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25/04/2008

RSA : Pauvreté, Exclusion... l'Etat et l'entreprise

 Mathilde Tellier
Auteur
Chargée de communication

Nicolas Sarkozy a fait du RSA (revenu de solidarité active) sa grande annonce d'hier soir. « C'est un engagement que j?ai pris, je le tiendrai », a assuré le chef de l'Etat. Ce RSA pourrait d'ailleurs être généralisé à partir de 2009.

La fin du travailler (plus) pour gagner moins L’idée du RSA - chère à Martin Hirsch, qui en est le promoteur acharné – est de faire en sorte qu’il ne soit plus possible de « gagner plus en ne travaillant pas ». Paradoxe qui se réalise parfois dans le système actuel, un chômeur au RMI perdant parfois plus qu’il ne gagne lorsqu’il qu’il reprend un emploi. Le RSA rendra désormais possible le cumul d’un minimum social avec un revenu. Clairement, ce dispositif incitatif à l'entrée ou au retour sur le marché du travail constitue une vraie… rupture !

Une mesure phare

Si le Président de la République a tenu à faire du RSA sa grande annonce c’est d’abord parce qu’il voulait à tout prix éviter l’effet catalogue d’annonces multiples, son objectif étant de redonner de la clarté et de la lisibilité à son action. Ensuite, c’est parce qu’en mettant en avant exclusivement le RSA, il le met en valeur, méthode efficace car les commentateurs se focalisent sur cette mesure, y compris moi...

Historique et cohérent

Politiquement, le chef de l’Etat adresse un message important à l’opinion. En effet, depuis le début de son quinquennat, il s’est vu reprocher de faire trop pour les riches (avec le paquet fiscal de l’été 2007 notamment), ou encore de se concentrer à l’excès sur l’économie et donc de ne pas en faire suffisamment pour le social. Le RSA lui permet de répondre à ces critiques. S’il est mis en oeuvre, le RSA sera tout simplement la première grande innovation sociale du quinquennat, avec de surcroît, une quasi-dimension historique (à l’image du RMI mis en place par le tandem Mitterrand/Rocard ou la CMU de Lionel Jospin). Enfin, cerise sur le gâteau, le RSA, vise à réduire la pauvreté en incitant à l’activité, ce qui abonde dans le sens du célèbre « travailler plus pour gagner plus » du programme présidentiel…

Les deux freins du RSA

Evidemment, le débat sur son financement a déjà commencé. Nicolas Sarkozy a parlé hier d’un coût compris entre 1 et 1,5 milliard tandis que Martin Hirsch demande 2, voire 3 milliards –donc deux fois plus ! Pour le financer, le président de la République compte puiser dans les crédits de la PPE (prime pour l’emploi), qui serait supprimée. Ce ne sera probablement pas facile politiquement car 8 millions de personnes en bénéficient et la considèrent un peu comme un avantage acquis... Quel paradoxe : la PPE fonctionne mal à cause du nombre élevé de bénéficiaires qui crée un effet dilué, mais elle est difficile à supprimer, justement parce qu’elle concerne beaucoup de monde ! Par ailleurs, certains économistes pensent que les entreprises pourraient baisser les salaires d’embauche, en sachant que l’Etat assurera le complément avec le RSA. Pour que cette mesure fonctionne, il faudra que les entreprises, en plus l’Etat, s’impliquent vraiment…

Accroître l’employabilité des bénéficiaires du RSA

Mon avis : cette mesure est évidemment bonne, même s’il faut veiller aux dérives de coût – le RMI est instructif à cet égard. Mais pour que le RSA fonctionne véritablement, il faudra s’assurer que les personnes concernées soient effectivement employables, car aucune entreprise n’embauche par pure générosité mais bel et bien parce qu’elle y trouve un intérêt !

Justement, l’Institut Montaigne a beaucoup travaillé sur l’embauche des personnes en difficulté. Nous pensons que pour inciter les entreprises à ce type d’embauche, il faut mettre l’accent sur la formation. Nous proposons donc, entre autres, de développer des partenariats entre entreprises et organismes de formation professionnelle pour créer des formations spéciales afin de rendre les postes disponibles accessibles à des personnes pas ou peu qualifiées, voire à des exclus qui sont sortis du marché du travail, c’est-à-dire précisément ceux qui sont le plus concernés par le RSA.

On ne pense que trop peu à cette main d’œuvre potentielle qui est pourtant très motivée si on la remet sur les rails. Pour peu qu’on sache lui tendre la main, l’accompagner, elle peut vraiment être en adéquation avec les emplois disponibles que l’on n’arrive pas à pourvoir. Socialement, aussi bien qu’économiquement, il ne faut pas oublier toutes ces personnes. Il faut les aider, les raccompagner dans l’emploi. Dans cette perspective, la création du RSA est une bonne chose, mais sa création seule ne suffira pas.

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