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29/01/2014

ZEP, des moyens à la hauteur du défi ?

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ZEP, des moyens à la hauteur du défi ?
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Par Daniel Laurent, conseiller spécial et Fanny Anor, chargée de mission à l'Institut Montaigne

Lors du conseil des Ministres du mercredi 15 janvier dernier, Vincent Peillon a révélé les grandes lignes des mesures qu'il préconise en faveur des enseignants en ZEP :
? 1h30 de décharge hebdomadaire ;
? une augmentation de 50 à 100 % de la "prime ZEP", soit 50 à 100 euros d'augmentation mensuelle ;
? un grand plan de formation continue.

La scolarisation des enfants de moins de trois ans est également à l’ordre du jour, avec pour objectif annoncé un taux de scolarisation de 30 % d’ici la fin du quinquennat dans les réseaux d’éducation prioritaire. En outre, afin d’assurer leur prise en charge jusqu’à 16h30, les élèves de 6ème se verront proposer des activités pédagogiques et éducatives.

Réagir face à un constat accablant

Ces annonces semblent enfin esquisser les prémices d’un rééquilibrage des moyens. Dès 2006, les travaux de l’Institut Montaigne mettaient en lumière un paradoxe : les écoles les mieux dotées financièrement ne sont pas là où l’on croit[1]. En effet, la Cour des comptes a calculé que l’État a dépensé, en 2012, 47 % de plus pour former un élève parisien qu’un élève des académies de Créteil ou de Versailles.

Une seule question doit se poser pour apprécier ces dispositions : améliorent-elles la formation de nos jeunes et contribuent-elles à l’égalité des chances ? L’enquête PISA 2012 a révélé l’échec croissant de l’école à favoriser l’ascension sociale, la France se révèle ainsi être le pays de l’OCDE dans lequel les inégalités socio-économiques pèsent le plus sur la réussite scolaire. Les travaux conduits depuis plus de 10 ans par l’Institut Montaigne l’ont montré, l’échec scolaire en ZEP a des répercussions majeures sur l’ensemble de la société : perte de cohésion sociale, risques de délinquance accrus, illettrisme et faibles qualifications,…

Si ces mesures reflètent une prise de conscience des inégalités scolaires, le plan d’action n’est pas encore suffisamment ambitieux pour endiguer l’échec croissant de l’école à assurer l’égalité des chances. On peut ainsi s’interroger sur le pouvoir incitatif réel d’une prime de 50 à 100 euros mensuels, alors que les conditions de travail – même avec un service allégé d’une heure et demie – restent bien plus difficiles que dans les autres établissements.

Notre proposition : cesser de recruter dans des établissements ZEP des enseignants débutants qui ne sont pas volontaires pour y enseigner. Ces postes devraient être réservés soit à de jeunes enseignants très motivés, soit à des professeurs très expérimentés. Mais, comment les attirer et les inciter à rester durablement en ZEP ?

Alors que seule la moitié des collégiens de 3ème scolarisés dans les collèges Eclair – établissements qui concentrent le plus de difficultés – maîtrisent les compétences de base en français, contre 80 % hors éducation prioritaire (les proportions sont quasiment identiques en mathématiques), pourquoi le gouvernement se prive-t-il de moyens qui assureraient une amélioration sensible des résultats ?

Tous les leviers sont-ils actionnés ?

La formation initiale et continue promise aux enseignants de l’éducation prioritaire sera-t-elle à la hauteur de l’enjeu ? La capacité à prendre en charge les difficultés rencontrées au quotidien et à travailler en équipe ne se décrète pas ; sans un dispositif de formation des maîtres profondément renouvelé, inspiré des travaux des sciences de l’éducation, le défi ne pourra assurément pas être relevé. Une véritable politique innovante et ambitieuse vis-à-vis des ZEP devrait servir de levier pour l’évolution de notre système éducatif dans son ensemble.

Quelles mesures pourraient être mises en œuvre dès maintenant dans le cadre d’ "un contrat" avec les enseignants des ZEP ?

- les enseignants des écoles et collèges situés en ZEP seront volontaires et recrutés hors mouvement national ;

- leur service sera annualisé et leur salaire doublé sur la base d’une prime d’exercice s’élevant à 50 % du salaire de base et d’une prime individuelle de 50 %, selon les résultats obtenus au niveau du collège ou de l’école, afin d’impulser un travail en équipe ;

- ces primes obtenues selon les résultats doivent insuffler une culture de la performance et un pilotage par l’objectif. Pour cela il est nécessaire de mettre en œuvre des procédures d’évaluation continue, afin de suivre les acquisitions et de déclencher si nécessaire des procédures de rattrapage immédiat pour les élèves potentiellement décrocheurs. La comparaison des résultats à ces évaluations, en début et en fin d’année, permettra également de mesurer facilement la véritable "valeur ajoutée" de ces nouvelles mesures.

Quant au financement, à moyens constants, deux pistes sont à explorer :

- supprimer la niche fiscale des cours de soutien scolaire et affecter les montants ainsi dégagés à la politique éducative en ZEP ;

- s’aligner sur le nouveau carroyage promu par le ministère de la Ville et ne retenir que les établissements dont plus de 50 % des élèves sont issus de ménages à bas revenus, c’est-à-dire disposant de moins de 11 250 euros annuels par personne. La question de la dilution de ces mesures et du saupoudrage des moyens mérite d’être examinée : 503 établissements étaient classés ZEP au lancement du dispositif en 1981, ils sont aujourd’hui 1099. Cela permettrait de concentrer vraiment les moyens là où les élèves rencontrent les plus grandes difficultés. Mais pour cela, il faudrait que le ministère de l’Éducation nationale résiste aux pressions des élus locaux, qui ne renonceront pas sans combattre…

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