Rechercher un rapport, une publication, un expert...
Rapport
Novembre 2018

Partenariat franco-britannique
de défense et de sécurité : 
améliorer notre coopération

<p><span style=Partenariat franco-britannique
de défense et de sécurité : 
améliorer notre coopération

">
Auteurs
Morgan Guérin
Fellow - Europe, Défense

Morgan est Fellow - Europe, Défense de l'Institut Montaigne depuis juin 2019.

Aupravant, il était responsable du Programme Europe et  chargé d'études à l'Institut. Il y conduisait les travaux liés aux questions européennes.

Il a notamment participé à la réalisation et à la publication des rapports et notes suivants : L'Europe dont nous avons besoin, Traité transatlantique : pourquoi persévérer ?, Bremain ou Brexit : Europe, prépare ton avenir ! .

Morgan est diplômé de Sciences Po Paris, de l’ESCP-Europe ainsi que d’histoire de l’art et d’archéologie à l'université Sorbonne Paris IV. Il a également étudié à l’Université Boğaziçi d’Istanbul.

Groupe de travail

Les opinions exprimées dans ce rapport n’engagent ni ces personnes ni les institutions dont elles sont membres.

 

  • Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre (président de la délégation française)
  • Lord Robertson, ancien Secrétaire général de l’OTAN (président de la délégation britannique)
     
  • Patricia Adam, ancienne Présidente de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale
  • Nicolas Baverez, associé, Gibson, Dunn & Crutcher LLP
  • Général Sir Adrien Bradshaw, ancien commandant suprême adjoint des forces alliées en Europe (DSACEUR)
  • Nick Butler, professeur invité, King’s College London
  • Patrick Calvar, ancien directeur de la DGSI, conseiller spécial de l'Institut Montaigne
  • Matthias Fekl, ancien Ministre de l’Intérieur
  • Professeur Sir Lawrence Freedman, professeur émerite d’études de guerre, King’s College London
  • Ian King, ancien directeur général, BAE Systems
  • Marwan Lahoud, associé de Tikehau Capital, ancien directeur général de MBDA
  • Alain Le Roy, diplomate, ancien secrétaire général du Service européen pour l'action extérieure (SEAE)
  • Dominique Moïsi, conseiller spécial de l'Institut Montaigne
  • Benoît Puga, Grand chancelier de la Légion d&#39;honneur et ancien chef de l'état-major particulier du président de la République
  • Lord Ricketts, ancien ambassadeur du Royaume-Uni en France, ancien conseiller à la sécurité nationale 
 
"Une relation fragile ou fracturée entre le Royaume-Uni et la France mettrait en péril notre sécurité et celle des autres pays à l’échelle européenne et mondiale. Aussi nécessaire qu’elle soit, cette coopération n'a pourtant jamais été aussi précaire. Devant cette urgence, nous formulons conjointement des propositions concrètes pour donner un nouvel élan à ce partenariat historique fondé sur des valeurs et des ambitions partagées."
Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre et 
Lord Robertson, ancien secrétaire général de l'OTAN,
tous les deux présidents du groupe de travail.

 

 


Sacrés Anglais ! Bloody Frenchies ! Même si les relations entre la France et le Royaume-Uni n’ont pas toujours été au beau fixe, nos liens se sont transformés au fil du temps en une amitié durable et une alliance solide, notamment en matière de défense et de sécurité.

Depuis l’Entente cordiale de 1904, la coopération entre la France et le Royaume-Uni s’est peu à peu renforcée pour enfin prendre la forme d’accords bilatéraux dans les domaines opérationnels, capacitaires et nucléaires (déclaration de St Malo en 1998, accords de Lancaster House en 2010). Ces dernières décennies, nos deux pays ont choisi de combattre côte à côte à plusieurs reprises : au Kosovo en 1999, en Libye en 2011, en Syrie avec les frappes conjointement menées avec les Etats-Unis ces derniers mois, etc.

Mais cette alliance est aujourd’hui fragilisée. D’anciennes menaces ressurgissent tandis que de nouvelles apparaissent : terrorisme, déséquilibres géopolitiques, cybersécurité, retour des “empires” et bien sûr Brexit.

Cette coopération est pourtant indispensable pour nos deux pays et, au-delà, pour assurer la sécurité européenne et mondiale. 

Saisi par cette réalité, le groupe de travail franco-britannique, réuni par l'Institut Montaigne et le Policy Institute at King’s College London, sous la présidence de Bernard Cazeneuve et Lord Robertson, publie aujourd’hui un rapport qui a vocation à donner une nouvelle dynamique à notre coopération. 

ll y formule une série de propositions stratégiques, à l'intention des dirigeants des deux pays, pour s'assurer que le Brexit ne mette pas en péril notre sécurité collective tout en fournissant à leurs armées les capacités militaires nécessaires pour gagner ensemble les guerres de demain et renforcer leur influence internationale.
 

Pourquoi la coopération franco-britannique est-elle si importante ?

La France et le Royaume-Uni sont deux puissances géopolitiques similaires…

Partenariat franco-britannique de défense et de sécurité :  améliorer notre coopération

sources : IISS - The Military Balance / Eurostat - General government expenditure by function / SIPRI - world nuclear forces


En Europe, la France et le Royaume-Uni sont comparables sur de nombreux points :

  • Leurs capacités opérationnelles : ce sont les deux plus grandes armées du continent en termes d’effectif ;
  • Leurs forces de projection : ce sont les seules armées capables de se projeter seules sur des théâtres d’opération extérieurs ;
  • Leurs investissements : ils représentent ensemble près de la moitié des dépenses de défense en Europe avec 105 milliards de dollars investis en 2016 ;
  • Leur puissance nucléaire : ce sont les deux seuls pays du continent disposant de l’arme nucléaire et chacun a fait de sa dissuasion un des fondements de sa doctrine de souveraineté ;
  • Leur rôle diplomatique : ce sont les deux seuls pays membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies ;
  • Leur appartenance à l’Alliance atlantique (OTAN) ; 
  • Leurs industries de défense : elles sont dynamiques, pionnières et prospères ;

… confrontées à des menaces communes

En 1995, lors d’une conférence conjointe, le président de la République Jacques Chirac et le Premier ministre John Major ont déclaré qu’aucun des deux pays ne pouvait "imaginer une situation dans laquelle les intérêts vitaux de l'un des deux pays pourraient être menacés sans que les intérêts vitaux de l'autre le soient également"

Aujourd’hui, dans un contexte géopolitique incertain, la France et le Royaume-Uni doivent ensemble faire face : 

  • À la menace du terrorisme islamiste

En 2017, cinq attaques terroristes ont été perpétrées en France et cinq au Royaume-Uni. De plus, ce sont les deux pays avec le plus grand nombre de nationaux ayant rejoint l’Etat islamique en Irak et en Syrie (850 Britanniques et 1 100 Français). La chute de cette organisation terroriste n’en réduit pas moins sa dangerosité. Les nombreux combattants revenus de Syrie et d’Irak, emprisonnés depuis lors au Royaume-Uni, en France et dans divers pays européens, représentent une menace réelle.

  • À la politique étrangère agressive de la Russie

L'annexion de la Crimée par la Russie en 2014 a fait resurgir des politiques expansionnistes et, par réaction, des niveaux d’alerte militaire que le monde n'avait pas connus depuis la guerre froide. Par ses exercices militaires aux frontières orientales de l'OTAN, la Russie fait poser une menace certaine sur l’équilibre géopolitique européen.

L’ingérence russe dans les processus démocratiques au cours des dernières années (Brexit et élection présidentielle française de 2017) a démontré certaines vulnérabilités dans les réseaux informatiques nationaux et a mis à l’épreuve la résilience de nos sociétés, leur faisant prendre conscience du nécessaire développement des cyber-capacités offensives et défensives. 

Enfin, Les opérations secrètes russes sont tout aussi problématiques, par exemple l’empoisonnement de l’ex-espion russe Sergueï Skripal à Londres.

  • Aux défis sécuritaires causés par l’instabilité au Moyen-Orient 

L'instabilité actuelle au Moyen-Orient et l'expansion régionale de l'influence iranienne constituent également des défis majeurs en matière de sécurité. Une telle instabilité, conjuguée au conflit syrien, a conduit à la crise migratoire de 2015 avec l’arrivée de plus de 1,5 million de réfugiés en Europe, créant une instabilité politique au sein de l’UE et renforçant les rhétoriques populistes. 

  • À la montée en puissance de la Chine

La montée en puissance de la Chine est certainement un défi stratégique pour nos deux pays. Elle nécessite des investissements de long terme, en particulier en matière de politique étrangère et de contre-espionnage.

L’appareil militaire chinois se modernise rapidement et ses capacités militaires augmentent à un rythme tout aussi important. De plus, la Chine devient un acteur stratégique majeur en Asie, mais également dans d'autres régions du monde, et notamment en Afrique.

Coopération franco-britannique : où en sommes nous ?

La coopération en matière de défense et de sécurité est une des caractéristiques essentielles des relations entre le Royaume-Uni et la France : Traité de Dunkerque en 1947, alliance militaire de l’Union de l’Europe Occidentale en 1948, commission nucléaire conjointe en 1992, Groupe aérien franco-britannique européen en 1994, accords de Saint-Malo en 1998, etc. 

En matière de défense

Les accords de Lancaster House signés le 2 novembre 2010 sont le symbole d’une coopération plus profonde et plus intense entre nos deux pays. Ils s’articulent autour de trois piliers :

Partenariat franco-britannique de défense et de sécurité :  améliorer notre coopération
  • Opérationnel, avec le développement de la Combined Joint Expeditionary Force (CJEF)

A l’occasion des accords de Lancaster House, la France et le Royaume-Uni ont décidé d'établir une force expéditionnaire commune afin de pouvoir intervenir conjointement dans des opérations de haute intensité et d’entrée en premier sur le terrain. Ces dernières années, les armées françaises et britanniques, qu’il s'agisse de la marine, de l’armée de terre ou de l’armée de l’air, ont travaillé d’arrache-pied afin d’atteindre un niveau d’interopérabilité presque parfait. A ce jour, cette force expéditionnaire commune n’a encore été déployée sur aucun théâtre d’opération. 

  • Industriel, en favorisant la coopération des industries de défense

Les accords de Lancaster House ont fait de la coopération industrielle une priorité afin de développer des programmes d'armement communs et permettre des économies d’échelle pour s’équiper en armement. MBDA, entreprise franco-britannique spécialisée dans les missiles, est sans conteste une des plus grandes réussites dans ce domaine. Avec cette entreprise, nos deux pays ont atteint un niveau d’interdépendance important, signe de la confiance et de l’amitié qu’ils se portent.

En termes de capacités, les traités de Lancaster House ont abouti à la définition de trois grands projets conjoints visant à développer des capacités “de haut du spectre” : un programme de système de combat aérien du futur, le Future Air Combat System (FCAS) ; un programme de missiles de croisière supersoniques furtifs (FCASW/FMAN-FMC) ; un programme anti-mines maritimes, le Maritime Mine Counter Measure (MMCM). 

Ces programmes sont à des stades de développement différents et rien ne garantit que tous soient couronnés de succès.

  • Nucléaire, enfin, par un traité séparé prévoyant une coopération technologique

Afin de s’assurer que les deux pays maintiennent une dissuasion nucléaire autonome et à la pointe de la technologie, nos deux pays ont décidé de coopérer dans ce secteur sensible et se sont engagés à construire un centre commun de simulation nucléaire en France ainsi qu’un centre commun de recherche nucléaire au Royaume-Uni. C’est l’un des domaines de coopération les plus fructueux entre nos deux pays.

En matière de sécurité

S’agissant de la sécurité, la coopération est davantage informelle ou se fait au travers de certains mécanismes européens. Il est possible de distinguer trois types de coopération :

  • Entre les forces de police

Les deux pays bénéficient de systèmes policiers différents sans que cela n’empêche une coopération fructueuse. Qu’il s’agisse du trafic de drogue, de la criminalité organisée, de l’immigration clandestine ou de tout autre domaine, cette coopération s’effectue principalement par le biais de mécanismes européens.

  • Entre les institutions judiciaires

Il existe une coopération bilatérale, en particulier sur les questions frontalières. Le trafic considérable entre les deux pays est réglementé par le traité du Touquet de 2003 qui crée une base légale pour des contrôles juxtaposés à Calais, Coquelles, Dunkerque, Paris, Bruxelles, Lille et Calais-Frethun.

  • Entre les services de renseignement

Le renseignement est un élément clé de la coopération entre les deux pays. Compte tenu de son importance en termes de souveraineté, cette coopération se fait de façon informelle et se situe essentiellement en dehors du cadre communautaire bien que certaines bases de données européennes soient utilisées, notamment le PNR.

Quels défis devons-nous relever pour renforcer cette coopération ?

Des divergences de vues importantes

Si le Royaume-Uni et la France partagent des valeurs et une vision communes, leur appréciation de leur rôle dans le monde peut parfois diverger.

La coopération franco-britannique peut être limitée par des cultures et ambitions géopolitiques divergentes. Ainsi, pour le Royaume-Uni, la principale alliance demeure celle établie avec les Etats-Unis et le cadre privilégié de la coopération est celui de l’OTAN. 

Pour sa part, la France considère l’intégration européenne comme une priorité et souhaite traditionnellement renforcer le couple franco-allemand. De plus, le soutien de Paris au concept d’autonomie stratégique de l’UE peut également représenter une limite au renforcement de l’OTAN en Europe. 

Pour la France, il pourrait donc s'avérer difficile de concilier son alliance avec le Royaume-Uni avec ses importantes ambitions européennes. Quant au Royaume-Uni, son rôle dans le monde pourrait également être remis en question par le Brexit. Prendra-t-il ses distances avec l’Europe continentale pour tenter de donner corps à sa théorie du "Global Britain" ? 

La nécessaire réorganisation de la coopération en matière de sécurité

Certains mécanismes et institutions européens, tels Europol, la base de données SIS II ou encore le mandat d'arrêt européen, ont été créés par l’UE et relèvent du droit européen. La participation d’un Etat tiers à l’UE à ces instruments n’est donc théoriquement pas prévue par les traités européens. 

Enfin, une question cruciale reste celle de la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) au Royaume-Uni. Alors qu’il s’agissait initialement d’une ligne rouge dans les négociations, Theresa May a depuis assoupli sa position en indiquant accepter sa juridiction sous certaines conditions.

Nos propositions pour renforcer la coopération franco-britannique en matière de défense et de sécurité

Le futur de la coopération franco-britannique est précieux mais n’a jamais été aussi précaire face à l’émergence de nouvelles menaces, à l’isolationnisme américain et au Brexit.

1
Apporter une réponse aux défis posés par le Brexit en termes de sécurité
Détails

Proposition 1 : Veiller à ce que le Brexit ne mette pas en danger la coopération en matière de sécurité entre le Royaume-Uni et l'Union européenne

La coopération en matière de défense et de sécurité entre le Royaume-Uni et l'Union européenne est d'une importance capitale pour notre sécurité : le Brexit ne doit en aucun cas la compromettre en faisant un levier de négociation pour l’une ou l’autre des parties.

Les questions de sécurité doivent au contraire être séparées et protégées du reste des négociations du Brexit et notamment de la partie commerciale et douanière de ces négociations en reconnaissance des avantages partagés de la coopération en matière de sécurité entre le Royaume-Uni et l'UE.

Le Royaume-Uni a proposé un traité spécifique relatif à la sécurité, dans lequel il exprime sa volonté d’aller plus loin que les accords actuellement mis en œuvre par l’UE avec d'autres pays étrangers. Si l'Union ne souhaite pas créer un statut spécifique pour le Royaume-Uni qui pourrait effectivement perturber injustement les relations avec d'autres pays tiers, il semble toutefois possible de trouver des accords qui en feraient un partenaire privilégié.

Un tel accord portant sur un nouveau statut de pays tiers, assurant une association plus étroite, requérant la mise en place de nouvelles procédures de consultation, pourrait d’ailleurs ouvrir à plusieurs pays tiers certains mécanismes de défense et de sécurité qui sont actuellement réservés aux États membres, tels que le SIS II. Dans un autre domaine, le Royaume-Uni souhaite continuer à participer aux opérations militaires de l'UE uniquement s'il est autorisé à participer à la planification opérationnelle détaillée mais cet objectif se heurte à la volonté de l’UE de conserver un processus décisionnel autonome. Un équilibre devra être trouvé entre ces deux objectifs légitimes.


Proposition 2 : Maintenir les accords de coopération frontalière

Une fois le Brexit entré en vigueur, le Royaume-Uni ne fera plus partie de l'Union européenne, ce qui pourrait mettre en danger les accords de coopération frontalière établis par le Traité du Touquet et le Protocole de Sangatte.

Nous croyons qu'il est impératif de maintenir ces accords. Le Royaume-Uni et la France ne peuvent pas laisser les négociations de retrait et les futurs accords de sécurité entre le Royaume-Uni et l’UE les influencer. Le gouvernement britannique devrait réfléchir à la manière dont il pourrait assumer une plus grande part des charges supportées par la France.

2
Assurer la pleine application des traités de Lancaster House
Détails

Proposition 3 : Renforcer le dialogue stratégique et la connaissance mutuelle

Dans les faits, la réalité de la coopération en matière de défense et de sécurité dépend moins du texte des traités et des déclarations que de la volonté des dirigeants des pays signataires de les mettre en œuvre. C’est la volonté politique qui a permis de surmonter les difficultés de mise en œuvre des traités de Lancaster House ; c’est lorsqu’elle a fait défaut qu’ils ont échoué.

A cet égard, la création d'un sommet bilatéral biannuel des chefs de gouvernement dans le cadre des accords de Lancaster House a été très utile. Mais il nous semble qu’il faut aller plus loin, d'autant plus que le Brexit implique que les dirigeants britanniques n'assisteront plus au Conseil européen et à d'autres réunions de haut niveau, ce qui réduira d’autant la fréquence de leurs interactions avec les dirigeants français.

Ainsi, nous souhaitons la création d'un Conseil franco-britannique annuel de défense et de sécurité, plus large que la réunion entre les ministres de la Défense mis en place par le sommet de Sandhurst. Il devrait réunir le Président français, le Premier ministre britannique, les ministres des affaires étrangères, les ministres de la défense, les ministres de l'intérieur et les chefs d'état-major des armées, ainsi que les représentants des différents services de renseignement.

Ce conseil serait complété par un dialogue "2+2" plus régulier (ministres des affaires étrangères et ministres de la défense) et un dialogue "quint" entre les chefs des principaux services de renseignement, dont une première réunion s’est tenue à l’occasion du Sommet de Sandhurst.


Proposition 4 : Préparer la CJEF pour les opérations

Le principe même de la CJEF a été applaudi des deux côtés de la Manche et les premières opérations test, d’entrainement, se sont déroulées avec succès. Pour autant, elle n'a encore jamais été déployée sur un théâtre d’opérations.

Le premier objectif devrait donc être d'assurer sa pleine capacité opérationnelle, prévue pour 2020. Sa tâche principale est d'établir un cadre pour que les opérations conjointes franco-britanniques soient effectivement possibles au moment opportun et avec les capacités adéquates.

De premiers engagements conjoints pourraient déjà être mis en place dans les champs aériens et maritimes, d'autant que le niveau d'interopérabilité obtenu permet un déploiement efficace dans un environnement homogène. Sur ce point, la lutte anti-sous-marine pourrait constituer un domaine d'intervention conjointe, en coopération avec les Etats-Unis, particulièrement décisif. En milieu terrestre, des efforts supplémentaires pourraient être réalisés pour améliorer l’interopérabilité de nos forces armées.

Enfin et surtout, puisqu'il a toujours été clair que la CJEF devrait examiner en temps voulu les conditions d'une éventuelle ouverture à d'autres alliés, il serait utile de commencer dès maintenant à travailler à son rapprochement avec l'OTAN et la nouvelle Initiative européenne d'intervention (IEI). Ce dernier projet présente des avantages : il permet au Royaume-Uni d’exprimer sa volonté de maintenir son niveau d’engagement pour la défense européenne, et à l'IEI de s’appuyer sur un cadre fort et éprouvé, intégrant les deux principales puissances militaires du continent européen.


Proposition 5 : Renforcer la coopération par le biais d'infrastructures de formation et de maintenance

Dans le même objectif de renforcement de la coopération, la France et le Royaume-Uni devraient s'appuyer toujours davantage l'une sur l'autre s’agissant de l'utilisation des infrastructures de formation et d’entretien et de maintenance des équipements, notamment dans des domaines où les deux pays possèdent les mêmes équipements, tels que les avions C-130 et A400M. Ils maximiseraient ainsi leur utilisation en minimisant les coûts, libérant des fonds pour des investissements dans d'autres domaines de la défense.

En ce qui concerne les infrastructures d'entraînement, il devrait être possible d'utiliser celles de l'armée britannique à Suffield, au Canada, pour des exercices conjoints entre nos deux pays.

3
Préparer l'avenir
Détails

Proposition 6 : Poursuivre l'objectif de renforcement des capacités FCAS

Les systèmes aériens de combat sont une capacité clé pour les guerres de demain. Pourtant, aucun pays européen n'a actuellement l’aptitude financière ou industrielle de construire seul un avion de nouvelle génération, compte tenu des investissements requis et de la réduction des budgets militaires. En conséquence, les pays européens courent le risque, lorsque les programmes Rafale, Typhoon et Eurofighter seront achevés, de perdre cette compétence décisive. En outre, en sus des problématiques strictement industrielles, il est essentiel pour la sécurité du continent, alors que les relations transatlantiques se distendent, de maintenir une capacité européenne à concevoir de façon autonome des systèmes aériens de combat.

L’engagement du Royaume-Uni d’acheter 138 jets F-35 (48 ont déjà été commandés, 4 ont été livrés), l'absence subséquente de besoin opérationnel immédiat d'un FCAS du côté britannique ainsi que la nature des relations industrielles entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis en matière de défense ont suscité des doutes quant à la volonté britannique de mener à bien le programme franco-britannique initial du FCAS, qui est essentiel pour développer des technologies spécifiques nécessaires pour la prochaine génération d’avions de combat.

Il serait toutefois plus que regrettable d'abandonner un programme dans lequel des investissements conséquents ont été réalisés, une étude de faisabilité et des travaux technologiques ayant commencé. De plus, le Royaume-Uni possède des capacités uniques parmi les États européens en matière de conception d'avions de combat, qu'il s'agisse de moteurs militaires, de guerre électronique, de capteurs ou de technologies furtives. Enfin, la participation de sa force aérienne à des opérations de combat de haute intensité et à des frappes cinétiques aiderait à concevoir un système aérien de combat doté de capacités opérationnelles adaptées. Il existe au contraire des différences significatives entre l'utilisation des forces aériennes françaises et allemandes, (essentiellement défensives), ce qui pourrait conduire à des divergences entre les priorités d’un programme franco-allemand.

Il semble donc souhaitable de poursuivre, au moins à moyen terme, le programme franco-britannique FCAS, afin de développer les technologies clés nécessaires à un futur système aérien de combat pour pouvoir, à plus long terme, fusionner ce programme avec le projet FCAS franco-allemand au sein d’un programme franco-germano-britannique. Ce programme pourrait ensuite servir de base à la construction d'un "MBDA des avions de combat".


Proposition 7 : Accroître la coopération en matière de cybersécurité en développant des modes de coopération formalisés et structurés

La coopération franco-britannique dans le domaine de la cybersécurité reste limitée par le rôle du Royaume-Uni dans la communauté "Five Eyes".

Cependant, la proximité et la grande intégration américano-britannique en matière de nucléaire militaire n'ont pas empêché en son temps la coopération nucléaire de devenir un pilier des accords de Lancaster House. Le fait que la cybersécurité soit un sujet sensible ne doit pas plus faire obstacle au renforcement des liens franco-britanniques dans ce domaine qui devient aussi central que le nucléaire dans les affaires stratégiques.

Nous proposons donc d'aller plus loin que le Dialogue stratégique sur les cyber-menaces mis en place par le Sommet de Sandhurst et de compléter les traités de Lancaster House par un pilier cybersécurité. Celui-ci devrait inclure le développement d'une doctrine commune pour répondre aux cyber-menaces, le développement de capacités conjointes (notamment sur les technologies clés identifiées par la revue stratégique de la cyberdéfense française : cryptage des données, détection et identification des cyber-attaques, intelligence artificielle), ainsi que la mise en place d'un groupe de travail conjoint pour explorer les voies d'une coopération plus poussée. Ce groupe de travail serait aussi chargé de formaliser cette coopération cyber et de fournir une enceinte de rencontres et discussions régulières et structurées sur ces questions.

Il est toutefois essentiel de souligner que ce pilier de la cybersécurité ne peut fonctionner que dans le cadre d'accords d'exclusivité et de non-divulgation, qui préservent le secret sur les capacités développées conjointement.


Proposition 8 : Elaborer une vision stratégique commune en matière de R&D

Tous les programmes conjoints de R&D franco-britanniques destinés à préparer nos pays aux menaces à venir s'appuieront sur un ensemble commun de technologies clés, ayant principalement trait à l'intelligence artificielle, à la cybersécurité, à la robotique, à la furtivité et à l'observation spatiale. Outre la coopération industrielle, la recherche sera nécessaire pour « militariser » les technologies développées par le secteur civil.

Bien que les Etats préfèrent encore souvent développer seuls certaines de ces capacités, il est clair qu'il y a lieu d'accroître la recherche franco-britannique dans le domaine de la défense et de la sécurité. C'était l'ambition fixée lors du sommet bilatéral de Paris en 2012, mais cet objectif n’a pas été atteint.

Pour que la coopération franco-britannique en matière de défense et de sécurité s’oriente vers l'avenir, il est de fait nécessaire de formuler une vision stratégique, construite sur une identification commune des technologies clés et des opportunités de collaboration. Cette vision commune devra ensuite se traduire par l’adoption d’une série d'instruments bilatéraux, en s'appuyant sur l'accord de Sandhurst pour développer la recherche conjointe dans le domaine de l'IA et de la cybersécurité. Si, comme on peut l'espérer, l'accord sur le Brexit maintient un accès du Royaume-Uni à Horizon 2020 et au Fonds européen de défense (FED), ils pourraient fournir des sources de financement pour des projets communs.


Proposition 9 : Mettre en place un cadre formel de renseignement entre la France et le Royaume-Uni

Aujourd'hui, la coopération en matière de renseignement entre la France et le Royaume-Uni, bien qu'elle soit régulière et approfondie, fonctionne surtout de manière informelle, selon une méthode reposant sur la confiance et les relations personnelles. Bien que ces dernières soient absolument fondamentales, elles n’excluent pas et ne peuvent se substituer à des relations plus formelles et plus structurées. Un tel cadre est d'autant plus important que la coopération en matière de renseignement repose chaque jour davantage sur l'échange de données, qui doit disposer d’une base juridique solide.

Les traités de Lancaster House doivent donc être complétés par un accord (discret) sur le partage du renseignement facilitant la coopération entre le Royaume-Uni et la France.


Proposition 10 : Approfondir les activités communes de "diplomatie de défense"

Il pourrait être intéressant de concevoir et mettre en œuvre des activités de "diplomatie de défense", gage de l'étroite relation entre les deux pays.

Grâce à l'utilisation et au déploiement d'officiers de liaison dans les ministères de la défense et des affaires étrangères de chaque pays, le Royaume-Uni et la France pourraient également développer des activités conjointes orientées vers l'extérieur, comme proposer des briefings conjoints au personnel diplomatique.


Proposition 11 : Utiliser et renforcer les programmes d'échange

Les programmes d'échange de responsables civils et militaires ont joué un rôle clé dans la facilitation de la coopération franco-britannique en matière de défense et de sécurité par le développement d'une meilleure compréhension et la croissance des réseaux. Cultiver cette compréhension mutuelle devrait être un exercice récurrent et doit être utilisé pour améliorer la coopération franco-britannique, génération après génération.

Télécharger
<p><span style="color:#ffffff;"><strong>Partenariat franco-britannique<br />
de défense et de sécurité :&nbsp;<br />
améliorer notre coopération</strong></span></p>
rapport
(100 pages)
Télécharger
Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne