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11/01/2023

Xi Jinping - Les habits neufs de l'empereur

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Xi Jinping - Les habits neufs de l'empereur
 François Godement
Auteur
Expert Résident, Conseiller spécial - Asie et États-Unis

Les évolutions politiques de ces dernières semaines en Chine vont à l'encontre de bien des attentes rationnelles sur la façon dont le Parti communiste chinois (PCC) gouverne le pays. Ainsi, on s'attend à ce qu'un congrès du PCC fixe la ligne politique pour les cinq années à venir. À dire vrai, cela n'a souvent pas été le cas. La résolution finale du congrès est plutôt un arrêt sur image, un cliché instantané quoique laborieusement préparé, et qui est la toile de fond sur ce qui prévaut - la dynamique réelle au sommet de l'État chinois. Les exemples de discontinuité abondent. Ainsi du 7ème Congrès, qui vantait en 1945 le concept de la Démocratie Nouvelle au sein d'une Front uni avec le Kuomintang, remplacé en 1949 par la notion de "Dictature démocratique populaire". Ou du 8ème Congrès, rejoué à l'occasion d'une "deuxième session" plusieurs années plus tard. Ou encore du 9ème Congrès, qui avait désigné le maréchal Lin Bao comme "successeur révolutionnaire" avant que ce dernier ne disparaisse deux ans plus tard. Le 10ème congrès en 1973 a pour sa part été bouleversé par l'ascension de la Bande des Quatre, elle-même défaite par une alliance des vétérans. 

Les virages politiques pris par la Chine depuis la clôture du 20ème Congrès le 25 octobre 2022 apparaissent, en comparaison, moins spectaculaires. Mais ils nous rappellent une réalité qui ne devrait pas, elle, constituer une seconde surprise : contrairement aux récits produits par le département de la publicité (en d'autres termes, de la propagande) du PCC, la stabilité et la continuité des politiques publiques ne sont jamais garanties en Chine, pour le meilleur comme pour le pire. Un système totalitaire, et plus encore un individu tout-puissant, sont en mesure d'opérer un changement abrupt de politique ; le docile appareil politico-administratif leur emboîtera immédiatement le pas. Cette même bureaucratie a trop peur de ses dirigeants, et en particulier de Xi Jinping, pour mettre au point d'elle-même une politique plus nuancée qui peut encourir tous les reproches. Et elle ne peut ainsi anticiper sur un changement de ligne au sommet avant qu'il ait lieu : d'où, par exemple, l'impréparation au grand revirement sur le Covid.

Mais il y a une troisième surprise ou, plutôt, un paradoxe. Xi Jinping a prématurément mis à la retraite ceux qui, parmi ses collègues, avaient montré, à un moment donné, des signes d'ouverture face à des réformes plus importantes, y compris Li Keqiang, un Premier ministre doté d'un réel talent technocratique mais sans force politique, et Wang Yang, l'ancienne coqueluche des réformateurs du Parti, qui s'était fait très discret depuis 2012. Ceci tout en promouvant de proches collaborateurs issus de sa carrière passée, ainsi que quelques nouveaux technocrates, souvent liés à l'industrie aérospatiale. Et pourtant, dans le même temps, Xi Jinping s'est clairement approprié certains des débats qui avaient émergé dans les cercles du pouvoir et des experts officieux. Les changements - qu'on ne peut tout de même pas qualifier de réformes - se font ainsi sans ceux qui ont pu être leurs avocats au cours de l’année précédente.

Un jeu de pouvoir au sommet ?

Selon certains, ces changements pourraient même être qualifiés de révolution de palais, et Xi aurait à ce stade perdu le contrôle de bon nombre de politiques publiques nationales. Ce qui est certain, c'est que, sur plusieurs enjeux, il a fait volte-face ou tout du moins effectué des corrections de trajectoire. Au 20ème Congrès, il avait accusé ses prédécesseurs d’avoir mal mis en œuvre les politiques adoptées, et nous avons tous en mémoire l'expulsion brutale de Hu Jintao de la salle du Congrès. Or, lors de l'allocution de Xi Jinping pour le Nouvel An, des portraits de ses prédécesseurs apparaissent en arrière-plan - des images ensuite décryptées en détail par le Quotidien du Peuple, au cas où le message aurait échappé aux téléspectateurs. Le décès de Jiang Zemin a fait l'objet d'un hommage appuyé de la part de Xi. Les médias officiels chinois et l'appareil de propagande ont désormais tendance à réduire l'omniprésence médiatique que ce dernier a eu pendant de nombreuses années.

Il est plus probable que Xi Jinping n'ait pas envie de s’exposer en avant des autres dirigeants au moment où la Chine affronte un tsunami épidémique.

Y a-t-il eu d'autres signes de division au sommet ou au sein du discours idéologique, qui pourraient indiquer qu'une lutte factionnelle se dessine ? Des limogeages ont eu lieu fin décembre, mais ils ne concernaient pas des fidèles notoires de Xi. Il est plus probable que Xi Jinping n'ait pas envie de s'exposer en avant des autres dirigeants au moment où la Chine affronte un tsunami épidémique. Tout compte fait, les changements de ligne ne seraient donc pas un signe de faiblesse factionnelle de sa part, mais indiqueraient au contraire qu'un Xi tout-puissant peut se permettre de revenir sur ses propres décisions sans affaiblir pour autant son pouvoir.

Le fait d'osciller entre "gauche" et "droite" (puis à nouveau "gauche" !) est un héritage direct du répertoire de Mao. Et sous la rigidité doctrinale et la quête du pouvoir personnel orchestrées depuis une décennie par Xi, on peut déceler des restes du pragmatisme et de l’opportunisme qu'il avait dû déployer pour revenir d’un no man’s land politique et gravir les marches du pouvoir. Xi s’est targué de faire passer la pratique avant la théorie, d’être flexible sur les tactiques (et non sur la stratégie), et de savoir écouter les masses, un talent qu’il attribue à ses longues années passées dans la campagne chinoise. 

Parmi les récents changements, il a ainsi rappelé publiquement qu'il savait gérer l'entreprise privée, un acquis de son expérience de secrétaire du Parti de la province du Zhejiang. Xi l'inflexible peut aussi faire le caméléon… Il est ici difficile de jauger le rôle joué par les manifestations contre les confinements, et parfois dirigées contre sa personne dans les grandes villes et universités. Mis à part quelques accusations rituelles de subversion par l'Occident, ces manifestations n’ont en tous cas pas rencontré de contre-offensive idéologique majeure, ce qui est inhabituel. 

Covid : un virage à 180° 

De toutes les évolutions politiques récentes, la plus saisissante est la renonciation complète à l'objectif zéro-Covid, qui portait la marque de Xi Jinping dans la gestion de l'épidémie. Il convient ici de distinguer le fond de ce changement du processus. L'allègement de la stratégie zéro-Covid, décrit comme le passage à un "zéro-Covid dynamique", avait été décidé au printemps 2022, justifié à l'intérieur du pouvoir par l'objectif de sauver les récoltes agricoles, la production industrielle destinée à l'exportation et les nœuds logistiques clés. Le barrage zéro-Covid contre la pandémie avait jusque-là tenu bon - aux dépens de l’économie et des libertés individuelles de la population. Le nombre de décès, même s'il est supérieur aux chiffres officiels, n'avait pas pu être d'un ordre de grandeur radicalement différent. La brutalité des mesures de restriction était bien sûr une tout autre histoire, depuis les tests quasi quotidiens nécessaires pour sortir de chez soi jusqu'aux confinements complets dans des immeubles d'habitation - avec, dans certains cas, des approvisionnements en nourriture insuffisants - en passant, bien sûr, par l’interdiction presque totale des voyages à l'étranger. 

Mais le virus a finalement gagné la "guerre" que Xi Jinping, fidèle à son inclinaison martiale habituelle, lui avait déclarée. C'est là la conséquence de la simultanéité de la mise en œuvre de l'approche "zéro-Covid dynamique" et de l’émergence en Chine de sous-variants encore plus contagieux qu'Omicron. On parle d’un taux de reproduction du virus qui irait jusqu'à 22, soit beaucoup plus que tous les variants précédemment identifiés. Comme en attestent les images des hôpitaux saturés dans les grandes villes, le virus circulait déjà avant le changement de stratégie de décembre, ce qu'a reconnu l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais comme pour les autres revirements décrits ci-dessous, une ligne rigide avait été maintenue jusqu’au 20ème Congrès. 

De toutes les évolutions politiques récentes, la plus saisissante est la renonciation complète à l'objectif zéro-Covid, qui portait la marque de Xi Jinping dans la gestion de l'épidémie.

Aucune politique d'endiguement n'aurait été à même d'arrêter une vague épidémique d'une telle ampleur, avec une telle réplicabilité du virus, l'efficacité moindre des vaccins chinois comparé aux vaccins à ARN messager, et les faibles taux de vaccination chez les personnes âgées. Xi a rompu avec une politique qui avait finalement atteint ses limites. Abandonner la stratégie zéro-Covid vise aussi à maintenir l'économie en route. La condition, qui est loin d'être assurée, c'est que le nombre de décès demeure limité et se cantonne aux tranches les plus âgées de la population. 

Ajustements de la politique économique

En matière économique, certains changements importants, distincts mais liés, ont également été entérinés. Le plus important de ces changements est un coûteux sauvetage du secteur du bâtiment et du logement, qui connaît sa propre crise majeure depuis 2021. Il y a eu dans le passé une réticence marquée à éponger directement les dettes des promoteurs en faillite. Cette réticence s'appuyait sur une phrase prononcée par Xi en 2017 et souvent répétée : "les logements sont faits pour vivre, non pour spéculer". La patate chaude a alors été passée aux autorités locales, qui étaient les bénéficiaires finaux des ventes de terrains à construire en décembre 2022, au vu du ralentissement de l'économie engendré par la pandémie, les conditions de refinancement auprès des banques et de l'État ont été considérablement assouplies. Ceci doit permettre le retour de la confiance des consommateurs, et donc un redémarrage de la croissance.

Au vu du ralentissement de l'économie engendré par la pandémie, les conditions de refinancement auprès des banques et de l'État ont été considérablement assouplies.

Un nouveau plan visant à accroître la demande intérieure sur les années 2023-2035 met désormais la promotion de la consommation en tête de ses objectifs. La Chine était par le passé méfiante à l'égard de la redistribution des revenus et d’aides sociales, décrites par Xi Jinping comme des attributs de la "paresse" et du déclin des sociétés occidentales. Bien qu'il y ait à ce jour peu d’avancées concrètes dans cette nouvelle direction, on parle désormais dans certaines localités de distribuer des bons d’achat afin de relancer la consommation, une hypothèse naguère rejetée. 

Les vents contraires qui soufflaient en direction de l'économie du numérique, souvent la cible du Parti ces trois dernières années, se sont également calmés. Mais il est vrai aussi que l'État-parti a renforcé son contrôle direct sur ce secteur. Enfin, la Conférence centrale sur le travail économique de décembre 2022 a omis de souligner l'importance de la "prospérité commune", pourtant l'un des grands slogans de Xi ces dernières années.

Xi Jinping prend soin de ne pas se livrer à une autocritique au sujet de la politique économique adoptée par le passé. Lors de son allocution du Nouvel An, il a ainsi annoncé une estimation du PIB de 2022 qui implique un taux de croissance de 4,4  % sur l'année, là où les experts étrangers, ainsi que les sources officielles chinoises portant sur les trois premiers trimestres, tablaient plutôt sur une croissance inférieure à 3  %. Mais qu'il soit réel ou maquillé, ce nouveau chiffre indique déjà une rupture avec la ligne à laquelle s’est tenu Xi Jinping pendant le 20ème Congrès, selon laquelle la croissance quantitative n’était plus la préoccupation première.

Un assouplissement de la diplomatie publique chinoise 

En l'absence de changements de politique économique plus concrets, ce qui a le plus d'impact international est le changement de ton de la diplomatie chinoise, qu’on voit apparaître à plusieurs niveaux. Le dernier exemple en date est le choix de Qin Gang, jusqu’alors ambassadeur aux États-Unis, pour le poste de ministre des Affaires étrangères. Ancien porte-parole du ministère, Qin n’a pas pris part à la "diplomatie du loup" pratiquée par d'autres diplomates chinois. Il est cependant très incisif, et certaines rumeurs au sujet de sa famille font de lui le fils de Li Tieying, ancien vice-Premier ministre et membre du Bureau politique chargé de l'éducation, proche de Li Peng pendant les événements de Tian'anmen en 1989, et lui-même le fils de Li Weihan, un héros révolutionnaire du PCC des années 1930. Ceci expliquerait la rumeur selon laquelle Qin avait déjà plus d’influence auprès de Xi Jinping que les autres hauts fonctionnaires en charge des affaires étrangères.

D'autres marqueurs de cette nouvelle ligne transparaissaient déjà avant cette nomination. Tout d'abord, la reprise des dialogues dits de diplomatie parallèle avec les États-Unis et l'Union européenne, qui se déroulent pour l’instant grâce à des partenaires de confiance de la Chine comme intermédiaires, à l’image d'Evan Greenberg, le fils du principal lobbyiste pro-Chine dans le milieu des affaires américains depuis plus d'un demi-siècle, ou avec des groupes d'intérêts économiques, comme à Bruxelles avec BusinessEurope.

La communication internationale chinoise épouse à nouveau le narratif des relations "gagnant-gagnant".

Il est cependant frappant de constater que certains experts chinois de politique étrangère bien connus qui n’ont pas toujours défendu la ligne officielle ont récemment voyagé à l’étranger pour rendre visite à des institutions qui ne sont clairement pas dans les bonnes grâces de Pékin. Plus généralement, la communication internationale chinoise épouse à nouveau le narratif des relations "gagnant-gagnant". Des ouvertures formelles ont été faites en direction de l'Australie et du Japon. Même Taiwan a fait l'objet de remarques moins agressives dans l’allocution de Xi Jinping pour le Nouvel An. La crise dans les relations avec les États-Unis est souvent mentionnée au passé, tandis qu'on parle désormais d’opportunités avec l'Europe, ce qui tranche avec le langage virulent employé ces dernières années. 
 
Qu'est-ce qui se cache derrière ce changement de ton ? On est tenté d'établir un parallèle avec l'énoncé le plus surprenant dans les propos de Nouvel An de Xi, à savoir que les politiques de lutte contre le Covid "n'ont été un voyage facile pour personne" et "il est naturel d’avoir des préoccupations différentes ou d’avoir des opinions différentes sur un même sujet". Dans les deux cas - le Covid et les relations internationales - il semblerait que Xi ait réalisé que la ligne dure menait son pays à une impasse. Les feuilles blanches brandies par la population urbaine en guise de contestation, ainsi que l’impopularité de la Chine dans presque toutes les démocraties, couplées à un réarmement de taille à travers l'Asie, ont peut-être été perçus comme des signes que la rigidité et la communication agressive de Pékin se retournaient contre la Chine. Mais certaines des évolutions de la propagande publique chinoise étaient sans doute dans les tuyaux avant les récents événements. À titre d'exemple, Le Yucheng, un des vice-ministres des Affaires étrangères qui était considéré comme un candidat modéré pour le poste de ministre, a été nommé à la tête de l'Administration nationale de la radio et de la télévision chinoise, poste au sommet de l'appareil de propagande, en juin 2022.

Dans les deux cas - le Covid et les relations internationales - il semblerait que Xi ait réalisé que la ligne dure menait son pays à une impasse. 

Bien que cette nomination ait été perçue, à l'époque, comme une rétrogradation, peut-être était-ce également une manœuvre préparatoire à un adoucissement de la ligne de la propagande. On peut rapprocher ce changement du départ tout récent de Zhao Lijian, un des "loups combattants" les plus en vue qui était porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Au printemps 2022, des experts chinois suggéraient déjà, dans certains cercles de discussions, que la Chine n'avait pas approuvé, et n'avait même pas été informée à l’avance, de l’invasion de l’Ukraine par la Russie lancée le 24 février. 

Dans un régime au sein duquel l'idéologie et la propagande jouent un rôle clé, ces glissements prennent toute leur importance. Il faudra cependant du temps avant que la population et les élites chinoises admettent la portée et la réalité de ces changements et en viennent à oser formuler des critiques. À l'international, il convient de confronter le changement de ton à la réalité des actes sur le terrain. À ce stade, impossible de citer une seule concession chinoise. Le fait que la Chine ne dénonce pas de manière plus véhémente le durcissement des exportations de technologies de semi-conducteurs et de transfert de savoir-faire, annoncé le 7 octobre 2022 par l'administration Biden, n'est pas un signe de modération. Lorsque les États-Unis avaient commencé à déployer des systèmes antimissiles en Asie orientale, une menace directe pour la force nucléaire chinoise, la Chine n'avait pas non plus insisté sur le défi que cela représentait pour elle : la République populaire de Chine élude dans sa propagande officielle les menaces stratégiques les plus délicates auxquelles elle est confrontée, afin de ne pas se reconnaître de faiblesses. 
 
L'avenir de la guerre que la Russie mène en Ukraine constitue une inconnue majeure pour la Chine. Le récit répété par la Chine à propos des responsabilités du conflit est conforme à la ligne russe. Les deux pays ont récemment entrepris des manœuvres navales conjointes en mer de Chine orientale, en face du Japon et de Taiwan. Ceci, cependant, est peut-être davantage une contribution russe, au moment où Poutine appelle avec insistance à plus de coopération militaire entre les deux pays dans sa dernière rencontre virtuelle avec Xi. La Chine tire des bénéfices économiques de la nouvelle situation de la Russie. Il est difficile de la montrer du doigt alors que d’autres pays comme l'Inde ou même l'Union européenne ont augmenté leurs importations en provenance de la Russie en 2022. D'autres bénéfices secondaires, comme l'entrée spectaculaire de la Chine sur le marché automobile russe, ne font que devancer une tendance mondiale qui porte les constructeurs chinois. D’après les informations à notre disposition - et cette réserve est importante - la Chine, contrairement à l’Iran ou à la Corée du Nord, ne fournit pas d’armes ou de munitions à la Russie. L'augmentation rapide des exportations de semi-conducteurs vers la Russie peut cependant éveiller des soupçons. Quoi qu'il en soit, ces tendances sont antérieures au 20ème Congrès et ne semblent pas être sujettes à changement. 

Ce qui est sûr, c'est que la guerre en Ukraine est un test majeur pour les grandes puissances. La Chine pourrait sortir gagnante si la Russie de Poutine consolidait ses positions, et pourrait également profiter d’une longue guerre qui détournerait l'attention de la Chine et de l'Asie orientale. Cependant, elle essuierait sans aucun doute un important revers stratégique si la Russie en venait à perdre du terrain, et encore plus si le régime de Poutine était menacé de l'intérieur. 

Plus que l'hypothèse d'un changement soudain au sommet du pouvoir, ou encore que le rêve d’une conversion soudaine de Xi Jinping à des politiques de réforme, l'hypothèse la plus probable est qu'il ait perçu un changement dans l'équilibre entre les grandes puissances qui ne va clairement pas dans une direction favorable à la Chine. La détermination des alliés américains et européens, les revers militaires de la Russie, qui apportent aussi quelques enseignements pour le cas de Taiwan, la vigueur du découplage engagé par l'administration Biden en matière de haute technologie et l'augmentation des budgets militaires de ses voisins ont tous de lourdes conséquences pour la République populaire. Dans certains domaines clés, Xi Jinping a peut-être décidé de minimiser la prise de risque immédiate et d’offrir moins de prise à ceux qu’il voit comme des adversaires, en Chine comme à l'étranger. La manière dont le système va gérer des changements quasi-orwelliens de doctrine est un autre sujet, mais c’est le cas de tout système totalitaire. 

Bien des éléments nous échappent pour saisir les rapports au sein du groupe dirigeant et leurs changements éventuels. Les interprétations ci-dessus demeurent par conséquent des hypothèses. 

 

Copyright image : WANG Zhao / AFP

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