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En 2022, l’Institut Montaigne dévoile la première édition du baromètre européen des impôts de production, dont l’objectif est de comparer, pour la première fois au niveau européen, la fiscalité sur la production qui pèse sur les entreprises. En effet, le niveau des impôts de production constitue un réel enjeu de compétitivité et de dynamisme économique, national et européen. À la lumière des résultats de cette première édition, la France figurait, en 2020, comme l’un des plus mauvais élèves parmi nos voisins européens. Les impôts de production français représentaient en effet 4,4 % de son PIB, juste derrière la Suède (10,3 %). 

Alors que le sujet des impôts de production s’est sensiblement ancré dans la campagne présidentielle française de 2022 - en témoigne la proposition puis l’annonce de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) sur deux ans - aujourd’hui il demeure plus que jamais essentiel de disposer d’un outil clair et objectif d’appréciation de la compétitivité des différents États européens.

Cette deuxième édition s’inscrit dans cette dynamique et propose une analyse comparative des différentes tendances observables parmi les principaux pays européens, entre 2020 et 2021. La France conserve-t-elle sa place de mauvais élève dans notre classement ? La dynamique européenne est-elle à la baisse ou à la hausse de la fiscalité sur la production ?

La définition d’un cahier des charges précis

Les experts impliqués se sont appuyés sur le Règlement européen n°549/2013 du 21 mai 2013 définissant les impôts sur la production, ainsi que sur les normes juridiques françaises, notamment issues de jurisprudences rendues par les hautes juridictions françaises. Une fois les contours de la définition juridique de l’impôt sur la production formalisés, les équipes de Mazars en France ont élaboré un cahier des charges listant les informations nécessaires à l’identification et à l’analyse des impôts sur la production pour chacun des onze pays à mettre en perspective.

Le cahier des charges comprend ainsi la liste de tous les impôts existants et signale les impôts, taxes et contributions répondant à la définition d’impôts sur la production (exemples : impôts sur la propriété ou l’utilisation de terrains, bâtiments et constructions à des fins de productions (cotisation foncière des entreprises, taxe foncière…), impôts sur les actifs mobiliers utilisés à des fins de production (taxe sur les véhicules de société…), impôts sur le travail (taxe sur les salaires…)), en s’appuyant sur 4 critères principaux. Ces impôts doivent être :

  • obligatoires,
  • dus par les entreprises,
  • prélevés par les administrations publiques ou les institutions de l’Union européenne,
  • dus au titre des capacités de production.

Ce cahier précise également les points de difficultés et propose une justification étayée du classement de certains impôts, par exemple l’exclusion de la taxe sur les friches commerciales (due au titre de la détention d’un immeuble inexploité et qui ne constitue donc pas un moyen d’exploitation) ou encore l’inclusion de la Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés ou C3S (principalement assise sur le chiffre d’affaires, mais dont les particularités permettent malgré tout de l’inclure dans la catégorie des impôts sur la production).

Vous pouvez trouver ici le détail du cahier des charges.

Comparaison du cahier des charges et des données "Eurostat" par les équipes de Mazars en France et en Europe

Les experts Mazars, basés dans les dix autres pays concernés par l’étude, ont reçu de Mazars en France, pays coordinateur du projet, le cahier des charges ainsi que les données "Eurostat" sur les impôts de production. Si elles constituent un point de départ intéressant, les informations Eurostat prennent en compte des contributions et taxes qui relèvent d’une approche de l’imposition de production à certains égards différente de celle retenue par Mazars, car moins précise.

Ainsi, sur la base du cahier des charges, les experts Mazars ont été chargés de classer les informations d’Eurostat, d’analyser et, si nécessaire, de revoir la classification préexistante au regard des critères établis.

À titre d’exemple, les données Eurostat comptabilisent, pour la France, la totalité de la taxe foncière en tant qu’impôt de production, sans réussir à différencier la part due par les entreprises de la part due par les ménages. L’analyse inédite proposée par ce nouveau baromètre, fondée sur des sources juridiques préexistantes, a nécessité un travail d’analyse particulièrement minutieux mené par les fiscalistes du groupe Mazars. Le degré de précision atteint par cet exercice est inédit : il convient toutefois de signaler qu’il existe une marge d’erreur s’agissant de l’exercice d’isolement des parts de ces impôts, dues par les ménages et par les entreprises. En effet, pour certains pays, tels que l’Espagne ou la Suède, certaines données sont manquantes et ne permettent pas de conclure à une absence de contribution des ménages sur des impôts de production, supportés selon la définition juridique établie par les entreprises.

Les équipes ont alors dressé la liste exhaustive de l’ensemble des impôts par pays puis ont déterminé, ligne par ligne, s’il s’agissait ou non d’un impôt sur la production en justifiant leur choix et en prenant en compte la complexité des règles fiscales propres à chaque pays.

Enfin, bien que le cahier des charges n’ait pas évolué entre les deux éditions du baromètre, il convient de noter que certains affinages méthodologiques - dont les détails sont explicités dans le baromètre et dans le cahier des charges - ont été opérés et actualisent ainsi certaines valeurs de l’édition précédente. C’est notamment le cas pour trois pays : l’Italie, les Pays-Bas et la Pologne dont les données 2020 ont été mises à jour au regard de ces nouvelles analyses.

Élaboration de l’indicateur

Ces données commentées et classées ont ensuite été transmises par Mazars à l’Institut Montaigne. L’Institut Montaigne, avec l’aide d’HEC Junior Conseil, a ensuite exploité ces données afin de construire l’indicateur nécessaire à la comparaison du montant global annuel des impôts sur la production entre la France et les dix autres pays européens. Cet indicateur commun est présenté en proportion du PIB 2021.

Spécificités de cette nouvelle édition du baromètre

Cette seconde édition du baromètre des impôts de production s’inscrit dans la continuité du travail engagé l’année précédente. Au regard des réformes fiscales passées, en cours et à venir - notamment en France avec l’allégement puis la suppression annoncée de la CVAE - l’Institut Montaigne, en collaboration avec Mazars, a décidé de renouveler l’exercice afin d’apporter un regard critique et pertinent sur ces enjeux.

Cette année, il a été décidé de retirer le Royaume-Uni de la liste des pays étudiés en raison notamment de son retrait du marché commun européen. Le Royaume-Uni n’étant plus soumis aux mêmes contraintes législatives et n’évoluant plus dans le même environnement économique, toute comparaison avec les autres pays à l’étude devient caduque. Par ailleurs, Eurostat n’étudie plus le Royaume-Uni depuis sa sortie de l’Union européenne, privant notre baromètre de données fiables et utiles à notre exercice d’analyse.

Le Danemark fait quant à lui son apparition dans cette nouvelle édition de notre baromètre. Le pays, 11e puissance économique européenne, est effectivement très présent sur le marché commun, notamment grâce à une industrie exportatrice très compétitive. Sa balance commerciale est ainsi positive depuis près de 35 ans : l’étude des impôts de production danois est ainsi un excellent cas d’étude pour illustrer l’enjeu de la compétitivité des entreprises européennes.

Une tendance à la baisse des impôts de production en Europe

Baromètre européen des impôts de production 2023

 

Sur les 11 pays étudiés, 9 ont connu une diminution du poids de leurs impôts de production, ce qui traduit une volonté partagée de renforcer la compétitivité des entreprises européennes.

La France, tout particulièrement, connaît une baisse remarquable : le poids de ses impôts de production baisse de près 0,6 point de PIB entre 2020 et 2021 en raison notamment de la diminution des recettes de CVAE sur cette même période.

Pour d’autres pays, dont la fiscalité sur la production est déjà faible, tels que l’Allemagne, le Portugal ou la Suisse, le Baromètre constate une stabilisation fiscale, sans évolution marquée. 

Enfin, seuls l’Italie et la Pologne connaissent une augmentation du niveau de leurs impôts de production en raison, respectivement, de la crise sanitaire liée au Covid-19 et d’impôts ou taxes ayant un impact négatif sur l’environnement.

Un classement qui se confirme

Baromètre européen des impôts de production 2023

 

Le classement des pays par importance relative des impôts de production reste inchangé pour cette édition 2023. La Suède reste le pays dont le poids des impôts de production est le plus élevé (en 9,9 % de PIB), ce qui s’explique toutefois par son rôle dans le financement du système social suédois.

 

Baromètre européen des impôts de production 2023

 

S’agissant de la France, le Baromètre européen des impôts de production 2023 aboutit aux mêmes conclusions que la précédente édition : la France figure toujours parmi les "mauvais élèves" de l’Union européenne puisque ses impôts de production représentent 3,8 % de son PIB, bien au-dessus de la moyenne des pays étudiés, estimée à 2,5 % de PIB. Plus encore, la valeur absolue de ses impôts de production s’élève à 95 milliards d’euros, soit près de 4 fois plus que l’Allemagne (25 milliards) alors que ce dernier a un PIB qui est près de 40 % supérieur au nôtre.

 

 

"La collaboration entre Mazars et l’Institut Montaigne sur la mesure du niveau et de l’évolution des impôts à la production dans les principaux pays de l’Union Européenne est à saluer. Elle permet d’étalonner la situation des entreprises françaises au sein du marché unique, de façon robuste car étayée par une fine connaissance du cadre juridique de chaque pays. Ce deuxième rapport montre une évolution favorable aux entreprises françaises. Espérons que les prochains baromètres nous montreront une poursuite de cette évolution."
 

Éric Chaney, Conseiller économique à l'Institut Montaigne

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