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Rapport
Février 2023

Les Français au travail :
dépasser les idées reçues

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dépasser les idées reçues

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Auteur et responsable du projet
Bertrand Martinot
Expert Associé - Apprentissage, Emploi, Formation Professionnelle

Économiste, Bertrand Martinot est spécialiste français de la question du chômage, des politiques de l’emploi et du dialogue social.

Lisa Thomas-Darbois
Directrice des études France, Experte Résidente

Lisa Thomas-Darbois est Directrice des Études France à l’Institut Montaigne.

Alors que la question des retraites cristallise le débat public depuis de nombreuses années, les relations qu’entretiennent les Français avec leur travail demeurent insuffisamment étudiées. Pourtant, derrière la question du départ à la retraite se cachent la réalité des carrières, le quotidien des travailleurs français et la multiplicité de leurs parcours. Le rejet, semble-t-il collectif, d’un projet d’allongement de l’âge légal de départ à la retraite s’explique-t-il par une insatisfaction générale des Français à l’égard de leur travail ? Les Français placent-ils désormais le sens, et la mission sociale de leur entreprise au cœur de leurs priorités, comme le soutiennent d’innombrables études publiées ces trois dernières années ? 

Cette enquête, réalisée avec l’aide du cabinet de conseil Kearney et qui s’appuie sur un sondage mené en septembre 2022 auprès de 5001 actifs français par Kantar Public, vise à dresser un état des lieux objectif des grandes questions actuelles qui entourent le travail afin de remettre en question les nombreuses idées reçues. Elle couvre une large partie de ces problématiques en s’attaquant à 5 thématiques clés : 

  • La satisfaction des Français au travail ;
  • L’évolution du temps de travail ;
  • Les conséquences de la démocratisation du télétravail ;
  • Le rapport des actifs avec la retraite et la fin de carrière ;
  • Le rapport des actifs à leur évolution professionnelle.

Description et significativité de l’échantillon 

L’étude a été réalisée en ligne par Kantar Public du 15 septembre 2022 au 03 octobre 2022 auprès d’un échantillon représentatif de 5001 actifs français en emploi. La représentativité est assurée par la méthode des quotas.

La méthode des quotas permet d’avoir un échantillon représentatif de la population française. Par exemple, Kantar Public s’assure que la proportion d’hommes et de femmes répondants coïncide avec la proportion observée au niveau national par les études de l’INSEE. Les quotas choisis de représentativité sont les suivants : sexe, âge, région, catégorie d’agglomération et CSP de l’individu.

Si des divergences dans les quotas sont observées dans l’étude, un redressement est effectué sur les mêmes critères afin d’assurer la parfaite représentativité de l’échantillon. 

D’autres variables n’ont pas été soumises à la méthode des quotas, comme le statut (indépendant, salarié du privé, salarié du public…) ou le secteur d’activité (industrie, BTP…) mais les proportions observées dans l’enquête sont très proches des statistiques données par l’INSEE. Ainsi, il n’y a pas de catégorie d’actifs largement plus représentée qu’une autre. 

Méthodologie des analyses statistiques

L’analyse statistique des données de l’enquête a été réalisée par Kearney. Le parti pris méthodologique est d’aller au-delà des simples constats sur les statistiques évidentes pour déterminer les inducteurs profonds des comportements des travailleurs. Ainsi, Kearney a utilisé des méthodes d’apprentissage automatique pour dévoiler des liens explicatifs entre les variables (par exemple un lien entre pénibilité physique et travail le week-end). Plusieurs méthodes d’analyse ont été testées pour comprendre les données et en extraire les données utiles : 

  • Le calcul des corrélations qui a permis de comprendre les relations entre les différentes variables et de voir s'il y a des relations de cause à effet ;
  • Le "Feature Importance" avec les forêts aléatoires nous a permis de comprendre l'importance relative de chaque variable pour la prédiction de la cible ;
  • L'arbre de décision qui a permis de créer des profils types et d’extraire les variables les plus discriminantes.

Finalement, ce sont les liens ressortis de la méthode de l'arbre de décision qui ont été retenus pour l’étude en raison de son interprétabilité et de la possibilité de segmenter les répondants en profil type.

Les Français sont satisfaits au travail

77 % des sondés se déclarent satisfaits au travail, statistique qui n’a que très peu évolué ces dernières années malgré la crise sanitaire. Ce sentiment de satisfaction va de pair avec un autre résultat de l’enquête : deux tiers des actifs jugent que le travail occupe "une juste place" dans leur vie. 

 

Les Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie satisfaction au travailLes Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie satisfaction au travail

 

Les indépendants sont en moyenne plus satisfaits que les salariés du public ou du privé : l’absence de hiérarchie, des horaires de travail flexibles, sont autant d'avantages pour les indépendants qui peuvent expliquer cet écart de bonheur au travail (satisfaction moyenne de 7,6/10 chez les indépendants contre 6,7/10 chez les salariés).

Les facteurs de satisfaction et d’insatisfaction chez les travailleurs

Chez les actifs, de bonnes perspectives de carrière et la reconnaissance de leur travail par les managers sont les premiers facteurs de satisfaction. 

 

Les Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie insatisfaction au travail Les Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie insatisfaction au travail

 

Sans surprise, la rémunération est quant à elle le premier facteur d’insatisfaction, pour 46 % des sondés (indépendants ou salariés). L’étude complémentaire menée par Kearney permet de dresser un profil type du salarié "insatisfait" : il s’agirait d’un non-manager, avec une ancienneté élevée frustré par le télétravail (particulièrement, si le télétravail lui est interdit alors qu’il est techniquement possible). D’autres critères plus subjectifs viendraient compléter ce portrait : il aurait une charge psychique élevée et il ne se sentirait pas soutenu par son manager. 

Pas d’évolution du temps de travail, mais un sentiment d’augmentation de charge de travail partagé

Le format historique des 35 heures est dépassé : les actifs à temps plein déclarent travailler en moyenne 39,8 heures par semaine, et 45,8 heures pour les indépendants. D’ailleurs, les travailleurs qui considèrent leur charge de travail comme "normale" travaillent en moyenne plus de 37 heures par semaine. 

Les actifs sont globalement satisfaits de leur durée de travail (82 % d’opinions positives) et déclarent majoritairement avoir trouvé un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Dans le même temps, les horaires de travail traditionnels disparaissent, au profit d’horaires plus atypiques : au moins 35 % des sondés déclarent travailler souvent ou toujours le week-end, le soir après 20 heures et/ou les jours fériés.

Un accroissement de l’intensité ressentie au travail

60 % des travailleurs déclarent que leur charge de travail a augmenté ces 5 dernières années. Si les actifs ne travaillent pas plus longtemps, ils ont incontestablement le sentiment d’avoir plus de travail à faire sur le même volume horaire de travail.

 

Les Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie charge de travailLes Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie charge de travail

 

Pourtant, lorsque l’on demande aux actifs d’estimer leur charge de travail, seule une petite proportion (24 %) la déclare "excessive". Et cette proportion est même en baisse par rapport à des études antérieures. 

Les analyses approfondies ont montré que ce sentiment d’augmentation de la charge de travail est particulièrement de l’ordre subjectif. Les principaux facteurs qui expliquent ce sentiment d’augmentation de la charge de travail sont : le manque de soutien par le management, la charge psychique ou la faible autonomie. Ces résultats contrastent avec l’image du "français fatigué" mais indiquent plutôt une certaine exigence vis-à-vis des conditions de travail et de la relation avec la hiérarchie.

Des Français prêts "à travailler plus pour gagner plus"

31 % des sondés seraient prêts "à travailler plus pour gagner plus". Cette proportion est deux fois supérieure à la proportion des sondés déclarant qu’ils voudraient "travailler moins, quitte à gagner moins".

Les analyses individuelles montrent que la deuxième catégorie - celle qui souhaite travailler moins pour gagner moins - est surreprésentée par les actifs qui se disent insatisfaits de l’équilibre de vie professionnelle et personnelle.

Le télétravail : une progression fulgurante qui induit de nouvelles problématiques

D’après l’enquête Sumer de l’Insee de 2017, seuls 3 % des actifs pratiquent le télétravail au moins un jour par semaine. Fin 2022, cette proportion est montée à 33 %. La diffusion du télétravail ces dernières années a un impact environnemental très significatif : on estime qu’environ 10 % des émissions de CO2 résultant de la circulation automobile seraient évitées chaque année. De même, le télétravail aurait permis une réduction du trafic des transports en commun de l’ordre de 7,8 %.

Sans conteste, les sondés s’accordent à dire que le télétravail a des impacts positifs sur l’équilibre vie personnelle et professionnelle, l’autonomie et l’efficacité au travail. Néanmoins, ils considèrent à l’unanimité qu’il a des impacts négatifs sur l’efficacité et la qualité des relations sociales.

 

Les Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie télétravailLes Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie télétravail

 

Force est de constater que les actifs ne sont pas tous égaux face au télétravail : notre enquête révèle qu’environ la moitié des emplois sont "télétravaillables" (d’après les sondés). Ainsi, les employés du BTP ou de la santé ont bien moins de télétravail comparé aux employés du service.

Le télétravail n'a pas d’influence sur le temps et la charge de travail

Il n’existe aucun lien entre l’intensité du télétravail et la charge physique ou psychique. L’enquête montre également que le télétravail n’a pas d’effet significatif sur le temps de travail effectif. En d’autres termes, un télétravailleur habituel ou régulier travaille le même volume horaire qu’un non télétravailleur et possède la même charge psychique que ce dernier.

Notre enquête prouve l’existence d’un "optimum" de satisfaction au télétravail, qui se situerait entre 2 et 3 jours de télétravail. Elle met en perspective le fait que la productivité, l’autonomie et la qualité des relations sociales seraient croissantes en fonction du nombre de jours travaillés, avec un optimum à 3 jours, puis seraient décroissantes ensuite.

Les actifs ne veulent pas d’un report de l’âge de la retraite

Les actifs ne désirent pas travailler plus longtemps. Seuls 7 % d’entre eux estiment que l’âge du départ en retraite n’est "pas assez élevé", alors que 48 % le trouvent "trop élevé". Plus particulièrement, certaines catégories d’actifs jugent que l’âge du départ à la retraite est déjà excessif : il s'agit notamment des moins de 35 ans (59 %), des ouvriers (56 %) et des CSP- (54 %).

Le profil type d’un actif désirant un report de l’âge de départ légal à la retraite à plus de 62 ans est une personne de profession CSP+ (agriculteurs, artisans, commerçants) et généralement plus âgée. Sans surprise, ces analyses montrent également que ce sont les actifs les plus satisfaits de leur travail qui veulent ce report.

Partir à la retraite, oui, mais à pas n’importe quelle condition

Dans ce contexte de refus massif du report de l’âge de la retraite, il apparaît qu’une minorité significative des sondés (44 %) souhaite partir de manière anticipée à la retraite, quitte à voir leur pension réduite.

 

Les Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie fin de carrièreLes Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie fin de carrière

Une proportion importante de répondants (41 %) estime qu’ils voudraient un aménagement des conditions de travail avant le départ à la retraite. L’analyse de Kearney permet de visualiser un profil type de ces répondants : c’est un salarié d’une ancienneté d’au moins 15 ans, qui n’envisage ni reconversion, ni mobilité professionnelle. Il ressent probablement une augmentation de la charge de travail au cours des 5 dernières années et/ou une forte charge psychique en général.

Une volonté très marquée de mobilité professionnelle

Les actifs ont une forte ambition de mobilité professionnelle, qui prend plusieurs formes :

  • Une mobilité interne, chez les salariés : 55 % des sondés déclarent vouloir évoluer vers un poste différent au sein de la même entreprise.
  • Une mobilité externe : 37 % des salariés veulent quitter leur entreprise avant 2 ans (26 % dans les 6 prochains mois).
  • Une reconversion professionnelle : 10 % des sondés déclarent y réfléchir sérieusement.
  • Devenir indépendant pour exercer le même métier : 29 % des salariés pourraient l’envisager, ce qui témoigne d’une forte attraction du statut d’indépendant, ce qui est cohérent avec le sentiment général de satisfaction chez les indépendants par rapport à leur travail.

 

Les Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie actifsLes Français au travail : dépasser les idées reçues - infographie actifs

 

Malgré ces chiffres impressionnants, le mythe de la grande démission est largement à nuancer : l’enquête démontre qu’il existe un lien solide entre le taux de rupture à l’initiative des salariés et le taux de chômage. En d’autres termes, le nombre de démissions augmente fortement lorsque le taux de chômage est bas. La très bonne santé actuelle du marché du travail explique donc cette volonté marquée de mobilité professionnelle.

Néanmoins, les obstacles ressentis à la mobilité restent nombreux, tout particulièrement pour les moins qualifiés qui sont en même temps les plus demandeurs et qui doivent plus souvent que les autres effectuer ce type de parcours à l’extérieur de leur entreprise.

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Enquête
(160 pages)
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