politiques économiques d’accompagnement de la reprise qui permettront de maintenir le niveau de vie des Français en sauvant notre tissu d’entreprises et les emplois que celles-ci représentent ? Les notes de notre série Rebondir face au Covid-19 répondent à ces interrogations en proposant d’activer un certain nombre de leviers rapides et efficaces.

Cette deuxième note s’intéresse à la question de l’investissement des entreprises.

Lorsque l’économie française commencera à sortir de son immobilisation forcée, trois grands traits macro-économiques apparaîtront :

  • Une baisse du PIB (le Produit Intérieur Brut, que l’on peut définir comme l’ensemble de la valeur ajoutée produite au sein d’un pays) qui pourrait dépasser 10 % cette année ;
  • Un taux d’épargne des ménages en forte hausse (il s’agit d’épargne "forcée", les ménages continuant pour l’essentiel à percevoir leurs revenus, mais ne pouvant les dépenser) ;
  • Une chute vertigineuse de l’investissement des entreprises (achat de machines, construction de lieux de production, dépenses en recherche et développement, formation des salariés, etc.), du fait notamment de l’incertitude des acteurs économiques face à l’évolution de la pandémie.

Trois scénarios de reprise

En extrapolant ces tendances, nous sommes en mesure de définir trois scénarios :

  • Le premier, optimiste, implique une sortie réussie du confinement et une reprise progressive de l’activité : il impliquerait une chute de 11,5 % du PIB en 2020 et un fort rebond en 2021 (13 %).
  • Le deuxième,pessimiste, correspond à une mauvaise gestion de la sortie de confinement ou à des entraves réglementaires, induisant une chute du PIB de 15 % en 2020, et une faible reprise en 2021 et 2022 (de l’ordre de 3 à 4 % par an).
  • Un troisième,intermédiaire, où la trajectoire de l’économie française sera probablement tracée entre ces deux extrêmes. La reprise connaîtrait des accélérations et des ralentissements, les vagues futures du coronavirus entraveraient plus ou moins l’activité économique, et les mesures nationales et européennes de soutien ne seraient appliquées qu’imparfaitement. Dans ce scénario médian, l’investissement baisserait de plus de 40 % en 2020, et le déficit d’investissement à la fin 2022 s’élèverait à 360 Mds€, soit 11 % du capital productif.

Comment relancer l’investissement des entreprises ?

Dans une situation où le revenu des salariés est temporairement mais fortement subventionné par l’État et où le taux d’épargne est très élevé, ce n’est pas la consommation qu’il faut soutenir avant tout, c’est l’investissement, qui, à la fois, conditionne le rebond de l’offre (en répondant aux besoins des consommateurs) et fait partie de la demande (les entreprises étant parfois clientes entre elles, et s’achetant des biens).

En effet, moins d’investissement veut dire moins de capacité productive, donc moins de création de valeur à long terme et par conséquent moins de revenu susceptible d’être distribué aux ménages. L’achat d’équipement, la construction d’usines, la recherche et le développement doivent ainsi être stimulés afin de relancer une dynamique économique vertueuse et productive.
 

    Infographie : relancer l'investissement

      À moins d’une forte reprise de l’investissement, la baisse de la production qui en découlerait représenterait deux risques pour l’économie française :

      • Une baisse des salaires réels, afin de limiter le nombre de suppressions d’emplois et la hausse du chômage ;
      • Une hausse du chômage, consécutivement à un maintien du niveau des salaires et à une offre d’emplois réduite.

      Ces deux scénarios n’étant pas souhaitables, maintenir notre capacité de production est essentiel pour limiter l’impact de la crise économique pour la population.

      Dans la mesure où la nature de l’incertitude est pour partie d’ordre systémique – personne ne connaît l’évolution future de la pandémie, qui dépend fortement des politiques sanitaires – il nous paraît justifié que les pouvoirs publics apportent de façon temporaire une aide à l’investissement de façon à corriger l’impact de l’incertitude systémique, qu’on peut assimiler à un coût de l’ordre de 10 %, sur l’investissement des entreprises.

      Proposition

      Subventionner à hauteur de 10 % l’investissement domestique de toutes les entreprises pour une durée limitée, par exemple pour 18 mois à compter du 1er juillet 2020, quel que soit le type d’investissement.

      Ne pas flécher l’investissement : il faut avant tout sortir du marasme

      Serait-il opportun à cette occasion de "flécher" les aides, de façon à viser d’autres objectifs de politique économique ? Les candidats ne manquent pas : transition énergétique et/ou écologique, réindustrialisation, relocalisation de certaines filières, numérisation de l’économie, etc. Même si les intentions de ces fléchages sont compréhensibles, elles sont entachées d’une erreur de perspective. L’économie française – en réalité toutes les économies développées à démographie vieillissante – s’est si fortement contractée que la condition sine qua non de toute politique structurelle future est le retour le plus rapide et le plus équilibré possible au niveau d’activité d’avant la pandémie. Qu’il s’agisse de l’utilisation du fonds européen de reconstruction en cours de discussion, ou d’initiatives nationales, chaque euro doit être affecté à la reprise, avec le potentiel multiplicateur le plus élevé possible. Or, de ce point de vue de relativement court terme, les décisions individuelles des entreprises, prises au vu de l’information parcellaire dont elles disposent – une fois corrigé du coût de l’incertitude systémique, sont les plus à même de maximiser le rythme de reprise.

      Il n’y aura pas d’effet d’aubaine, à condition d’exclure les investissements déjà subventionnés

      Comme toutes les entreprises sont soumises au même facteur d’incertitude systémique, et que toute dépense d’investissement contribue à la reprise, le concept même d’effet d’aubaine (un investissement qui se serait fait de toute façon) ne s’applique pas à la situation présente d’une relance par l’investissement. Il y a néanmoins des exceptions : les entreprises qui bénéficient déjà de subventions pour des objectifs de politique structurelle ne font pas face au même facteur d’incertitude que les autres, puisqu’elles ont l’assurance du retour sur leurs investissements. C’est le cas par exemple des filières de production d’électricité solaires ou éoliennes qui bénéficient d’une garantie que leur production sera achetée au-dessus d’un prix déjà convenu, quelles que soient les circonstances. Elles devraient donc être exclues du programme de soutien.

      La relance de l’investissement, condition nécessaire mais non suffisante

      D’autres mesures de soutien à l’offre – recapitalisation des entreprises par exemple — ou à la consommation, comme des incitations à dépenser l’épargne accumulée par les ménages durant les semaines chômées, devraient compléter ce dispositif, qui n’est qu’une condition nécessaire à une reprise vigoureuse. Néanmoins, sans stimulation de l’investissement, la reprise sera anémique, le chômage restera à un niveau élevé et la compétitivité des entreprises françaises se dégradera par rapport à celles qui auront agi plus rapidement. En particulier, l’écart de compétitivité avec l’Allemagne s’en trouverait encore creusé.

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