AccueilExpressions par MontaigneRéforme du marché du travail : quatre questions à Franck MorelL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.24/02/2016Réforme du marché du travail : quatre questions à Franck MorelImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Les grands entretiens Franck Morel, avocat associé Barthélémy avocats, membre du groupe de travail qui a produit le rapportSauver le dialogue socialrevient sur le projet de loi sur le marché du travail porté par Myriam El Khomri. 1. Selon vous, le projet de loi porté par Myriam El Khomri donne-t-il suffisamment d’importance à la négociation d’entreprise ? La réponse dépend des domaines dans lesquels la négociation d’entreprise peut intervenir. Ainsi, le projet de la loi accroît de manière importante les possibilités de négociation, mais dans un seul domaine, celui du temps de travail. En revanche, les possibilités laissées à la négociation d’entreprise dans les autres domaines, comme celui du contrat de travail, ne sont pas accrues. Il est donc clair que le projet de loi ne réalise pas l’inversion de la hiérarchie des normes telle que nous la proposions dans le rapport Sauver le dialogue social, quoiqu’il amène un progrès évident sur la question bien spécifique du temps de travail.2. Le référendum d’entreprise, tel qu’il est envisagé dans le projet, constitue-t-il un outil efficace de dynamisation du dialogue social ? Il y a deux façons d’envisager la question. D’une part, il convient de saluer l’élargissement des possibilités laissées au référendum, qui va dans le sens d’une meilleure écoute des salariés dans la gestion de l’entreprise. D’autre part, il est à regretter que les voies de recours à un référendum demeurent très encadrées. On ne peut effectivement recourir à ce type de consultation qu’après négociation avec un syndicat ayant recueilli au moins 30% des voix lors des précédentes élections du personnel. Ainsi, une double limite s’applique à ce dispositif : seuls les syndicats peuvent y recourir (et donc pas les employeurs) et seulement ceux qui disposent de 30% des voix peuvent s’en emparer. Enfin, il est à regretter que le projet de loi ne fasse pas mention des référendums consultatifs, comme nous le proposions dans le rapport. En conclusion, sur le volet des référendums d’entreprise, ce projet va dans le bon sens, mais il pourrait aller plus loin.3. En ce qui concerne la délicate question du temps de travail, dans quelle mesure le projet de loi peut-il faire avancer les choses ? Plusieurs points positifs sont à souligner. Premièrement, le texte étend substantiellement le champ de la supplétivité en matière de temps de travail : l’accord d’entreprise pourra plus largement fixer les règles, et à défaut les accords de branches. Le projet de loi apporte donc une amélioration significative. Actuellement, une entreprise ne peut déroger aux règles fixées par accords de branches sur certains sujets. Ainsi, il serait dorénavant possible à un accord d'entreprise de prévoir un taux de majoration des heures supplémentaires de 10% même si un accord de branche impose un taux plus élevé. En revanche, on peut regretter que les dérogations en matière de travail à temps partiel restent quant à elles déterminées par les seuls accords de branche étendus. Enfin, le point le plus marquant est sans doute la possibilité accrue de faire varier temps de travail et rémunération par accord collectif et ceci en s'imposant au contrat de travail.4. Quelles sont les avancées réalisées sur le plan du licenciement économique ? Certaines voix se sont déjà élevées contre ce volet du projet de loi. Il convient donc de rappeler qu’en ce qui concerne la sauvegarde de la compétitivité, le texte reprend l’état de la jurisprudence sans y apporter de modification. Il n’introduit donc pas la notion d’amélioration de la compétitivité comme motif de licenciement économique. En revanche, il permet d’apprécier le critère des difficultés économiques dans un cadre national et non plus seulement mondial, ce qui constitue une réelle avancée dans la mesure où cet échelon d’analyse correspond mieux à la réalité des entreprises. Enfin, la définition des difficultés économiques, calquée sur le modèle de la loi espagnole, pourrait toutefois avoir des effets pervers pour les entreprises qui connaissent de réelles difficultés mais ne sont pas directement concernées par cette définition très précise. Il est par ailleurs regrettable que seul un accord de branche, et non d'entreprise, puisse modifier cette définition.ImprimerPARTAGER