AccueilExpressions par MontaigneVers une meilleure répartition des migrants sauvés en Méditerranée ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.30/07/2019Vers une meilleure répartition des migrants sauvés en Méditerranée ?Trois questions à à Jean-François Rial et Jean-Paul Tran Thiet SociétéImprimerPARTAGER Jean-François Rial PDG et co-fondateur de Voyageurs du monde Jean-Paul Tran Thiet Expert Associé - Justice et Affaires Européennes À la suite de la réunion tenue à Helsinki la semaine dernière, les ministres de l'Intérieur de l'Union européenne se sont réunis lundi à Paris pour tenter de rétablir une coopération au sein de l'Union européenne pour la répartition de migrants secourus en Méditerranée. Cette rencontre a donné lieu à un accord de principe à la création d’un "mécanisme de solidarité européen" de répartition de ces migrants. Même s’il ne représente pas une solution pérenne à la crise actuelle, il dessine les contours d’une Europe plus humaine. Jean-François Rial, PDG et co-fondateur de Voyageurs du monde et Jean-Paul Tran-Thiet, Senior Fellow à l’Institut Montaigne et co-président du groupe de travail à l’origine du rapport Sauver le droit d’Asile, nous livrent leur analyse.Dans quel contexte cet accord intervient-il ?Cela fait plusieurs années que les discussions sont bloquées au niveau européen sur la bonne façon d’accueillir les demandeurs d’asile et de traiter des demandes qui ont explosé depuis 2015, période où la crise irako-syrienne a contraint à l’exil des centaines de milliers de réfugiés.Le Parlement européen, la Commission et le Conseil avaient prévu de revoir un système mis en place il y a près de 30 ans, à une époque où les crises sécuritaires et les phénomènes migratoires étaient beaucoup plus limités. Ce système, reposant sur la Convention (devenue "règlement") de Dublin posait le principe de la responsabilité du pays de première entrée dans l’Union européenne pour recevoir les demandeurs d’asile et traiter les dossiers. Il n’a jamais correctement fonctionné et la crise de 2015 l’a fait voler en éclats, multipliant les flux "secondaires" clandestins vers la France, l’Allemagne et les pays du Nord de l’Europe. La montée des populistes, qui fut largement nourrie par l’incapacité de l’Europe à aborder rationnellement les questions d’asile et de migrations, a rendu encore plus difficile l’émergence d’un consensus. Ainsi, depuis le Conseil européen de juin 2018, qui était censé débloquer les négociations, rien n’a progressé.Dans un rapport conjoint publié par l’Institut Montaigne et Terra Nova, Sauver le droit d’asile, nous avons proposé plusieurs pistes pour sortir du blocage actuel, en particulier s’agissant du sort des "réfugiés de la mer" qui exigent un traitement d’urgence, aussi bien politique qu’humanitaire.En créant ce premier début de consensus, permettant de répartir entre pays de l’Union les réfugiés les plus fragilisés, les ministres réunis à Paris ont débloqué, de façon prometteuse, un processus de décision qui n’avançait plus depuis 2016.Selon vous, cet accord est-il à la hauteur des enjeux de la situation actuelle ?L’accord intervenu lundi dernier, à Paris, entre 14 pays de l’UE, démontre la pertinence des idées et propositions qui figurent dans notre rapport conjoint Institut Montaigne - Terra Nova :il tente de trouver une solution optionnelle avec plusieurs pays pionniers, sans attendre un accord à 27 ; il met entre parenthèses le "système de Dublin", dont l’inefficacité et la nocivité sont aujourd’hui prouvées ; il réaffirme, à destination de ceux qui refusent tout effort de solidarité, que ce principe fondateur de la construction européenne n'est pas "à la carte" et qu’il y aura des conséquences pour ceux qui refuseraient d’y participer.Il est réconfortant qu’une majorité d’États membres - une majorité simple à ce stade, sous réserve de vérification des pays qui s'engageront finalement - soit disposée à prendre ces orientations en considération.Bien entendu, ce premier pas, certes capital, devra être suivi d’autres pour définir une véritable stratégie de l’Union européenne, aussi bien en matière d’asile que de migrations. Il n’est donc qu’un début.Quelles sont les prochaines étapes liées à cette décision ?Une réunion se tiendra en septembre à Malte, afin de vérifier combien des 14 pays qui ont marqué un accord de principe vont confirmer leur engagement en faveur de cet ensemble de propositions. Huit d’entre eux l’ont déjà fait. Outre les six autres, pourraient également s’ajouter certains de ceux qui avaient initialement exprimé des réserves, mais pourraient finalement se rallier à ce qui pose les bases d’un "large consensus".Comment se formaliseront ces décisions ? Il est trop tôt pour le dire. Mais l’Europe a imaginé, tout au long de son histoire, des solutions pragmatiques qui vont des "coopérations renforcées" aux mécanismes d’Opt Out (leur permettant à tout moment de ne pas appliquer une mesure). Le sujet est si important qu’il ne faudra pas hésiter à être innovants, quitte à couper un peu les angles de la rigueur institutionnelle. L’important est d’agir vite et de s’engager vers une convergence des politiques, dans le respect du principe de solidarité.Par ailleurs, la déclaration à l’issue de la rencontre entre le Président Emmanuel Macron et le Haut-Commissaire aux Réfugiés des Nations-Unies, demandant à la Libye de "mettre fin à l'enfermement" des migrants, qui sont victimes, dans ce pays, de traitements indignes et dégradants, constitue une avancée positive. Ceux qui promettaient que la solution aux questions d’asile et de migration se trouverait dans des politiques de confinement hors du sol européen se rendent bien compte, aujourd’hui, que la situation en Libye est un drame humanitaire. Copyright : LOUISA GOULIAMAKI / AFPImprimerPARTAGERcontenus associés 07/03/2019 Peut-on parler sereinement de l’immigration africaine ? Bruno Tertrais