AccueilExpressions par MontaigneRevitaliser le système de santé !L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.27/06/2016Revitaliser le système de santé ! SantéImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Tribune de Claude Le Pen, Professeur d'économie de la santé et de Thomas London, Responsable des pôles d'activité santé et secteur public chez McKinsey&Company France, tous deux coauteurs du rapport de l'Institut Montaigne, Revitaliser le système de santé, Propositions pour 2017, parue le 16 juin 2016 dans Le Quotidien du Médecin. Dès l'origine, la santé a été pour l'Institut Montaigne un sujet de réflexion et de nombreux rapports lui ont été consacrés soit intégralement (assurance-maladie, hôpital, santé mentale, etc.) soit partiellement (régionalisation, société numérique). L'imminence d'échéances électorales, qui vont être l'occasion d'aborder les grands choix de politiques publiques, nous incite à reprendre la plume car, à notre sens, la santé n'occupe pas dans le débat la place qu'elle mérite.Invoquer les indéniables qualités de notre système ou la place souvent flatteuse qu’il occupe dans la hiérarchie mondiale n’est plus de mise dès lors que certaines d’entre elles s’érodent en termes relatifs. Mais surtout, quatre défis majeurs menacent à notre sens, la pérennité de ces qualités. Le premier est d’ordre financier. Si le déficit de la branche maladie de sécurité sociale n’est plus "abyssal", il reste important, de près de 6 milliards d’euros en 2015. Comme toute augmentation des prélèvements obligatoires se ferait au détriment de la compétitivité de la France et de l’emploi, et comme, par ailleurs il est peu probable que la croissance économique rebondisse subitement vers des niveaux élevés, le déficit va perdurer et la dette s’alourdir. Il faut le dire clairement : l’équation financière est insoluble dans le cadre des modes d’organisation et de gestion actuels. Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont eu tendance à multiplier les coups de rabot dans les dépenses sans réformes structurelles suffisantes, dans une optique très budgétaire et court-termiste. Nous sommes convaincus que cette stratégie en forme d’absence de stratégie à long terme a atteint ses limites et que la préservation des valeurs fondatrices de notre système devient incompatible avec le maintien de ses formes institutionnelles actuelles. Le deuxième défi, lié au précédent, est posé par la crise évidente que subissent les professions de santé, qu’il s’agisse des praticiens hospitaliers ou des professionnels libéraux. Nul besoin de s’y attarder tant se multiplient les signes de désenchantement. Pression budgétaire, stagnation des revenus, diminution du temps médicalement disponible, envahissement des tâches administratives, décrue des effectifs dans des zones où la demande tendrait à s’accroitre, fuite devant la médecine générale, il est temps de repenser le contenu de cette médecine "libérale et sociale" que nous aimions donner en exemple au monde entier. Le troisième défi est celui de la qualité. Nous l’avons dit, la qualité des soins est bonne en France mais elle est trop hétérogène et garantit pas l’égalité d’accès aux soins effectivement prodigués. L’hétérogénéité des pratiques coûte chaque année plusieurs dizaines de milliers de morts évitables. Par ailleurs, l’alcoolisme, le tabagisme, les accidents, les suicides des jeunes et des personnes âgées tuent moins ailleurs qu’en France où il reste à adopter une culture de la santé publique plus pragmatique, incitative et responsabilisante. On ne peut éluder enfin la question de la place de la France dans la recherche et l’innovation biomédicale. Nous manquons en particulier de champions mondiaux dans les technologies biomédicales et c’est souvent à l’étranger que nos brillantes start-ups trouvent les moyens de leur développement. L’attractivité de la France en termes d‘investissements étrangers décline, le secteur de la santé combinant les obstacles généraux liés à une fiscalité décourageante et à un droit du travail excessivement rigide et les obstacles sectoriels tenant à une sur-fiscalité spécifique et à une complexité administrative souvent inutile. Nos propositions s’articulent autour de 5 axes que nous résumerons brièvement. Le premier concerne l’information et la transparence. L’ouverture des données de santé, de toutes origines, publique ou privée, va changer le monde de la santé. L’ère du patient passif est révolue ! Le jugement d’autorité ne suffit plus : le patient s’informe et le praticien doit en prendre acte. Lui-même en professionnel de santé sera de plus en plus lié à des notions de résultats et, osons l’expression, de "performance". Celle-ci est mesurable et sera mesurée. Pour nous, la numérisation va certes changer les métiers mais pas la nécessité des professionnels de la santé. Au contraire, la technologie peut réanimer la pratique clinique comme elle peut faire des patients les acteurs éclairés de leur propre choix. Le deuxième axe concerne plus spécifiquement les professionnels. Nous croyons à la continuité des soins, ce qui est contradictoire avec cette funeste séparation entre médecine de ville et médecine hospitalière issue des ordonnances de 1958. Il fallait à l’époque sortir l’hôpital de l’ère de la charité, il faut aujourd’hui insérer un hôpital technique dans un "parcours de soins", dont l’essentiel se déroulera "hors ses murs". De même, on peut rapprocher les modes de rémunération en développant une rétribution à la performance, sachant que celle-ci ne consiste au fond qu’à s’assurer que les bons soins soient délivrés au bon patient au bon moment par la bonne équipe. Nous l’avons dit plus haut, le déclin de notre pays en matière de santé n’est pas une fatalité et nous disposons de leviers d’innovation majeurs. Les techniques du numérique ouvrent de nombreux champs partiellement exploités, par exemple dans le suivi des patients à distance ou l’automatisation des processus. Si les techniques innovantes sont imaginées et développées à l’étranger c’est autant de perdu pour la qualité de notre production scientifique. Les procédures d’évaluation et d’agrément des innovations peuvent être aussi rigoureuses qu’on le veut mais elles doivent rester simples, lisibles et stables. Cela constitue le troisième axe. Le suivant touche à la gouvernance. C’est celui qui suscitera sans doute le plus de débats mais c’est l’un des plus nécessaires. Nous proposons de confier la gestion du risque santé (c’est-dire la prise en charge mais aussi la prévention et le suivi des patients) à un opérateur public unique issu de la fusion de l’assurance-maladie actuelle et de certains services de L’État. A L’État reviendra la définition de la politique de santé ; à l’opérateur la mise en œuvre de cette dernière. Déchargé de ses responsabilités opérationnelles, l’État aura à fixer des orientations, à garantir la sécurité sanitaire, à faire adopter par le Parlement le budget de la santé, à veiller au bon fonctionnement des institutions. Pourquoi un tel dispositif ? D’abord pour unifier les tutelles de la médecine de ville et de la médecine hospitalière faute de quoi le "parcours de soins" reste un thème vide. Ce sera l’occasion d’intégrer les grandes fédérations hospitalières dans le dialogue conventionnel et de simplifier le système de prises en charge dont les multiples régimes et caissesne se justifient plus. En conformité avec le point précédent, nous proposons de conférer davantage d’autonomie aux établissements hospitaliers publics et, pourquoi pas, de permettre à ceux qui le souhaiteraient d’adopter un nouveau statut d’hôpital public autonome. Offrant des possibilités nouvelles en matière de spécialisation, de recrutement, de financement, ce statut substitue le contrat et la négociation à la suradministration qui prévaut actuellement. Parallèlement, il faut assumer le fait que l’hôpital de proximité offrant à tous les Français à 30 minutes de leur domicile les soins de la plus haute technicité et de la plus haute qualité est un mythe. En dehors de ses fonctions d’enseignement et de recherche, l’hôpital doit se situer dans la chaine de soins comme un élément de recours et non comme le centre de soins primaires qu’il joue trop souvent. Le dernier axe n’est pas moins essentiel. Il concerne les rôles respectifs de l’assurance-maladie et des complémentaires. Là encore le sujet n’est pas simple mais il est possible de donner de la lisibilité au système en clarifiant les domaines d’intervention respectifs de l’assurance-maladie publique et de l’assurance complémentaire privée. Une solution équilibrée résiderait dans une définition financière et non médicale du risque majeur : c’est le risque récurent et coûteux qui relève de la solidarité nationale par opposition à un risque plus circonstanciel qui peut être assurable dans des conditions adaptées à la situation des individus. Par leur proximité vis à vis de leurs clients ainsi que par leur présence sur les lieux de travail, les complémentaires ont un rôle à jouer en matière de santé publique et de prévention. Telles sont, dans les grandes lignes, nos principales propositions. Elles sont le fruit d’une large concertation avec de nombreux professionnels de la santé, avec des responsables publics, avec des personnalités occupant ou ayant occupé de hautes fonctions. Elles ne sont pas irréalistes, à la condition de mettre en place un effort majeur de pédagogie afin de développer et partager une vision sans concession des améliorations possibles en matière de qualité et une vision attrayante du système souhaité. La plupart de nos propositions sont appuyées par des exemples d’expériences qui, en France ou à l’étranger, ont effectivement été mises en œuvre avec succès. Plus que jamais notre système de santé a besoin d’acteurs mobilisés et responsabilisés. Pour aller plus loin :Réanimer le système de santé, Institut Montaigne. ImprimerPARTAGER