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29/05/2009

RSA : pour la relance, OK ; mais pour la suite, à revoir

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RSA : pour la relance, OK ; mais pour la suite, à revoir
 Jacques Bichot
Auteur
Professeur émérite à l'Université Lyon 3

L’objectif du RSA, mis en place à partir du 1er juin, est excellent : fournir de quoi vivre à ceux qui n’ont pas ou pas assez de ressources, sans les dissuader de chercher à se tirer d’affaire par leurs propres moyens. Mais le dispositif mis au service de ce but est-il adéquat ? N’y avait-il pas mieux à faire avec l’argent des contribuables ?

La précipitation avec laquelle le dispositif a été mis en place pose problème : pour une fois qu’une étude d’impact sérieuse avait été commandée, appuyée sur une expérimentation à grande échelle, légiférer (loi du 1er décembre 2008) sans attendre les résultats relève du mépris de la sphère politique à l’égard des chercheurs qui pourraient lui éviter de prendre ses décisions la larme à l’œil et au doigt mouillé.

Les résultats de l’expérimentation, en ligne avec des indications intermédiaires dont les concepteurs du projet auraient pu tenir compte, mais qui ont été balayées d’un revers de main, montrent un impact des plus limités sur le retour à l’emploi. Le RSA va donc surtout servir à distribuer de l’argent aux travailleurs pauvres. Dans la politique économique actuelle, qui fait une large place au soutien de la consommation, cela rendra solvable une partie de la demande qui, sinon, serait restée insatisfaite : le RSA s’inscrit donc bien dans le volet keynésien de la relance. Mais, une fois la croissance revenue, permettra-t-il aux "exclus" de retrouver une activité autre que marginale ?

Des travaux comme ceux de Pierre Cahuc et André Zylberberg sur la formation continue montrent que les personnes situées dans la "cible" du RMI et celle (plus large) du RSA ont avant tout besoin de formations longues et spécifiques, personnalisées, appuyées sur un accompagnement solide. Leur accorder un supplément de revenu quand elles acceptent un "petit boulot" n’en tirera d’affaire qu’une petite partie – en fait, celles qui disposent au départ de plus d’atouts. Et pour celles-là, comme le montre une étude de la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques), le RSA n’ajoute aucune chance d’insertion supplémentaire par rapport au RMI.

Pour faire revenir ou venir à l’activité les personnes qui en sont vraiment éloignées, faut-il les subventionner indéfiniment dès lors qu’elles trouvent un travail mal payé et à temps très partiel, ou faire un gros effort, limité dans le temps, pour leur remettre le pied à l’étrier, en les prévenant que la manne ne tombera pas du ciel jusqu’à ce qu’elles aient l’âge de la retraite ?

Concrètement, cela voudrait dire un traitement totalement personnalisé comportant en tant que de besoin : temps de mise en confiance, remise en forme physique, orientation, formation, appui psychologique (y compris en cas d’addiction), médiation si la situation familiale pose de lourds problèmes, accès à un logement et à un moyen de transport adéquats, aide à la recherche de stage, puis (ou directement) d’emploi, suivi durant toute la période d’insertion, et ainsi de suite selon les spécificités de chacun. Dans les cas simples, prévoir quelques mois ; dans les cas lourds, quelques années.

Mettre une couche de confiture sur le pain des travailleurs pauvres ou les aider puissamment - mais pas indéfiniment - à devenir autonomes, quelle est – à budget égal - la démarche la plus humaniste ?

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