AccueilExpressions par MontaigneRetraite par points : où en est-on ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.21/12/2009Retraite par points : où en est-on ? Cohésion socialeImprimerPARTAGERAuteur Jacques Bichot Professeur émérite à l'Université Lyon 3 Les deux dernières réunions du Conseil d’orientation des retraites (COR), le 25 novembre puis le 16 décembre 2009, ont examiné des travaux concernant les effets et la faisabilité d’une réforme "structurelle". On ne saurait dire au vu de ces documents si le COR sera à même de fournir un rapport vraiment circonstancié d’ici le 1er février 2010, comme le veut la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Où en est la réflexion ?Une certaine insuffisance de cette réflexion se traduit d’abord par le maintien de la terminologie "passage à un régime en points ou en comptes notionnels"[1]. Quand comprendra-t-on que le système suédois utilisant des "comptes notionnels" est une variété particulière de système par points ? Les Suédois ont leur point retraite, tout petit, auquel ils ont donné le même nom qu’à leur unité monétaire – la couronne ; les Allemands ont le leur, énorme – on l’acquiert en travaillant une année complète au salaire moyen ; et les Français en ont toute une variété (AGIRC, ARRCO, IRCANTEC, CAVEC, etc.), de taille intermédiaire. Le naturaliste qui passerait son temps à dire "les mammifères ou la souris" finirait par faire douter de sa connaissance de la classification des espèces.Autre lacune : les travaux du COR ne signalent pas l’inconvénient inhérent à l’utilisation du nom d’une unité monétaire pour désigner une unité de compte qui en diffère fondamentalement. Avoir 3 millions de couronnes sur un compte notionnel ne permet pas d’obtenir, à un âge donné, la même rente viagère que 3 millions de couronnes sur un compte en banque : ce peut être plus, ou moins, mais il n’y a aucune raison pour que ce soit égal. Or désigner deux réalités différentes par le même mot prête à confusion, comme si l’on disait de toutes les assurances vie françaises qu’elles sont "en euros". L’assureur qui ferait souscrire à son client un contrat en unités de compte en lui laissant croire qu’il s’agit d’un contrat en euros commettrait une faute professionnelle grave ! Certes, quand on lit ce qui est inscrit en petits caractères dans le contrat retraite de l’Etat suédois, la confusion se dissipe, mais ne vaudrait-il pas mieux éviter tout quiproquo dès l’intitulé ?Notons en troisième lieu l’absence d’une question névralgique : pour obtenir l’équilibre financier sans prélever exagérément sur les actifs, vaut-il mieux mettre les Français en situation de sauver eux-mêmes leur propre retraite, ou continuer à leur dire que l’Etat va faire le nécessaire ? Une retraite à cotisations définies, à équilibre financier obligatoire, et à la carte avec neutralité actuarielle, ce qui n’est guère possible qu’avec des points, rend chacun responsable : lorsque les conditions démographiques ne permettent pas de faire évoluer favorablement la valeur de service du point, ceux qui veulent une pension mensuelle confortable ont la solution de travailler plus pour obtenir davantage de points, et de liquider leur pension plus tard pour bénéficier d’un coefficient actuariel plus élevé. Peut-on ou non créer un tel cadre de responsabilité personnelle dans un régime par annuités ? On attendait le COR sur cette question, maintes fois posée à droite et à gauche. On attend toujours.En revanche, et pour terminer sur une note positive, l’enquête menée auprès des responsables des principales caisses de retraite fournit un résultat fort intéressant : le passage sans transition d’un système à l’autre "apparaît pour la plupart des régimes comme le plus simple à mettre en œuvre, le moins coûteux et le plus compréhensible pour l’assuré. L’effet ‘big-bang’ de cette réforme limiterait dans le temps les lourdeurs administratives et techniques induites par la transition." Autrement dit, à la question posée par l’Institut Montaigne dans son étude Réforme des retraites : vers un big-bang ? les gestionnaires ont répondu, comme l’universitaire auteur de ces lignes, qu’une opération menée tambour battant serait plus efficace qu’une démarche "à petits pas". Comme elle est loin, cette lettre du 10 juin 2003 où le Premier ministre de l’époque, s’adressant à chaque citoyen pour lui vanter les mérites de la réforme des retraites que son gouvernement soumettait alors au vote du Parlement, écrivait : "C’est une réforme sage car elle est progressive".Notes[1] Régimes à comptes notionnels : bien qu’elles soient immédiatement reversées aux retraités, si l’on est en répartition, les cotisations sont enregistrées sur une sorte de compte d’épargne, dit "notionnel" ou "virtuel", puisqu’il n’a pas de contrepartie sous forme de créances et de titres. Le solde du compte est augmenté chaque année d’un intérêt, qui peut dépendre de l’évolution économique et démographique. Le montant mensuel ou annuel de la pension est calculé à partir du solde du compte virtuel au moment de la liquidation, et de l’âge de l’adhérent, en utilisant un coefficient de conversion qui peut le cas échéant servir à adapter les dépenses de l’institution à ses recettes.ImprimerPARTAGER