AccueilExpressions par Montaigne"Un jeune sur cinq sans diplôme ? Ce n’est pas une fatalité"L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.09/10/2012"Un jeune sur cinq sans diplôme ? Ce n’est pas une fatalité" ÉducationImprimerPARTAGERAuteur Lucie Piolot Chargée d 'études Tribune de Lucie Piolot parue sur Rue89 le 9 octobre 2012. Le Parlement votera ce soir la création des emplois d’avenir. Tout comme les contrats de génération, ces dispositifs d’urgence insuffisamment tournés vers les emplois marchands, bien qu’utiles, ne peuvent à eux seuls répondre aux défis de plus long terme auxquels nos jeunes sont confrontés au moment de l’insertion sur le marché du travail.Chaque année, près d’un jeune sur cinq sort du système éducatif sans diplôme ni qualification. Cet échec scolaire massif se double d’un taux de chômage des moins de 25 ans proche de 23 %, comparable à celui de la Roumanie et de l’Estonie. Les moins qualifiés sont les plus touchés : trois ans après leur sortie du système scolaire, 40 % des non diplômés sont au chômage - contre 9 % des diplômés du supérieur. Cette situation inacceptable n’est pourtant pas une fatalité. Malgré la crise, des pays voisins sont parvenus à maintenir un taux de chômage des 15-24 ans inférieur à 15 % notamment grâce à des systèmes d’orientation et d’insertion efficaces. Dans la note Choisir les bons leviers pour insérer les jeunes non qualifiés, l’Institut Montaigne et Entreprise & Personnel analysent les pratiques françaises au miroir des comparaisons internationales et formulent trois propositions pour inverser la tendance.En finir avec l’orientation "à la française" Le système français d’orientation ne joue pas du tout son rôle d’articulation entre la formation des élèves, la réalisation de leurs aspirations et les besoins du monde du travail, poussant beaucoup de d’entre eux dans des voies qui ne les intéressent pas ou vers des formations sans avenir. Pour faire évoluer cette situation, l’orientation telle qu’elle est dispensée aux écoliers allemands ou danois par exemple montre qu’il est possible d’agir dans deux directions concrètes :renforcer la formation des professeurs aux réalités du monde du travail et ouvrir bien davantage le monde enseignant aux professionnels issus de l’entreprise, particulièrement dans les filières générales ;introduire dès le collège des séances d’orientation centrées très concrètement sur la connaissance des formations proposées, l’apprentissage des exigences du monde du travail et l’autonomie.Agir au plus près des bassins d’emploi L’accès à l’emploi des jeunes peu qualifiés est rendu plus difficile par la nature cumulative des handicaps auxquels ils font face : absence de réseau, déficit d’information et d’appui, stigmatisation et discrimination à l’embauche. Or, malgré la récente multiplication des politiques d’insertion et les initiatives intéressantes prises en ce sens, aucun dispositif n’est spécifiquement adapté à cette population fragile, à l’exception peut-être de celui des Missions Locales dont l’action gagnerait à être mieux articulée avec les dispositifs globaux d’emploi et d’insertion. Cet empilement illisible de dispositifs nationaux fonctionnant "en silos" nuit à leur efficacité. En Allemagne et au Danemark, l’organisation des politiques d’insertion et d’emploi est gérée au niveau local, dans les Länder ou municipalités, là où se jouent les rencontres entre employeurs et jeunes. Elles mobilisent l’ensemble des acteurs concernés : les écoles, les centres de formation et d’orientation, les services de l’emploi, les services sociaux, les municipalités, les parents et les entreprises. Ces exemples nous proposent trois pistes d’action pour notre pays : identifier au niveau local un chef de file qui piloterait les activités de l’ensemble des acteurs et des dispositifs existants en disposant d’un budget décentralisé ;créer un guichet unique "jeunes" qui leur permette d’accéder à des services d’orientation, aux offres de Pôle Emploi et aux services sociaux, tout en facilitant les démarches des entreprises ;renforcer l’autonomie des collèges et des lycées pour encourager leur collaboration avec les guichets locaux, prévenir le décrochage scolaire et organiser des activités d’orientation.Faire une place aux jeunes dans les entreprises La transition entre la fin des études et le premier emploi en entreprise est, en France, encore trop peu efficace. La généralisation de l’alternance permettrait d’y remédier. Ce véritable passeport pour l’emploi permet aux élèves d’acquérir des compétences opérationnelles. En effet, selon une étude de la Dares publiée en 2010, l’alternance ouvre la porte à un emploi pérenne dans huit cas sur dix. En outre, les entreprises doivent promouvoir les pratiques nouvelles dans le domaine de la diversité, en particulier celles destinées aux moins de 25 ans. Il est également nécessaire qu’elles mènent une réflexion pour identifier les activités véritablement professionnalisantes qui permettraient d’intégrer les moins qualifiés. C’est leur responsabilité et leur intérêt.. Ces nouveaux chômeurs sont la "génération perdue" : c’est en ces termes que l’Organisation internationale du Travail met en garde les pays européens sur l’aggravation du chômage des jeunes. Le gouvernement a annoncé des mesures d’urgence : il reste cependant impératif d’engager dès maintenant des actions concrètes pour agir sur les causes structurelles de cette crise.ImprimerPARTAGER